"Faites attention à ce manipulateur en région parisienne" : sur des groupes Facebook, les femmes "chassent" les hommes infidèles et manipulateurs
Tout droit venu des États-Unis, le phénomène Facebook "Are we dating the same guy ?" a rapidement conquis l'international. De New York à Paris, des milliers de femmes dénoncent les comportements abusifs et parfois violents de leurs anciennes relations. Mais est-ce bien légal ?
À l'instar de Cameron Diaz, Leslie Mann et Kate Upton dans le film Triple Alliance, nombreuses sont celles ayant déjà eu la mauvaise surprise de constater l'infidélité de leur compagnon. Malheureusement, les applications de rencontre n'offrent pas toujours un merveilleux conte de fée. Pour se protéger et avertir d'autres femmes des potentiels "red flags", certaines ont décidé de partager leur expérience sur les réseaux sociaux. Inventé en 2022 au pays de l'Oncle Sam, "Are we dating the same guy ?" est rapidement devenu viral sur les réseaux sociaux. Le concept est simple, poster une photo ou une capture d'écran du profil Tinder de son date/amoureux, puis ajouter la mention "any ☕️ or 🚩?" ("any tea or red flag", "des infos ou un danger ?" en français). Les commentaires commencent alors à fuser, on peut lire "faites attention région parisienne manipulateur et surtout des escroqueries à n’en plus finir", mais encore "Attention les filles, homme ultra-toxique qui se prénomme Aurélien, rencontré sur Facebook Rencontre l’année dernière. Il semble pourtant doux comme un agneau. Intolérant à la frustration +++ réactions disproportionnées ++++++ Et pour le reste, je n’en dirai pas plus, je suis encore traumatisée…". Menteurs, manipulateurs, infidèles, violeurs, hommes violents, certains témoignages peuvent paraître irréels.
Le succès de ce groupe est tel que le phénomène s'est développé dans près de 120 pays. De New York à Paris, les abonnées se comptent par milliers. 151 528 followers à New York, 108K followers à Londres, 16K à Dublin, 2,9K à paris, 10K à Dubaï, il faut le voir pour le croire. Strictement réservés aux femmes, ces groupes se réservent le droit de refuser une demande d'inscription. Pour assurer la sécurité des données et éviter les diffamations, cette nouvelle méthode de protection contre les violences faites aux femmes n'est pas sans règles.
Dénoncer dans le respect
Les réseaux sociaux sont par définition un lieu où la liberté d'expression est de mise. Certains internautes ne font d'ailleurs pas la différence entre avis personnel et harcèlement en ligne. Sur ce type de page, beaucoup de témoignages s'avèrent être révoltants, toujours est-il que ces groupes restent des zones d'échange et de partage régis par des règles strictes. Cet espace de parole se doit avant tout d'être bienveillant et confidentiel, aucune information partagée sur le groupe ne doit être divulguée et aucun commentaire culpabilisant ne sera publié. Tous les commentaires racistes, sexistes, moqueurs et insultants, aussi bien envers les utilisateurs que les hommes dénoncés, ne sont pas tolérés. Les admins mettent aussi un point d'honneur au respect des données et de la vie privée. Toute personne ayant partagé l'identité, le pseudo, la profession, le lieu de vie et le lieu d'étude de son date se verra bannie du groupe. Idem pour les captures d'écran. D'un point de vue légal, les conversations et mails privés doivent le rester. Il en va de même des photos partagées : le "revenge porn" et les photos humiliantes ne sont pas tolérées.
La diffamation est, elle aussi, interdite. En effet, pour voir sa publication validée, il est indispensable d'avoir été en relation avec la personne dénoncée et d'être en mesure de le prouver. Dans le cas d'une poursuite judiciaire, chaque groupe "Are we dating the same guy ?" précise qu'il se prémunit de toute responsabilité légale. Tout manquement au règlement, aussi minime soit-il, peut entrainer un bannissement définitif. Néanmoins, un homme averti en vaut deux, l'intégralité du règlement s'affiche avant d'effectuer une demande d'adhésion.
Mais est-ce bien légal ?
Aussi original que cela puisse paraître, dans de nombreux pays, ces groupes soulèvent la question de la légalité, de la protection de l'identité et du droit à l'anonymat. En France, divulguer l'image d'une personne, son âge, sa ville, son lieu de vie ou de travail peut porter atteinte au règlement général de la protection des données. Rien qu'aux États-Unis, plusieurs pétitions visant à dissoudre ces groupes ont vu le jour. Ces forums de discussion ont d'ailleurs ouvert un large débat sur l'efficacité de la justice. De nombreux internautes pointent du doigt les justiciers de web et estiment qu'internet n'est pas un tribunal alors que d'autres justifient leurs actes en dénonçant le laxisme des lois concernant les violences faites aux femmes.
Certaines allégations ont d'ailleurs été le centre d'affaires juridiques. Selon le média américain Sunday World, plusieurs membres de "Are we dating the same guy ?" Los Angeles se retrouvent aujourd'hui visées par un procès à 2,6 millions de dollars. À Santa Monica, le docteur Stewart Lucas Murrey attaque en justice une femme rencontrée sur une application de rencontre. Après un appel téléphonique datant de 2022, la jeune femme aurait posté une photo du plaignant avec pour description "I’m curious if anyone has met ‘Lucas’ in person (I’m not sure if that’s even his real name)" (Je suis curieuse de savoir si quelqu'un a déjà rencontré Lucas en personne (je ne suis pas certaine que ce soit son vrai prénom) en français". De nombreuses femmes ont alors réagi et partagé leur expérience négative avec cet homme. En plus de sa première plainte, Stewart Lucas Murrey attaque également 50 autres femmes ayant, elles aussi, commenté la publication. Le plaignant estime que les accusées auraient ruiné sa vie sentimentale, entaché sa réputation et impacté sa recherche d'emploi. Cette affaire est loin d'être un cas à part puisqu'un autre procès est en cours dans la ville de Chicago.
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