Violences faites aux femmes : Anne, 25 ans de violences conjugales, a échappé deux fois à la mort

Pendant 25 ans, Anne a subi les violences de son ex-mari. À deux reprises, son ex-conjoint à tenté de la tuer. Elle témoigne pour alerter l’opinion publique et dénonce le manque d’efficacité de l’appareil judiciaire. Anne est l’une des nombreuses femmes qui témoignent dans le documentaire "Amour à mort" diffusé le 24 novembre sur France 2 dans le magazine Infrarouge et disponible en replay sur le site de FranceTV.

Anne a 19 ans et étudie le droit lorsqu’elle rencontre son ex-conjoint. Cette petite-fille de magistrat et fille de notaire est séduite par cet homme charmant qui dit "partager les mêmes valeurs" qu’elle. Ils se marient et très vite, ont des enfants.

"J’étais déjà détruite quand il a commencé à me frapper"

Anne vit dans une très belle maison, avec un jardin et une écurie. Une maison un peu isolée. L'homme commence à se plaindre des soucis d'argent du couple et décrète qu'une seule voiture suffit pour les besoins de la famille. Son mari lui demande de ne pas travailler et d’arrêter les études de droit qu’elle avait entamées. Le piège commence alors à se refermer sur elle. C’est le début de l’isolement et plus précisément de la longue et lente démolition psychologique. "Et cette violence-là, c’est la plus terrible qui soit". "Rien de ce je faisais n’était bien. J’étais une mauvaise mère… Même poster une lettre à la poste je ne le faisais pas convenablement". Un travail de démolition psychologique constant et quotidien : "C’était du harcèlement quotidien. Il m’appelait même pendant ses heures de travail pour me démolir."

Vidéo. "Quand il a commencé à me frapper, j'étais déjà détruite"

Les premiers coups arrivent après 16 ans de vie commune et quatre enfants. "Quand il a commencé à me frapper, j’étais déjà détruite. Donc, j’étais prête à accepter l’inacceptable." admet-elle. "J’étais dans un état de réflexion minimale puisque j’étais en survie. Quand on est dans cet état, on n’a pas le recul nécessaire pour réfléchir à une stratégie pour partir."

"Je ne me rappelle plus pourquoi il m’a frappée la première fois"

Le premier coup ? Anne se rappelle très bien de la violence du choc. Un peu moins les raisons, tant elles sont insignifiantes. "Je devais l’avoir contrarié" balaie-t-elle.

Après ce premier uppercut, elle ne porte pas plainte. Elle vit dans la peur. Un état qu’alimente son bourreau en la menaçant de la tuer ou de la mettre à la rue avec les enfants. Un jour, il tente de la tuer en fonçant sur elle avec sa voiture. Anne parvient à s’en sortir miraculeusement. En 2006, après des années de souffrance et de violences, elle trouve le courage de le quitter.

Une décision qui a failli lui être fatale. Après leur séparation, son ex-mari lui tend un piège et la séquestre pendant plus d’une heure trente. Au cours de son acte mortifère, il appelle sa maîtresse pour lui demander quelques conseils logistiques : "Il lui disait : "Faut que je trouve un moyen". De se débarrasser de moi sans doute pour quand les choses seraient finies".

"Je me suis dit : "C’est la dernière fois que tu voies le ciel""

Après plus d’une heure trente de lutte acharnée, l’homme rappelle sa maîtresse et relâche la pression de ses jambes. Anne regarde le ciel bleu qu’elle pensait ne plus jamais revoir de sa vie et trouve la force nécessaire pour s'extirper des jambes de son agresseur. "J’avais les lèvres éclatées tellement j’avais serré les dents parce que je savais que c’était la fin."

Vidéo. "Pendant qu'il essayait de me tuer, mon mari était au téléphone avec sa maîtresse"

"Trois mois de prison"

Son ex a écopé de trois mois de prison pour des faits qui n’ont pas été qualifiés de "tentative de meurtre". Anne a dû attendre six mois avant ce fameux procès. "Je dormais avec un couteau sous mon oreiller", confie-t-elle.

Si elle témoigne, c’est aussi et surtout pour dénoncer le traitement des plaintes des victimes des violences conjugales par les forces de l’ordre. "Une fois, ils m’ont dit : "Vous êtes venue la dernière fois. On ne va pas reprendre votre plainte"". La victime a été contrainte de les menacer pour que sa plainte soit reçue. : "La prochaine fois, c’est mon cadavre que vous viendrez rechercher chez moi. Je laisserai un papier avec vos noms en vous accusant de non-assistance à personne en danger.".

Récemment, diverses associations ont dénoncé l’accueil des plaintes des victimes de violences dans les commissariats. Fin septembre, Anna Toumazoff, féministe activiste, avait dénoncé l’accueil du Commissariat Central de Montpellier. Au commissariat central de Montpellier, on demande aux victimes de viol si elles ont joui" avait-elle écrit sur Twitter.

La ministre déléguée Marlène Schiappa dit prendre le problème au sérieux et s’engage à former 100% d’effectifs de police et de gendarmerie d’ici à 2023. Ce mercredi 23 novembre, Marlène Schiappa a présenté le dispositif test "plainte hors les murs" pour faciliter le dépôt de plainte par les femmes victimes de violences. Un dispositif à l’essai pour permettre d’appeler une brigade de police qui se déplace pour recueillir la plainte de la ou des victimes dans n’importe quel lieu. L'idée étant de ne pas contraindre, femme ou homme, à se déplacer au poste de police ou commissariat.

En France, l’an dernier, 159.400 victimes de violences conjugales ont été recensées, dont 139 200 femmes. Un chiffre en hausse de 10%.

"Il veut encore ma mort"

Anne nous confie vivre encore dans la peur. En raison d’une liquidation patrimoniale qui dure depuis 10 ans maintenant, la maman de quatre filles est "obligée" de recroiser celui qui a tenté de la tuer à deux reprises. "Quand il parle, il veut encore ma mort, je le sens."

Aujourd’hui, Anne est grand-mère et a refait sa vie avec Bertrand, un homme qui est "à l’opposé" de ce qu’elle a vécu. Elle concède que ce qui est brisé reste brisé, comme ce nouveau rire "préfabriqué" qu’elle déteste. "J’ai du réapprendre à rire. Je ne savais plus le faire."

Elle se sert de son expérience pour venir en aide aux victimes de violences. Cette descendante de magistrat peine à cacher sa colère contre la justice, elle invite toutes et tous à trouver le courage de porter plainte.

Vidéo. Découvrez le témoignage complet d'Anne, victime de violences conjugales pendant 25 ans

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