Grossesse : éviter les violences obstétricales
L’expression « violences obstétricales » est assez récente, mais si certaines associations se battent pour les faire reconnaître depuis une quinzaine d’années, le grand public les découvre depuis peu, surtout via les réseaux sociaux où des groupes permettent à la parole des femmes de se libérer sur un vécu souvent traumatique de leur accouchement. En cause, des gestes déplacés, des phrases assassines, des actes médicaux imposés et surtout un manque criant de considération pour elles en tant que patientes et en tant que femmes.
Violences obstétricales : ce terme englobe tant les abus qui outrepassent les lois comme de ne pas recueillir le consentement éclairé d’une patiente avant de pratiquer un acte médical, soit des paroles et des actes méprisants, violents, allant à l’encontre du serment d’Hypocrate, bref, tout ce qui fait mal à entendre ou à subir alors que l’on donne la vie. Comme dans toutes les professions, il est possible de rencontrer des indélicats, voire de grossiers personnages. Mais quand il s’agit de médecins, par rapport à un garagiste qui ne ferait pas ce qu’on lui demande, nous forcerait à faire autre chose ou se moquerait de nous, ici c’est un corps et un esprit que l’on malmène : c’est dans la chair et la psyché que s’inscrivent ces mauvais traitements. Et à la clé, à ce moment de grande vulnérabilité, dépression et choc psychologique en plus d’effets secondaires corporels parfois à la limite de la faute professionnelle. Les récits qui se multiplient sur internet exposent en effet un monde obstétrical qui ne suit pas toujours les recommandations les plus récentes au profit d’habitudes anciennes, qui ne prend pas en compte la patiente au détriment de la personnalisation des soins et surtout, qui ne perd pas de son (précieux) temps à expliquer des gestes, vécus en conséquence comme intrusifs et parfois perçus comme de véritables viols, à juste titre quand ils sont imposés par la force.
Les violences obstétricales les plus courantes sont : les épisiotomies non consenties, le fait d’être contrainte physiquement lors de l’accouchement (pieds attachés de force par exemple), des remarques déplacées, des pressions psychologiques (« Si vous n’allaitez pas votre enfant va en souffrir »), du sexisme, des jugements sur le physique, les choix, les capacités ou des remarques teintés de menaces (« Vous poussez mal madame, ça va finir en césarienne si vous ne faites pas un effort »), des examens brutaux ou violents et/ou inutiles (touchers vaginaux à répétition…) ou encore des actes où la douleur est niée et non prise en charge (« Mais non vous n’avez pas mal »). Il peut s’agir d’une violence dite institutionnelle induite par des procédures figées qui ne s’adaptent pas à la personne ou à la situation, ou d’une violence personnelle due à un médecin, une infirmière ou une sage-femme néfaste dans l’équipe soignante.
Plusieurs personnes se sont faites les portes parole de cette cause comme la juriste Marie-Hélène Lahaye avec son blog http://marieaccouchela.blog.lemonde.fr ou le groupe « Stop à l’impunité des violences obstétricales » sur Facebook dont le but est d’aider les victimes à se renseigner et à agir pour surmonter le traumatisme, avec aussi un projet d’Observatoire des Violences Obstétricales pour faire avancer les mentalités souvent encore teintée d’un vieux relent de patriarcat du côté des médecins gynécologues qui osent encore parfois répondre que « c’est dans la tête » (sic).
Heureusement, ces nombreuses prises de parole semblent commencer à changer les choses et on voit même le terme mentionné et expliqué dans un guide qui vient de sortir, le Cahier Jeune Maman pour les Nuls qui y consacre une page entière! Encourageant, et pourtant… face à l’ampleur de ces mauvais traitements, nombreuses sont les femmes qui se détournent des gynécologues et finissent même par accoucher seules chez elles pour ne jamais revivre leur traumatisme. Face aux problèmes que cela pose et aux risques qu’elles encourent, une pétition vient de voir le jour (déjà signée par près de 50 000 personnes) pour qu’enfin on dédiabolise et facilite l’accouchement à domicile avec une sage-femme, procédure dénigrée et rendue presque impossible à l’heure actuelle par de nombreuses mesures dont des montants d’assurance exorbitants.
L’écueil de la défense de cette noble cause – qui est liée à de très nombreuses questions sociétales, médicales, psychologiques et déontologiques- est que parfois ses plus ardents défenseurs finissent par considérer comme violente toute intervention du corps médical pendant l’accouchement. L’interventionnisme est en effet souvent à la source de nombreux soucis lors des accouchements, mais les femmes doivent pouvoir espérer ne pas être traitées comme des morceaux de viande quels que soient leur choix, que l’accouchement soit médicalisé (péridurale etc) ou non. Car dans les nombreux témoignages que les articles recensent (comme celui-ci extrêmement complet), ce qui revient le plus, c’est surtout la sensation d’être niée et d’avoir subi des gestes sans consentement ni explication, laissant les parents dans une angoisse totale et l’incapacité de réagir. C’est donc non seulement les mentalités, les procédures mais aussi le système de santé qu’il faut réformer pour que plus jamais on entende l’excuse de “on n’avait pas le temps” pour justifier un acte imposé. Il est en effet extrêmement rare de ne pas avoir le temps de demander “Etes vous d’accord pour… “ou “Nous allons procéder à…“. Un tort quand on sait que face à des actes similaires, une simple explication peut en changer totalement la perception…
Pour se prémunir des violences obstétricales, voici quelques mesures :
– S’informer et ne pas se laisser convaincre de choses que l’on ne veut pas par la peur : l’épisiotomie par exemple est encore pratiquée inutilement, par facilité, à des taux très très disparates d’une maternité à l’autre. Elle n’est utile que dans de très rare cas, elle n’empêche pas les déchirures et mieux, on sait qu’une déchirure naturelle cicatrise souvent plus vite et de manière moins inconfortable… Quand on le sait, on est plus déterminée à résister à la pression.
– se renseigner sur l’établissement et ses pratiques (taux d’épisiotomies, de césariennes, existence de salles de naissances nature, réputation…)
– faire un projet de naissance avec écrit noir sur blanc ce que l’on veut et ce que l’on ne veut pas
– le jour J, faire savoir à l’équipe que l’on est informée et déterminée à se faire respecter, tout en venant avec une volonté de dialogue, bien sûr
– Sensibiliser son partenaire afin qu’il puisse réagir et faire barrage éventuellement lors de l’accouchement si cela se passe mal avec le médecin
– se faire confiance, ne pas avoir peur des blouses blanches et exiger d’être entendue. En cas de douleur ou se sensations, si l’instinct vous dit que quelque chose ne va pas, insister !
– remettre les gens à leur place et ne pas se laisser faire face à un personnel qui par exemple ne vous regarde pas, ne se présente pas, avec humour éventuellement (« Pouvez-vous vous présenter avant de mettre votre main dans mon vagin ? » « Arrêtez de me culpabiliser avec l’allaitement, l’essentiel c’est que mon enfant mange et vous devriez penser pareil ! »)
Si vous subissez ou avez subi des violences, demandez tout de suite votre dossier médical, contactez des associations et le CIANE (Collectif interassociatif autour de la naissance) http://ciane.net/
Crédit photo: www.instagram.com/lisettelubbersphotography
LIRE AUSSI: