Inflation - Ces Français font 700 km pour remplir leur caddie : "Je fais facilement 200 à 300€ d’économies sur les courses"
Pour faire face à l'inflation, chacun a développé ses propres techniques afin de remplir son caddie. Pour certains Français, les meilleures affaires se trouvent de l'autre côté de la frontière, qu'ils franchissent de plus en plus fréquemment pour faire des économies.
À Marseille, l'agence de voyages Azur Évasion pense à proposer des trajets supplémentaires à ses passagers tant la demande est forte. Plus tôt dans l'année, il a fallu changer d'autocars, et choisir ceux capables d'accueillir 78 personnes pour emmener la clientèle en Espagne. "En mars-avril, les listes d’attente ont commencé à s’allonger. On a décidé de passer sur le format des autocars double étage pour faire dégonfler ces listes", explique Terence Vidal, directeur commercial de l'agence, contacté par Yahoo.
Cette agence de voyages opère depuis de nombreuses années des excursions à la journée ou des séjours sur plusieurs jours. Mais récemment, la demande a fortement augmenté, et le profil des Français se rendant à la frontière espagnole a changé. "Ces personnes ne viennent plus uniquement pour le tabac et l'alcool, mais aussi pour des produits de première nécessité comme la viande, l'huile ou les conserves", détaille Terence Vidal. "On a constaté une diminution de l’âge de ces personnes. Avant les gens qui partaient acheter de l’alcool et du tabac, c’étaient des gens qui avaient le temps. Là on est passé de 50 ans et plus à 40 ans et plus" ajoute le directeur commercial.
"30 à 70% moins cher à la frontière"
Un phénomène qui s'explique par la hausse générale des prix. Pour faire face à une forte inflation, de plus en plus de Français frontaliers prennent donc ces cars au départ de Marseille, Aubagne ou Aix-en-Provence à destination de La Jonquera pour faire des économies. Munis de caddie à roulettes et parfois de glacière, ils sont prêts à faire 700 (350 aller 350 retour) pour un plein de courses. "Ils ont compris que c'était entre 30 à 70% moins cher à la frontière qu'en France, et que mis bout à bout, ils préféraient dépenser 39 euros, faire 700 km et passer une journée -ils partent souvent en famille, pas seuls -en Espagne", déclare Terence Vidal.
Une étudiante habituée de ces voyages, interrogée par Franceinfo, déclare ainsi : "Quand je viens, je fais des courses de 100 euros, et je suis bon pour le mois", explique-t-elle. "Si on compte les frais de péage, les frais d'essence, avec la voiture c'est trop cher. Depuis l'inflation on vient plus souvent pour les cigarettes, la nourriture et pour la viande", explique Priscilla, une passagère, à BFMTV.
"L’écart se creuse très vite avec la France"
Ailleurs dans l'Hexagone, d'autres Français ont fait le choix de franchir la frontière en voiture pour faire leurs achats. Avec l'inflation, Cathy, 50 ans, contactée par Yahoo, confie se rendre plus souvent en Espagne. "Je fais les courses à raison d’une fois par mois. J'y vais plus régulièrement depuis un an, avant c’était tous les trois mois pour les achats essentiellement de produits de toilette (gels douche, shampooings...) et aussi surtout pour la viande", affirme-t-elle. Résidant du côté de Perpignan, Cathy se rend au Mercadona (une entreprise espagnole de distribution alimentaire) de Figueres, au-dessus de Barcelone, pour faire "les grosses courses pour une famille de 4 personnes".
"On en a pour trois heures de temps. Cinquante minutes aller, cinquante minutes retour et le reste du temps courses et le plein là-bas." Un trajet qui s'avère rentable : "Je fais facilement 200 à 300€ d’économies sur les courses et 50€ sur l’essence. Sur un caddie de 200 à 300€ sur le mois l’écart se creuse très vite avec la France", indique-t-elle. La mère de famille a bien en tête les prix Français, afin de ne manquer aucune bonne affaire : "On fait des économies considérables car par exemple je paie le filet de poulet à 4,90€ le kg alors qu’à Lidl c’est 9,90€. Les cuisses de poulet c’est 3,25€ le kilo, en France c’est 8€. Et tout est comme ça."
Un tourisme pérenne ?
L'Espagne n'est pas le seul pays vers lequel les frontaliers se dirigent pour remplir leur caddie. Les résidents du sud est de la France, qui habitent à Nice et ses alentours, conduisent jusqu'en Italie (notamment à Vintimille) pour faire de bonnes affaires.
Priscillia, 34 ans, s'y rend depuis son déménagement en 2014. "Avant cette date je n'habitais pas proche de la frontière italienne, et surtout je n'avais pas de voiture", précise cette mère célibataire de 5 enfants. Elle aussi confirme s'y rendre plus régulièrement face à l'inflation en hausse : "J'y vais toutes les semaines quand mes filles sont à l'école, j'y suis en vingt minutes. Pour un chariot équivalent, en Italie, c'est 100-120 euros et en France à Intermarché, 270 euros voire 300."
Cependant, la hausse des prix à la consommation est tombée à 2,1 % sur un an en juin, selon les chiffres provisoires publiés par l'Insee ce vendredi 28 juin 2024, et les prix de l'alimentation continuent de ralentir (+0,8 % sur un an). Aussi, d'un mois sur l'autre, les prix n'ont quasiment pas augmenté (+0,1 % en juin). Néanmoins, l'arrivée possible d'une nouvelle majorité de gouvernement après la dissolution de l'Assemblée nationale annoncée le 9 juin pourrait aussi influer sur la trajectoire de l'inflation des prochains mois. L'incertitude subsiste donc quant à la baisse de l'inflation, ce qui représente sans doute trop d'inconnues pour l'instant pour convaincre ces Français de faire à nouveau leurs courses dans l'Hexagone.
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