Les cendres de Jean Gabin, dispersées en mer : "Comme ça, les cons ne viendront pas sur ma tombe"

FIFTIES, PORTRAIT OF JEAN GABIN. (Photo by KEYSTONE-FRANCE/Gamma-Rapho via Getty Images)
Les cendres de Jean Gabin, dispersées en mer : "Comme ça, les cons ne viendront pas sur ma tombe" (Photo by KEYSTONE-FRANCE/Gamma-Rapho via Getty Images)

Disparu il y a 46 ans de cela, Jean Gabin fait partie des figures immortelles du cinéma français, et ce lundi 2 janvier 2022, il est à l'affiche du film "Le clan des Siciliens", sur France 3. Acteur emblématique, la star a également été marin pendant la Seconde Guerre mondiale. Et sa dernière volonté, en lien avec la mer, a dû demander quelques arrangements après sa mort.

Né en mai 1904, Jean Gabin a traversé les deux guerres mondiales. Durant la première, il n'était encore qu'un adolescent, à peine sorti de l'enfance. Durant la Seconde Guerre mondiale, il n'a pas hésité à mettre sa carrière d'acteur entre parenthèses pour s'engager dans les Forces françaises combattantes, comme marin embarqué, puis en janvier 1944 comme chef de char au régiment blindé de fusiliers-marins. La mer a toujours eu un attrait particulier pour ce Parisien, que ce soit pendant sa carrière militaire ou dans sa carrière d'acteur.

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Il ne voulait pas d'un enterrement public

Là où bien des stars du cinéma ou de la musique ont eu droit à des funérailles ultra-médiatisées, Jean Gabin, lui, ne voulait pas être suivi par le crépitement des flashs jusque dans la tombe. Il l'avait confié à son biographe André Brunelin, affirmant : "Nous, les acteurs, on ne nous enterre plus la nuit, comme autrefois. Mais, c'est parce qu'à présent, avec nos funérailles, on nous fait battre encore l'estrade ! Même mort, on nous demande de jouer une dernière petite scène devant les photographes, la télé, et avec la foule qui crie "Bis"! Moi, on ne m'aura pas, pour ce coup-là, et on ne me fera pas faire un dernier tour de piste, sans être payé en plus !"

L'acteur était même allé plus loin en confiant à Michel Audiard qu'il voulait être incinéré : "Comme ça, les cons ne viendront pas sur ma tombe." Son rêve était de voir ses cendres jetées à la mer "comme il convenait à un marin", disait-il. Il faut dire que Jean Gabin avait toujours été fasciné par la mer, et ne manquait pas une occasion de s'en rapprocher. Ainsi que le rapporte Le Télégramme, il avait confié au ministre de la Défense de l'époque, Yvon Bourges, sa passion pour la Marine : "Je trouve que c'est une très belle arme et chaque fois que je peux me mettre dans le bain de la Marine, j'y reviens. Ce qu'il y a de magnifique chez les marins, c'est que tous les gars dépendent les uns des autres. Tout le monde fait son boulot. C'est très chouette, la Marine. Je l'adore !"

Une demande spéciale et une autorisation de l'Elysée

Le 19 novembre 1976, quatre jours après la mort de Jean Gabin et au lendemain d'un dernier hommage à Paris, les cendres de l'acteur ont pu être dispersées dans la mer de Brest, ainsi qu'il le souhaitait. Une dernière volonté qui n'a pourtant pas été simple à accomplir. Aujourd'hui, la disper­sion des cendres à la surface de la mer est enca­drée par la loi du 2/01/1986 et l’ar­ticle L.2213–23 du code géné­ral des collec­ti­vi­tés terri­to­riales (CGCT), qui l’au­to­rise sous réserve qu’elle soit réali­sée à plus de 300 mètres des côtes. Mais à l'époque, pour accéder à sa demande, sa famille avait dû demander une autorisation spéciale du président de la République, Valéry Giscard d'Estaing. Jean Gabin a en effet eu droit à des funérailles généralement réservées à des officiers-généraux à la carrière prestigieuse : "Un petit cercueil de bois ciré protégeait l'urne funéraire, se souvient Yves Cariou, du Télégramme. Le Détroyat prit la mer, cap à l'ouest. A 15 milles de là, en Iroise, au sud du phare et de la chaussée des Pierres-Noires, l'aviso s'immobilisa et pivota de manière à présenter sa poupe face à l'océan."

Un souvenir émouvant et poignant, selon sa fille, Florence Moncorgé-Gabin, qui l'a évoqué dans son livre "Quitte à avoir un père, autant qu'il s'appelle Gabin" : "Depuis le départ de Brest où le temps était clair, un albatros avait survolé le navire jusqu'en pleine mer. Le ciel s'est tout à coup assombri. Je me suis avancée entre la haie d'officiers et, au coup de sifflet, j'ai lancé à la mer mon bouquet de violettes, les fleurs préférées de papa, derrière cette petite urne dérisoire. Un grain est alors survenu, fort et dru, et l'albatros a disparu pour ne plus revenir. Quelques instants plus tard, le soleil a réapparu. La disparition de Gabin a été à l'image de sa vie et de sa carrière : forte et impressionnante." Des funérailles dignes de l'acteur et de l'homme qu'il était.

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