Juliette Binoche a grandi avec une mère progressiste : "À 9 ans, elle m'a dessiné un sexe d'homme pour m'expliquer"
Si Juliette Binoche est devenue la femme engagée qu'elle est aujourd'hui, c'est indéniablement grâce à l'éducation féministe qu'elle a pu recevoir de la part de sa mère. Cette femme de caractère, de "Celle que vous croyez" ce lundi 21 novembre 2022 sur TF1, a eu une enfance assez spéciale.
"Il faut savoir aussi dire non à des choses pour ne pas être dans une espèce de système où on vous voit comme ça." En septembre 2022, à l'occasion du festival du film de Saint-Sébastien, en Espagne, Juliette Binoche appelait les femmes comédiennes à refuser les rôles de "femmes objets", de façon à faire évoluer les codes du cinéma et de la télévision. Le milieu du show business reste profondément sexiste, aujourd'hui encore, mais pour la comédienne, qui a découvert le féminisme dès son plus jeune âge, il est grand temps de faire bouger les choses.
"J'accompagnais ma mère dans les manifs féministes"
À l'occasion de la sortie du film "La Bonne épouse", Juliette Binoche avait fait quelques confidences sur sa grand-mère, qui avait elle-même été envoyée dans une école pour devenir la parfaite petite femme au foyer. Elle l'avait expliqué dans les colonnes de Marie Claire : "Ma grand-mère maternelle polonaise, d'un milieu modeste, avait épousé un jeune industriel français. Jeune épouse, elle avait été envoyée dans une institution suisse afin de s'adapter à une éducation plus sophistiquée. Mais tout ça reste une surprise pour moi : je n'imaginais pas qu'il y avait dans les années 50 et 60 plus de mille institutions en France pour éduquer les jeunes filles à devenir des épouses et des mères modèles dans un esprit de soumission totale au mari."
Vidéo. Juliette Binoche évoque ses débuts difficiles
Il faut dire que sa propre mère, femme des années 60, a réussi à se libérer de ce carcan pour donner le meilleur exemple possible à ses enfants : "Ma mère était juste une femme éveillée qui a su s'extraire des années 60 et de l'état d'esprit réducteur de l'époque. Elle a aussi observé le traumatisme de sa mère, au sortir de la guerre, abandonnée par son mari. Ma grand-mère a dû éduquer ses deux enfants seule, devenir couturière puis cuisinière. Ma mère a compris qu'une femme doit être indépendante financièrement pour survivre, c'est la raison pour laquelle elle a repris ses études à 30 ans à la Sorbonne." D'ailleurs, cette dernière n'hésitait pas à donner de la voix pour ses valeurs : "Ma mère, elle, militait dans les groupes féministes dans les années 70, je l'accompagnais dans ces manifs. Elle n'était pas du tout MLF pure et dure, mais elle se battait pour son indépendance."
Des souvenirs d'enfance un peu... particuliers
Résultat des courses, Juliette Binoche a eu une enfance pas tout à fait comme les autres. Car même si elle estime avoir eu une "éducation normale", elle se souvient de deux événements qui ont marqué sa jeunesse. "Pour mon éducation sexuelle, je devais avoir 9 ans, ma mère m'avait dessiné sur mon tableau noir un profil de sexe d'homme, elle m'avait expliqué qu'il grandissait avec le désir et l'amour et rentrait dans le sexe de la femme, que c'était comme ça que l'on faisait des enfants." Pas de pudeur chez les Binoche !
Pas de tabou non plus, puisque la maman de la comédienne a très vite décidé de désacraliser les règles pour ne pas en faire un secret, comme c'est encore aujourd'hui le cas dans tant d'autres foyers : "Je me souviens avoir reçu un cadeau de ma mère le jour de mes premières règles, une boîte en osier à deux étages. Ma mère avait voulu changer l'idée traumatisante qu'on s'en faisait. En général, il y a de la honte autour des règles, il faut se cacher, et ma mère au contraire avait fait de cet événement une fête." Une bonne idée qui a permis à Juliette Binoche de vivre ce chamboulement hormonal de façon "positive".
Juliette Binoche, féministe engagée
Voir les épreuves traversées par sa mère et par sa grand-mère ont forgé la mentalité féministe de Juliette Binoche. Dans une interview accordée au Journal des Femmes, elle expliquait que ces dernières lui avaient appris sa définition du féminisme. "Le féminisme a été une bouée de secours pour un droit à une vie potable. Le féminisme, c'est la solution de la survie", assène-t-elle, avant de dénoncer le manque de soutien des hommes du monde du show business : "Je trouve qu'il y a un manque de courage chez les artistes, les acteurs, qui doivent prendre la parole. Les actrices ont salué la démarche d'Adèle Haenel consistant à libérer la parole. Chez les hommes, il n'y en a eu qu'un : Gilles Lellouche. J'ai l'impression que ces derniers font des films entre eux, comme s'ils se serraient les coudes pour garder une certaine place. Je ressens ça et j'espère que je me trompe."
Elle dénonce un entre-soi du cinéma, et en particulier du cinéma français, qui a malheureusement souvent été pointé du doigt, et continue de l'être aujourd'hui.
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