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Le "wokefishing", la technique de drague qui joue sur l'ouverture d'esprit

Beautiful couple in love flirting in restaurant and bonding
© Getty Images

Être féministe, engagé dans les luttes contres les discriminations et en faveur de l'égalité serait-il le nouveau bon plan pour draguer ? C'est ce que semblent penser les personnes adeptes du "wokefishing". Ces dernières se prétendent plus ouvertes d'esprit qu'elles ne le sont réellement, de manière à attirer des militant·e·s dans leurs filets. La technique, basée sur le mensonge, est particulièrement insidieuse.

On ne compte plus les nouvelles pratiques "tendances" en matière de drague et de relations de couples. Ces dernières ne datent en réalité pas d'hier, mais face à leur côté systémique – généralement mis en avant par des échanges sur les réseaux sociaux – elles gagnent désormais des noms, qui permettent de mieux les identifier. Cela a été le cas pour le "ghosting", le "breadcrumbing", et désormais pour le "wokefishing".

Le wokefishing, c'est quoi ?

Comme bien des techniques de drague modernes, le principe du wokefishing repose sur le fait de se faire passer pour quelqu'un que l'on n'est pas. En l'occurrence, ici, il s'agit de se prétendre plus ouvert d'esprit qu'on ne l'est réellement, dans l'espoir d'arriver à séduire des personnes militantes, ou à rassurer vos potentiel·le·s partenaires en leur faisant croire que vous êtes réellement impliqué dans des luttes qui leur tiennent à cœur. L'idée : avoir l'air le plus ouvert et progressiste possible, pour pouvoir se faire passer pour quelqu'un de bien.

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Le terme wokefishing vient de la contraction de "woke", soit éveillé, un mot souvent utilisé pour décrire un état d'esprit militant (mais dont l'usage courant est contesté, car il était auparavant rattaché au mouvement Black Lives Matter, avant d'être associé aujourd'hui à tous les types de militantisme), et de "fishing", qui signifie hameçonnage. À noter que le wokefishing est un terme universel, qui correspond au fait de mentir sur tous les domaines associés au militantisme. Et ce, que ce soit pour les personnes qui se font passer pour féministes, anti-racistes, ou qui font semblant d'être vegan ou de s'intéresser à la protection des animaux.

"Quand on parle de féminisme pour pécho, c'est mieux d'être un peu plus à cheval sur le consentement"

Bien sûr, lors d'un premier rendez-vous ou au début d'une relation, on a tous et toutes tendance à vouloir se montrer sous notre meilleur jour en camouflant nos défauts. Mais le wokefishing, c'est mentir sur des sujets souvent sensibles. Prenons l'exemple du féminisme. Les choses que l'on attend d'un homme qui se présente comme un allié féministe ne sont pas les mêmes que pour une personne lambda, puisque ce dernier est censé être au fait des problématiques liées à ce combat. C'est en tout cas ce que pense Eva : "Je suis sortie avec un mec soi-disant progressiste. Ben franchement, si j'avais été avec un mec qui se disait conservateur, au moins j'aurais été prévenue."

Cette dernière a eu un parcours assez difficile, notamment marqué par des violences sexuelles conjugales. Elle s'en est ouvert à son nouveau compagnon, persuadée que ce dernier comprendrait. Mais rien ne s'est passé comme prévu : "Il n’a jamais compris, malgré le fait que je lui ai précisé dès le début que ma vie sexuelle avait été compliquée, que j'avais un rapport au sexe différent du sien. Je ne me suis jamais sentie aussi trahie que lors de cette conversation où j'ai compris, sans qu'il ne m'explique vraiment, qu'il n'envisageait qu'une façon de baiser." Prétendre s'intéresser à une cause pour mettre quelqu'un dans son lit, c'est aussi trompeur que malsain... Et cela finit toujours par exploser. Et dans ce cas-là, c'est la personne qui a été victime de wokefishing qui se retrouve trahie, exposée.

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Andrea fait partie des femmes qui ont affaire au wokefishing, mais son expérience est un peu particulière : son ancien partenaire pensait réellement être ce qu'elle n'était pas : "Je pense que mon ex croyait vraiment qu'il était féministe, anarchiste, hyper ouvert d'esprit." Malheureusement, au fil de leur relation, elle a rapidement déchanté : "Quand on parle de féminisme et de communisme/anarchisme pour pécho, c'est mieux d'être un peu plus à cheval sur le consentement et de mieux avoir conscience de ses privilèges de vieille noblesse propriétaire quand on sort avec une boursière qui a sept ans de moins." Aujourd'hui, la jeune femme réalise que l'homme qui a partagé sa vie n'était pas celui qu'il prétendait être, et elle a appris de ses erreurs : "J'étais jeune et je suis quand même restée trois ans avec lui avant de me rendre compte que ce n'était pas normal."

Internet, facteur de réalisation

Mais comment réaliser que l'on est victime de wokefishing ? Pour Andrea, le déclic s'est fait grâce aux réseaux sociaux. Elle évoque le pouvoir "d'internet et des échanges militants", qui ont eu le mérite de lui faire ouvrir les yeux sur sa situation. Si les réseaux sociaux sont régulièrement critiqués, considérés par certains comme de simples tribunaux populaires qui n'ont pas lieu d'être, ils sont aussi un excellent moyen pour les militant·e·s d'échanger, de se retrouver et de faire passer des messages d'utilité publique.

Aujourd'hui, Andrea a par ailleurs mis le doigt sur quelques pistes qu'elle n'hésite pas à partager aux potentielles victimes de cette pratique insidieuse : "Faites attention aux incohérences en réfléchissant à ce que signifient les termes militants que la personne utilise : si il ou elle vit en zéro déchet mais boulotte des bonbons, ça peut être mignon. Mais si il ou elle se dit féministe mais te rabaisse ou te fait te sentir mal, ce n'est jamais acceptable." La jeune femme recommande par ailleurs de s'écouter, de creuser si quelque chose leur paraît louche, et de ne pas hésiter à en parler avec leur entourage : "Je sais que c'est dur parce qu'on peut avoir l'impression qu'on submerge les gens avec ses problèmes quand on est déjà dans la relation, mais échanger peut vraiment aider à comprendre à quel point les choses sont problématiques."

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