Ménopause précoce - "J'ai eu l'envie de mourir" : à 30 ans ou même avant, ces femmes ont appris qu'elles ne pouvaient plus avoir d'enfants

Ces jeunes femmes ont reçu un diagnostic qui a changé leurs vies. Alors qu'elles étaient dans la fleur de l'âge, pas encore mamans, on leur a annoncé qu'elles étaient ménopausées. Leur défi dès lors : réinventer leurs avenirs, loin de la maternité.

Ménopause précoce -
Ménopause précoce - "J'ai eu l'envie de mourir" : à 30 ans ou même avant, ces femmes ont appris qu'elles ne pouvaient plus avoir d'enfants

Crédit : Getty

Pendant quelques années, Clémentine a eu des règles anarchiques : abondantes quand elles étaient "déclenchées par un médicament ou une pilule", elles étaient parfois aussi "inexistantes". Rien qui ne venait cependant trop l'inquiéter, son gynécologue ayant attribué l'absence de menstrues naturelles à son surpoids. Mais lorsqu'elle a entamé des démarches pour faire un bébé, l'"alibi" est tombé. Suite à une prise de sang, une autre gynécologue la met sur une toute autre piste : "arrivée dans son bureau, j'ai senti une petite gêne de sa part. Elle m'explique que mon taux ovarien est infime, incalculable (0.01 ng/ml sur la prise de sang) et que c'est pour ça que je n'ai pas mes règles. Une grossesse est difficilement envisageable...". Encore pleine d'espoir, Clémentine évoque alors la fécondation in vitro. Mais la spécialiste la met face à la réalité : "Je vois son regard se baisser. Elle me demande si je suis atteinte de symptômes de type bouffées de chaleur, sautes d'humeur, sécheresse vaginale etc., et je comprends qu'elle me parle de ménopause. Je connais ces symptômes, ma mère les as eus...".

Clémentine a 27 ans, et apprend ce jour-là qu'elle est en insuffisance ovarienne primitive. En d'autres termes, ses ovaires ne fabriquent plus suffisamment d'hormones sexuelles féminines (œstrogènes et progestérone) ni d'ovocytes. Son seul espoir d'être mère passe par un don d'ovocytes, une solution qu'elle écarte vite.

Comme elle, 1% des femmes de moins de 40 ans seraient touchées par l’insuffisance ovarienne prématurée ou primitive (IOP), mieux connue sous le nom de ménopause précoce. Si elle peut découler de maladies auto-immunes, de facteurs environnementaux ou d'infections virales, l'IOP est fortement influencée par l'héritage génétique. "Un facteur indicateur peut être l'âge de ménopause de la maman", précise en effet la sexologue Catherine Blanc. Mais seule l'évolution dans le temps permet réellement de confirmer le diagnostic.

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"J'ai eu l'envie de mourir. C'est comme si on m'avait arraché le cœur"

Mylène a à peine 30 ans lorsqu'elle reçoit le diagnostic. Un vrai ascenseur émotionnel pour celle qui pensait justement être enceinte... Ne supportant plus son implant ni la pilule, la jeune femme avait décidé avec son compagnon de stopper les contraceptifs. "On s'était dit 'on ne calcule pas et on voit ce qui advient'", se souvient-elle. Rapidement, son absence de règles et ses seins très gonflés lui ont semblé annonciateurs de grossesse. Mais il n'en était rien. Des analyses ont même montré une réserve ovarienne vide, mais le médecin a temporisé : "Il me dit que ça peut arriver après l'arrêt d'une pilule, donc j'en reste là". Son médecin remplaçant la renvoie alors vers une gynécologue qui lui prescrit un traitement censé lui déclencher les règles. En vain. La seconde prise de sang se révèle "plus catastrophique que la première". Le couperet tombe : elle est en ménopause précoce.

Bien qu'elle n'avait pas de "grosse envie de maternité", Mylène a vécu ce diagnostic comme un choc. Pendant une année, elle vivra une "totale dépression" : "J'ai été très très très en colère […] Tous les gens qui voulaient m'aider, je les envoyais bouler. Ça a été une descente aux enfers...". Son couple vacille, son conjoint exprimant un désir d'enfant qu'il n'avait pas réellement formulé auparavant.

Rares sont d'ailleurs les couples qui résistent à ce bouleversement. D'autant plus que la sexualité est alors souvent reléguée au second plan. La faute à un esprit chamboulé, mais aussi à de vraies causes physiologiques. "Le principe de la ménopause est une chute d'œstrogènes importante […] Et pour une moitié des femmes, voire une grosse majorité, cela entraîne une sécheresse vaginale", décrypte la sexologue et psychanalyste Catherine Blanc. Face à une sexualité devenue "inconfortable voire douloureuse", certaines femmes vont "développer des mécanismes d'évitement qui auront des incidences sur le désir". De plus, même si leurs relations sexuelles n'étaient jusqu'à lors pas motivées par un désir d'enfants, ces femmes peuvent avoir "l'idée que celles-ci "n'ont plus de sens" et se sentir "vieilles du point de vue de la puissance féminine". Et elles ont souvent bien du mal à se faire comprendre, à cause des fluctuations hormonales... "Il peut y avoir des bouffées de chaleur, un mal-être dans son corps, des humeurs vacillantes... Il n'y a plus de mode d'emploi, et beaucoup de hauts et de bas", décrit Catherine Blanc.

Clémentine a bien failli quitter son compagnon et se mettre tout le monde à dos durant cette période. "Clairement, j'ai eu l'envie de mourir. C'est comme si on m'avait arraché le cœur […] J'ai été fâchée plusieurs mois avec mes parents et quasiment deux ans avec ma sœur à cause de cela. Je me suis laissé aller physiquement", exprime celle qui dit se sentir encore aujourd'hui "incomplète".

En pré-ménopause à 30 ans, à cause d'une diminution de la réserve ovarienne, Virginie pouvait elle encore espérer avoir un enfant. Présentant des cycles réguliers mais un taux d'hormones anti-mullërienne et un compte folliculaire bas, elle est cependant alertée par son gynécologue : "Si vous voulez un bébé, il va falloir agir très vite !". Mais toutes ses tentatives tournent court et finissent par la mettre en danger. Après plusieurs fausses couches et des opérations en urgence, elle vit deux grossesses extra-utérines qui provoquent la rupture de ses trompes. Elle se retrouve stérile à 34 ans. "J'avais encore mon utérus pour tomber enceinte, mais je ne voulais plus de toute cette médicalisation. J'ai donc fait le choix de tout stopper, du jour au lendemain". Ce parcours douloureux et ce choix ont eu raison un peu plus tard de son couple. "C'était vraiment une période éprouvante physiquement et moralement. Je l'ai vécu comme un deuil, je devais accepter que tous mes rêves de vie de famille et mes projets personnels n'allaient pas se produire comme je l'imaginais...".

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"Il y a tellement d'autres rôles à explorer"

Pour ces jeunes femmes, c'est alors toute une projection vers l'avenir qui est à réinventer. Et une souveraineté à retrouver. Leur retour à une sexualité épanouie se fera probablement grâce à beaucoup de douceur. Catherine Blanc leur conseille d'ailleurs de prendre "davantage de temps pour que la lubrification se fasse", d'être dans le "faire l'amour" plutôt qu'une simple recherche de plaisir. Des traitements médicaux substitutifs qui remettent à l'équilibre œstrogène et progestérone, seront souvent indispensables. Des plantes œstrogène-like comme le gattilier peuvent aussi permettre de rééquilibrer. Au niveau local, la sexologue et psychanalyste évoque les lubrifiants, les huiles, ou encore les traitements par ovules à base d'acide hyaluronique.

Certaines vont se lancer dans des projets qui vont redonner une direction à leurs vies. Ainsi, Mylène s'est plongée dans le sport, et notamment le culturisme, pour dépasser son sentiment d'impuissance. Dans cette discipline, sa ménopause précoce est même selon elle un atout : en l'absence d'œstrogènes, elle souffre moins de rétention d'eau que les autres femmes, ce qui favorise sa condition musculaire. Un peu "tête de mule" selon ses propres mots, elle a souhaité contredire les médecins qui arguaient que le sport allait devenir compliqué pour elle. Elle participera au championnat de France en avril prochain, avec l'espoir d'atteindre les championnats européens.

Clémentine, elle, a doucement retrouvé le moral grâce à un projet de mariage avec son compagnon (le même qu'avant le diagnostic), qui lui a redonné le sentiment d'être femme. Mais aussi grâce à son amour pour ses neveux et nièces. Toujours sous antidépresseurs, la jeune femme a aussi reporté son affection sur son chien : "Il est devenu mon bébé, et maintenant j'ai aussi sa fille. Tout le monde me dit que ce sont mes "enfants à 4 pattes. C'est mon réconfort", se console-t-elle. Soucieuse d'aider les femmes dans son cas, elle aimerait créer dans l'avenir une association.

Après sa période de deuil, Virginie a elle aussi choisi la voie de la résilience : "il y a tellement d'autres rôles à explorer [...] J'ai décidé de faire confiance à la vie qui me montrait un autre chemin. Je n'avais pas vécu tout ça pour rien ?!". Au fil du temps, la quadragénaire est devenue naturopathe et coach pour aider les femmes à améliorer leur bien être autour de la ménopause. À 43 ans, elle est même l'autrice d'un livre sur le sujet (le Guide pratique de la périménopause chez Mango éditions). Une façon de renouer avec sa puissance féminine, car après tout, comme évoqué par Virginie : "Produire une œuvre est aussi en quelque sorte enfanter"...

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