Origine des vêtements, matière, prix… Les conseils de deux professionnelles pour s’habiller éthique

Comment savoir quel vêtement choisir pour s’assurer qu’on achète éthique ?
d3sign / Getty Images Comment savoir quel vêtement choisir pour s’assurer qu’on achète éthique ?

CONSOMMATION - Empreinte carbone désastreuse, pollution des eaux, main-d’œuvre sous-payée, voire exploitée… La veste que vous avez repérée a beau être jolie, la réalité qui se cache derrière sa fabrication l’est souvent beaucoup moins. Mais en tant que consommateur comment savoir quel vêtement choisir pour s’assurer qu’on achète éthique ?

Shein, Temu… Cette loi anti « fast fashion » veut punir l’impact environnemental de ces marques

Le gouvernement a présenté mercredi 3 avril la méthodologie derrière Écobalyse, une étiquette qui devrait apparaître dès cet automne dans les magasins et en ligne et qui permettra, grâce à une note allant de 0 à l’infini, d’avoir une idée de l’impact environnemental de chaque vêtement en vente. Cet éco-score sera dans un premier temps destiné aux marques volontaires mais l’ambition est de le rendre obligatoire.

Car l’industrie textile, qui pourrait représenter 26 % des émissions de gaz à effet de serre en 2050 à l’échelle mondiale (contre 10 % aujourd’hui), est l’une des plus polluantes. Son bilan humain n’est pas plus glorieux, entre bas-salaires, violation des droits humains, travail forcé, travail des enfants... En attendant le projet d’affichage environnemental qui pourrait permettre aux consommateurs d’y voir plus clair, plusieurs critières sont à avoir en tête.

Pays de fabrication

Fondatrice de la marque éthique Loom, Julia Faure est l’une des membres de En Mode Climat, association qui réunit des acteurs économiques de la mode pour lutter contre la surproduction textile. La première chose qu’elle regarde pour déterminer si un vêtement neuf a été produit éthiquement est le pays de fabrication.

« C’est le critère sur lequel on ne peut pas tricher, explique-t-elle. Il dit les conditions de travail des gens qui ont travaillé pour le fabriquer. C’est ça la vraie différence entre le made in France et le made in Bangladesh. Des gens pourront vous dire “mais c’est un matériau recyclé…”, si c’est fait au Bangladesh ou en Chine, on sait que ce sont des conditions de travail de misère. »

Avant d’acheter un vêtement, Julia Faure conseille donc de se demander « est-ce que j’irais travailler au Smic dans ce pays ? ». « Et il n’y a pas beaucoup de pays où les conditions sont bonnes, rappelle-t-elle. Même au Maroc, en Tunisie, en Turquie, ce n’est pas réjouissant. Donc c’est là où ça privilégie le made in Europe, le Portugal, l’Espagne, l’Italie… »

Matière et prix du vêtement

Autre critère : la matière. La vaste majorité des vêtements vendus dans le monde sont en polyester ou en coton. La première est une fibre synthétique, dérivée du pétrole. À chaque lavage, les textiles produits dans cette matière relâchent des microplastiques qui finissent dans la nature. Chaque année, c’est l’équivalent de plus de 24 milliards de bouteilles en plastique qui polluent ainsi les océans, selon l’Ademe.

Le coton est une matière naturelle, mais elle n’est pas dépourvue de problèmes. Sa culture intensive en fait la principale consommatrice de pesticides au monde, en plus d’être très gourmande en eau douce. « Il faut privilégier le coton bio, souligne Julia Faure. Après, il y a plein d’autres matières, le lin, la laine… Mais cela représente très peu des vêtements qui sont faits, l’essentiel est en coton et en polyester. »

Coton bio, made in France… Des indicateurs qui s’accompagnent généralement d’un prix plus élevé sur l’étiquette. À ce sujet, Julia Faure rappelle : « si ce n’est pas cher, cela veut dire que d’autres payent pour nous. C’est vraiment ça. Un tee-shirt qui coûte 5 € ou 25 € a demandé la même quantité de travail et la même quantité de matières premières. Si vous payez 5 € c’est que les femmes qui ont cousu ce tee-shirt ont été mal payées, qu’elles sont exploitées. »

Cinq vêtements par an par personne

Comment, dès lors, concilier pouvoir d’achat et consommation éthique ? Pour la fondatrice de Loom, la réponse est claire : il faut consommer moins et mieux. Car le cœur du problème en matière de pollution textile et d’exploitation des ressources, aussi bien humaines qu’environnementales, est la surconsommation.

La proposition de loi Horizons sur la fast fashion le rappelle : en France, « en l’espace d’une décennie, le nombre de vêtements proposés annuellement à la vente a progressé d’un milliard, et atteint désormais 3,3 milliards de produits, soit plus de 48 par habitant ». Or, selon les calculs d’En Mode Climat, pour que nos niveaux de consommation soient compatibles avec les objectifs de l’accord de Paris, il faut se limiter à cinq nouveaux vêtements par an par personne (en incluant chaussures et linge de maison).

Irréaliste ? Se fixer un objectif est un bon début. « Rien que compter combien on en achète : se dire cinq par an et tenir le compte. Ça, c’est déjà incroyable », estime Julia Faure.

Acheter en seconde main, mais pas trop

Comment faire pour les enfants en pleine croissance ? Ou pour toute autre envie ou besoin ? Pauline Debrabandere, coordinatrice de campagne chez Zéro Waste France, conseille la seconde main « beaucoup plus accessible aujourd’hui qu’il y a 15 ou 20 ans ».

Consommer d’occasion n’est pas pour autant un blanc-seing pour la surconsommation. La hausse de la seconde main a accompagné celle de la fast fashion pour une raison : « cela peut légitimer parfois le fait que des gens achètent plein de choses et les remettent en vente immédiatement après », résume Pauline Debrabandere qui conseille de se concentrer « sur les marques durables » même si vous faites votre shopping sur Vinted.

L’essentiel au final étant d’éviter les achats compulsifs et de bien réfléchir avant de sortir sa carte bleue. Avant de vous jeter sur cette blouse à 20 euros repérée sur Instagram, passez en revue votre garde-robe et évaluez vraiment vos besoins. Et la même logique s’applique en ce qui concerne la fin de vie des textiles : penser à la réparation ou au troc avant de vous débarrasser d’un vêtement et d’aller faire les boutiques pour le remplacer. « Il faut toujours avoir en tête que l’intérêt des marques n’est pas de satisfaire nos besoins mais d’en créer de nouveaux, donc il faut y résister », résume Julia Faure.

À voir également sur Le HuffPost :

À Puteaux, les uniformes scolaires n’ont pas été fabriqués en Europe, contrairement à la promesse de la mairie

Le projet de mine de lithium mené par Imerys dans l’Allier en dit beaucoup de l’« écologie à la française »