Il faut arrêter d'utiliser le terme "pervers narcissique" à tout bout de champ !
Le pervers narcissique est-il devenu le croque-mitaine amoureux de notre génération ? Depuis son apparition dans les médias il y a quelques années, il est utilisé à toutes les sauces par des femmes comme par des hommes, pour qualifier les personnes qui leur ont fait du mal. A tel point que certains ont oublié ce que cette expression signifiait.
"Mon ex, c'était un véritable pervers narcissique." Cette expression, vous l'avez sûrement lue ou entendue à plus d'une reprise, tant elle s'est répandue au fil des années. Le pervers narcissique est devenu le grand méchant des relations amoureuses ou personnelles, l'appellation commune pour les personnes dont l'attitude toxique nous a fait du mal.
Un pervers narcissique, c'est quoi ?
Evoqué dans la plupart des magazines féminins, les pervers narcissiques sont souvent décrits comme des "vampires affectifs", des personnes qui apparaissent de prime abord comme des séducteurs pour ensuite rendre infernale la vie de leur proie, tout en faisant en sorte que leur victime passe pour une personne folle, dépressive ou paranoïaque. Une définition au final assez floue, qui peut correspondre à tout type de comportements, du menteur à l'infidèle, en passant par la méchanceté... Et qui est assez loin de la notion historique, évoquée par le psychiatre et psychanalyste Paul-Claude Racamier, qui affirmait en 1986 : "Le mouvement pervers narcissique se définit essentiellement comme une façon organisée de se défendre de toute douleur et contradiction internes et de les expulser pour les faire couver ailleurs, tout en se survalorisant, tout cela aux dépens d’autrui."
Joul, psychologue sociale et animatrice de la chaîne YouTube Psychopops, qui vulgarise la psychologie sociale, a récemment pris la parole sur Twitter pour évoquer la sur-utilisation de ce terme, et surtout : son utilisation erronée. Dans ses messages, elle le rappelle : "Le terme pervers narcissique est utilisé dès que les gens se sentent manipulés, mais ce n'est pas une pathologie reconnue. (...) C’est juste un terme pour pathologiser les connards." Interrogée par Yahoo Style, elle précise : "Le pervers narcissique est issu d'une théorie psychanalytique, et les psychologues comme les psychiatres peuvent également être psychanalystes et adhérer à ces théories. Donc des psychologues peuvent parler de pervers narcissique, mais il n'y a pas de définition du terme en psychologie. Ce n'est pas une théorie qui a été testée scientifiquement selon les protocoles habituels en psychologie et il n'est pas inscrit dans le DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, ndlr)."
"C'est un pervers narcissique" : une explication trop facile ?
Pour la psychologue : "Il est toujours dangereux de donner une explication facile et rapide à des comportements problématiques, et de laisser tout le monde poser des diagnostics." Le pervers narcissique, véritable croque-mitaine amoureux, est utilisé à toutes les sauces par les personnes déçues du comportement de leurs proches, et cela peut créer des problèmes. Elle précise : "Depuis qu'on s'est mis à beaucoup parler des pervers narcissiques dans les médias et que c'est rentré dans le langage courant, on l'utilise un peu pour justifier tout et n'importe quoi et se rassurer sur ce qu'on a vécu."
Pas question pour elle de nier les ressentis des personnes qui ont eu affaire à des individus ou à des comportements toxiques : "J'insiste sur le fait que je ne minimise pas la souffrance des gens qui se sont fait manipuler par quelqu'un, surtout quelqu'un de proche, c'est plutôt le contraire." Toutefois, elle estime que le grand public devrait perdre l'habitude de "pathologiser le fait que des gens aient des comportements horribles, même si ça nous fait du bien d'avoir une explication rapide et toute faite. Je trouve que ça enlève justement leur responsabilité comme si c'était "comme ça" et qu'il y pouvait rien vu qu'il était malade."
Arrêtons d’auto-diagnostiquer les pervers narcissiques
D'autre part, Joul estime que l'utilisation du terme "pervers narcissique" peut empêcher les personnes concernées d'aller au-delà de cet auto-diagnostic : "Il se peut pour certaines personnes qu'elles aient vraiment des pathologies reconnues et qu'on ne creuse pas plus loin juste parce qu'on a déjà dit que c'était un pervers narcissique."
Pour rappel, la perversion narcissique n'a jamais été reconnue comme un trouble clinique, contrairement à d'autres pathologies telles que le trouble de la personnalité narcissique, causé par un problème de développement des capacités d'empathie, par exemple. D’où l’intérêt de le rappeler : tous les comportements désagréables, aussi difficiles qu’ils soient, ne font par d’une personne un pervers narcissique.
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