Refuser des rapports sexuels, une faute en cas de divorce ? La France condamnée par la CEDH
JUSTICE - La fin du « devoir conjugal ». Une femme qui refuse des rapports sexuels à son mari ne doit pas être considérée par la justice comme « fautive » en cas de divorce, a tranché la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) ce jeudi 23 janvier. La Cour a ainsi donné raison à la requérante, une Française de 69 ans dont le mari avait obtenu le divorce aux torts exclusifs au motif qu’elle avait cessé d’avoir des relations sexuelles avec lui depuis plusieurs années.
Dans un arrêt rendu jeudi, la Cour qui siège à Strasbourg condamne la France et rappelle que « tout acte sexuel non consenti est constitutif d’une forme de violence sexuelle ».
« La Cour ne saurait admettre, comme le suggère le gouvernement, que le consentement au mariage emporte un consentement aux relations sexuelles futures. Une telle justification serait de nature à ôter au viol conjugal son caractère répréhensible », indique la CEDH.
Un « tournant » pour les droits des femmes
« J’espère que cette décision marquera un tournant dans la lutte pour les droits des femmes en France », a réagi la requérante dans un communiqué, transmis au HuffPost par son avocate Lilia Mhissen. « Par sa décision, la CEDH abolit définitivement la notion de devoir conjugal et dit clairement que le mariage ne constitue pas un consentement à toutes les relations sexuelles qui pourraient avoir lieu ensuite, et que les relations sexuelles doivent être consenties au moment où elles ont lieu », a déclaré Me Mhissen auprès du HuffPost.
En juillet 2018, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles avait estimé que le divorce ne pouvait pas être prononcé pour faute et que les problèmes de santé de l’épouse étaient de nature à justifier l’absence durable de sexualité au sein du couple.
Mais en 2019, la cour d’appel de Versailles avait prononcé le divorce aux torts exclusifs de l’épouse retenant comme une « faute » son refus des « relations intimes avec son mari ».
La requérante avait formé un pourvoi en cassation, qui avait été rejeté. L’épouse avait alors saisi la CEDH, faisant valoir l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale.
Pour son avocate Lilia Mihssen, la décision de la CEDH met un terme à ce qu’elle dit explique être « une vision sexuelle institutionnelle » héritée du droit canonique. « L’Église impose des relations sexuelles dans le mariage dans un but de procréation, et cette jurisprudence était un vestige du droit canon. Aujourd’hui, la CEDH a confirmé que le mariage n’était pas une servitude sexuelle. »
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