Secrets de famille - En faisant le tri dans ses photos d'enfance, Lucie découvre ce que ses parents lui ont fait : "J’étais un problème qu’il fallait éloigner"

En faisant le tri dans ses photos d'enfance, Lucie découvre qu'elle est toujours seule. Elle pose la question à sa grand-mère, qui lui révèle alors le terrible secret.

Secrets de famille - En faisant le tri dans ses photos d'enfance, Lucie découvre ce que ses parents lui ont fait :
Secrets de famille - En faisant le tri dans ses photos d'enfance, Lucie découvre ce que ses parents lui ont fait : "J’étais un problème qu’il fallait éloigner". Crédit : Getty

Lucie a découvert le secret de sa famille à plus de 50 ans : "J’ai des parents et une soeur. Nous avons toujours été proches de mes grands-parents du côté maternel. Et la famille se résume plus ou moins à ça. Oui, j’ai plusieurs tantes et des cousins mais nous ne les voyions jamais. Ma soeur n’a pas eu d’enfants et moi non plus. Elle pour des raisons médicales et moi par choix. J’ai toujours su que nous avions une "petite" famille dans le sens où je ne voyais pas chez nous les grandes tablées qu’il pouvait y avoir l’été ou aux anniversaires chez mes amies. Chez moi, on a toujours été moins de 10. Et on s’enorgueillissait de ça. On disait que nos relations étaient moins superficielles, qu’on se connaissait mieux. Mais en fait, je l’ai découvert tard, je ne savais pas tout."

C’est au moment du décès de son grand-père maternel que Lucie découvre le secret : "Je rangeais la maison pour aider ma grand-mère et j’ai trouvé des boîtes avec des photos dedans. Je connaissais ces boîtes. J’avais dû y fouiller étant petite. Certaines photos me disaient en effet quelque chose. Mais quand j’ai décidé de les descendre pour prendre le temps de les regarder avec ma grand-mère, j’ai été surprise de constater qu’il y avait beaucoup de photos de moi, seule, enfant chez eux. Ça ne ressemblait pas à des photos qu’on prend quand on fait un déjeuner du dimanche ou pour célébrer quelque chose en particulier. Ça ressemblait à des photos qu’on prend quand on veut garder un souvenir spécifique ou qu’on veut envoyer des nouvelles à quelqu’un. Et j’étais surtout toujours seule, sans ma soeur, qui a seulement trois ans de plus que moi et qui aurait dû être là en train de jouer avec moi. J’en ai parlé à ma grand-mère pour qu’elle m’explique le sens de ces photos. Et c’est là qu’elle m’a dit que j’avais passé une année entière avec eux, de mes trois ans à mes quatre ans environ. Mes parents ne voulaient plus s’occuper de moi donc ils leur avaient confié ma garde. C’est parce que mes grands-parents ont insisté que j’ai pu revenir chez moi."

Lucie confronte très rapidement ses parents : "J’ai eu besoin de comprendre. Je ne me rappelle pas du tout de cette période de ma vie. J’étais trop petite. J’avais besoin de comprendre pourquoi c’est spécifiquement de moi dont ils ont décidé de se séparer. Et pourquoi ils n’avaient pas prévu de me reprendre. Ma mère n’a pas tourné autour du pot, ce n’est pas son genre. Elle m’a tout simplement dit que c’était trop à gérer pour elle, qu’elle le savait dès ma naissance et qu’elle avait tenu aussi longtemps qu’elle pouvait avant de me laisser à quelqu’un d’autre qui pourrait faire mieux qu’elle. Elle m’a avoué qu’elle ne s’occupait pas bien de moi et qu’elle avait eu peur qu’il puisse y avoir des conséquences donc elle avait préféré éloigner le problème. C’est exactement les mots qu’elle a utilisés. J’étais un problème qu’il fallait éloigner. J’ai eu de la chance que mes grands-parents soient de si bonnes personnes. J’ai aussi appris pourquoi j’étais finalement revenue. Ma soeur me demandait trop. Je lui manquais. Ma mère a fini par avoir des remords."

La soeur de Lucie ne se souvient pas du tout de cet épisode : "Quand je lui en ai parlé, j’ai essayé de savoir ce dont elle se rappelait puisqu’elle était un peu plus âgée que moi. Mais c’était très confus dans sa tête. Elle se souvient qu’il s’est passé quelque chose et qu’elle n’était pas très heureuse mais elle n’a aucun souvenir des détails. Pour elle, il n’était pas question d’abandon. On lui avait juste dit que j’allais passer des vacances, un peu longues certes, chez nos grands-parents. C’est ce qui a rendu difficile cette phase de réalisation de la réalité. Personne ne semblait croire que c’était un abandon et personne ne voulait voir que c’était grave et que je pouvais être traumatisée par ça. J’ai commencé une thérapie à ce moment-là parce que je sentais que je n’allais pas m’en sortir toute seule. Ça fait des années maintenant et c’est un sujet encore difficile pour moi. J’ai besoin que ce traumatisme soit reconnu. Pendant des années, je n’ai pas su d’où mon mal-être pouvait venir. Je l’ai finalement appris mais tout le monde a fait comme si ce n’était pas si grave. Je sais que je ne vais jamais obtenir d’excuses mais je voudrais, qu’un jour, on me dise que c’était grave, que ça n’aurait pas dû se passer comme ça et que je ne méritais pas ça. Ça n’arrivera probablement jamais mais je sais que j’en ai besoin."

Certaines familles cachent des secrets qui peuvent avoir des conséquences sur plusieurs générations. Quels sont ces secrets ? Comment refont-ils surface ? Et enfin, quelles sont les conséquences que cela peut avoir sur les personnes qui les découvrent ? La série "Secrets de famille" revient sur cet épineux sujet du mensonge et de dissimulation au sein même des foyers.

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