Audrey Liénard : "Pendant 6 mois je ne vais pas aux toilettes et je risque l’occlusion intestinale. Les médecins me disaient que c'était dans ma tête"

Pendant près de 10 ans, Audrey Liénard a subi les effets du syndrome de l’intestin irritable dans l’ignorance la plus complète. Entre gênes, douleurs et incompréhensions, la jeune femme est parvenue à atténuer son syndrome sans l’assistance médicale. Car, même s’il touche 5% des Français (selon les chiffres de l’Assurance Maladie), le syndrome de l’intestin irritable est une pathologie inexplorée par le corps médical.

Dix ans de douleur. C’est en ces termes que l’on peut résumer l’adolescence d’Audrey Liénard.

À 14 ans, la jeune fille commence à avoir des troubles digestifs importants qui se manifestent presque automatiquement après chaque repas. "Ce sont des troubles pas très glam' en plus : diarrhées, constipation, gaz, ballonnements, ventre de femme enceinte..."

Des symptômes qui vont s’accentuer au fil des années, devenant de plus en plus handicapants : "Je commence à avoir du mal à aller à l’école, il y a beaucoup de fatigue chronique pendant la phase de la digestion."

Audrey Liénard consulte une dizaine de médecins. "Et à chaque fois, c’est la même réponse. On me dit que je suis trop stressée, que c’est dans ma tête, 'que ça va bien se passer, madame'." La jeune fille souffre du syndrome de l'intestin irritable, également appelé colopathie fonctionnelle, mais aucun professionnel de la santé n'est en mesure de la diagnostiquer.

Vidéo. "J'allais aux toilettes jusqu'à 10 fois par jour. J'avais honte"

J’allais aux toilettes jusqu’à 10 fois par jour

Pendant près de dix ans, Audrey Liénard est empêtrée dans une errance médicale en subissant les effets sévères du syndrome sur son quotidien. "J’allais aux toilettes jusqu’à 10 fois par jour. Quand on sort, il faut toujours être sûre d’avoir des toilettes à côté et on n’a pas forcément envie d’y aller à l’école, en open space, à un rencard ou quand on vient d’emménager avec son copain, ce qui a été mon cas."

S’ajoute à tous ces handicaps du quotidien, le sentiment de honte. "C’était impossible pour moi d’assumer ces symptômes. J’ai vécu toute cette période en essayant de me retenir au maximum. Ce qui a enclenché encore plus de douleurs pour moi."

La jeune femme évoque les souffrances invisibles qui la rongent : "Il y a d’une part le fait qu’on n’ose plus sortir. On refuse toutes les invitations. On se renferme sur nous-mêmes. C’est un enfer. Mais en plus de cela, le fait d’avoir mal au ventre, et le ventre étant lié au cerveau, il y a cet espèce de douleur permanente qui fait qu’on n’a plus le moral. Je pleurais tout le temps. Je n’aimais pas ma vie. J’en avais marre. J’en avais marre de souffrir.".

Audrey Liénard plonge alors dans la dépression. Une souffrance qu’elle tait, au regard de la société qui impose des tabous aux femmes. "Il y a dix ans, c’était honteux. Moi, on ne m’a jamais dit de parler de mes troubles digestifs, de gaz, de ballonnements, de diarrhées,… C’était impensable pour une femme de parler de cela."

Et pourtant… Selon les chiffres de l’Assurance Maladie, les femmes sont deux fois plus concernées que les hommes par le SII.

Ses crises de diarrhée se transforment. Pendant près de six mois, Audrey est victime de constipation sévère qui l’empêchera d’aller aux toilettes. "J’avais de "fausses selles", comme on les appelle". Elle a 24 ans lorsqu’elle est admise d’urgence à l’hôpital car elle est à "deux doigts de faire une occlusion intestinale". Selon Passeportsante.net, "une occlusion intestinale est un blocage partiel ou complet de l’intestin, qui empêche le transit normal des matières fécales et des gaz."

"On est seuls face à la pathologie"

Pour la première fois, les symptômes de la jeune patiente sont pris en compte. "De là, on m’envoie chez un gastro-entérologue qui me diagnostique le syndrome de l’intestin irritable." Au soulagement d’avoir des mots sur les maux, s’ensuit… L’errance à nouveau. "Je n’ai aucune solution qui m’est proposée. On me dit juste 'bonne chance, vous allez vivre avec et voilà.' On est seuls face à une pathologie que l’on ne comprend pas et que l’on ne sait pas comment gérer.".

Après avoir reçu le diagnostic tant espéré, Audrey se retrouve donc à nouveau seule. "Un gastro-entérologue est là pour trouver ce qui ne va pas mais pas pour accompagner la personne derrière. Le syndrome de l’intestin irritable ne se guérit pas. Il n’y a pas de médicament. C’est juste l’hygiène de vie."

Audrey met le doigt sur un problème : aucun traitement médicamenteux n’est pour l’heure disponible pour soigner le syndrome de l’intestin irritable. En France, 3,3 millions de personnes sont concernées par le syndrome et doivent donc composer au quotidien avec des "solutions maison" pour atténuer les symptômes.

Vidéo. "Cette méthode a été une révolution dans ma vie"

"Dès le lendemain, je retire tout de mon alimentation"

Que faire alors lorsque même la médecine n’est pas capable de donner des réponses ? Audrey Liénard se refuse à subir ce quotidien toute sa vie et décide de se documenter sur internet. Un soir, elle découvre la méthode FODMAP, un acronyme de "Fermentable Oligo, Di, Monosaccharides And Polyols". En substance, "ce sont des glucides qui fermentent dans l’intestin" nous explique Audrey Liénard. "Dès le lendemain, je l’applique et je retire tout de mon alimentation. Je me rends compte qu’en une semaine, je n’ai quasiment plus de symptômes, que mon ventre a dégonflé, que je n’ai plus mal, que je n’ai plus de crise."

Pour la jeune patiente, c’est une révélation. C’est à ce moment qu’elle comprend que ce sont les aliments qu’elle ingurgite qui ont un impact sur son mal-être. "Je vais suivre la méthode pendant six mois mais très mal, car je ne suis pas accompagnée." C’est là aussi que réside l’intérêt de sa démarche de prévention : l’accompagnement par des professionnels de la nutrition. Car, si la méthode FODMAP a été reconnue scientifiquement comme pouvant contribuer à diminuer les symptômes de la pathologie, elle n’en reste pas moins complexe. Mal exécutée, elle peut provoquer des carences voire des troubles du comportement alimentaire.

"Un vrai enjeu de santé publique"

Audrey Liénard se consacre aujourd’hui à informer et à mieux renseigner les personnes qui, comme elle, souffrent du syndrome de l’intestin irritable. Au travers de sa démarche, elle espère aujourd’hui rassurer ceux qui n’ont pas été assez pris en compte par le corps médical. "Il s’agit d’un vrai enjeu de santé publique" nous confie-t-elle.

"50% de la population française est concernée par des troubles digestifs, et 5% souffre du syndrome de l’intestin irritable. Pour moi, il y a un vrai enjeu de santé publique. C’est ce qu’on mange aujourd’hui, c’est la société de consommation, c’est tout ça qui est en train de détraquer nos ventres. On n’est pas assez alertés dessus. Il y a des personnes qui ne sont même pas au courant que le syndrome existe et ça, ce n’est pas possible.".

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