Injonctions, sexualisation et culture du viol : un rapport dénonce le sexisme dans la publicité
Le 21 janvier, l’association Résistance à l’agression publicitaire publiait un rapport qui épingle les publicités sexistes. Une preuve que le secteur de la publicité a encore des efforts à faire question égalité et représentation des femmes.
"Une femme, une pipe, un pull", "Vous voulez dire qu’une femme peut l’ouvrir ?" : des exemples de slogans de publicités au sexisme choquant, qui semblent aujourd’hui totalement archaïques. Pour autant, sommes-nous débarrassés du sexisme dans la pub ? Le 25 mars 2019, l’association Résistance à l’agression publicitaire (R.A.P.), lançait l’Observatoire de la publicité sexiste, une plateforme collaborative en ligne où chacun et chacune pouvait soumettre des publicités qu’il jugeait sexistes. Résultat, 165 contributions provenant de vingt villes différentes. Le 21 janvier 2021, R.A.P. révélait son rapport, où les contributions ont été triées et analysées, qui souligne que les stéréotypes et les injonctions sexistes sont encore très présents dans les campagnes publicitaires. Retour sur des grandes tendances pointées par le document.
Vidéo. Laura Berlingo nous parle des normes et des injonctions qui pèsent sur les femmes :
Injonctions, sexualisation et culture du viol
La majorité des contributions cible le genre féminin et concerne les secteurs de l’habillement parfumerie (46% des contributions) et l’hygiène beauté (18%). Les principaux ressorts utilisés dans ces publicités sont des stéréotypes sexistes liés à l’apparence : les "injonctions à la beauté (54%), à la jeunesse (47%) et à la minceur (42%)". "Les femmes corpulentes, âgées, racisées, non-valides, LBTQIA+, etc. sont majoritairement exclues de la vision de la société que nous projette la publicité", rappelle l’association.
Vidéo. Anaïs se confie sur sa bisexualité et les difficultés qu'elle rencontre au quotidien :
Très souvent, les femmes représentées sont également sexualisées (51%) : leur posture – bouche entre-ouverte, jambes écartées ou peau apparente – suggère un corps disponible pour un rapport sexuel. Et ces images de femmes dans des positions lascives sont parfois utilisées sans aucun rapport avec le produit vendu. Un procédé régulièrement dénoncé par le compte Twitter Pépites Sexistes, comme cette femme allongée nue, pour promouvoir de l’éclairage horticole.
#MarketingFainéant : "Et si on mettait une femme nue pour vendre *mot aléatoire* ?"
Ici, des led. pic.twitter.com/zNbNQevhwM— Pépite Sexiste (@PepiteSexiste) January 20, 2021
Et quand elle n'est pas juste sexualisée, la gent féminine est carrément coupée en morceau, comme réduite au statut d’objet (30% des contributions). Ces procédés, mis en place pour attirer l’attention, contribuent toutefois à attiser la culture du viol, en renforçant la vision d’une femme toujours disponible pour un rapport sexuel.
Même lorsque les intentions des créatifs derrière les pubs sont louables, cette marotte publicitaire de la sexualisation des femmes parvient parfois à s’immiscer : "Pour une campagne anti-harcèlement [lancée en février 2020 par l’association HandsAway ndlr.], il y avait ces femmes tronc. Et si on ne lit pas le texte, on ne voit que des bouts de viande. Même si le message est bien, la forme est vraiment regrettable", explique Thomas Bourgenot chargé de plaidoyer à Résistance à l’agression publicitaire.
"Purple whasing", la récupération féministe
Inspirées par le travail du militantisme, certaines agences et marques trouvent de bon ton de coller des valeurs et slogans féministes dans ses campagnes de publicité. C’est malheureusement souvent maladroit et raté, car peu crédible quant à l’historique et les pratiques de la marque, souligne l'enquête. C’était notamment le cas de la marque Always, dans une publicité qui vantait l’enpouvoirement féminin (non citée dans le rapport).
Une démarche que condamne R.A.P. : "Ce n'est pas aux marques d'être anti-sexistes, les marques nous vendent des produits mais pas des valeurs. Elles devraient vanter leurs produits et laisser la bataille des valeurs aux associations et aux politiques, je pense que tout le monde s'en porterait mieux !", ajoute Thomas Bourgenot.
Quelles actions pour lutter contre le "publisexisme" ?
Les propositions de la R.A.P. sont pour le moins radicales : "On propose d'interdire d'utiliser des êtres humains ou des humanoïdes, animés, tout ce qui est personnification d'objet", insiste Thomas Bourgenot. "Ça aurait beaucoup d’avantages, notamment d’empêcher l’association d'une marque avec un sentiment positif qui n’est fondé sur rien. Comme lorsqu’on utilise un footballeur ou une star du cinéma pour vendre un produit."
L’association propose aussi de renforcer l’encadrement la publicité, qui exerce aujourd’hui sans beaucoup d’entraves, à travers deux propositions : "Mettre fin à l’autorégulation publicitaire par la création d’une instance de régulation réellement indépendante et dotée de pouvoirs de sanction", pour seconder l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, mais aussi "inscrire clairement dans la loi l’interdiction du sexisme dans la publicité", même si la notion de sexisme reste très subjective et parfois difficile à condamner.
En attendant des mesures radicales, on peut imaginer d’autres outils comme éduquer les étudiants en publicité dans les écoles à la lutte contre les représentations sexistes et au sexisme en entreprise. À en croire le compte Instagram Balance ton Agency, le milieu de publicité a de gros efforts à faire question sexisme et harcèlement sexuel. Et lutter contre le sexisme en entreprise, pourrait bien contribuer à faire disparaître les représentations sexistes dans la publicité.
Belinda Mathieu
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