Vie de mensonge - Amal : "Pour me donner un côté exotique, je fais croire à tout le monde que je ne suis pas française, mais ce n'est pas vrai"

Amal a 34 ans et elle a menti à ses proches pendant toute sa vie d’adulte : "J’ai commencé à mentir au moment de mes études. On me demandait mon prénom et puis après, très souvent, d’où je venais. Je m’appelle Amal et j’ai toujours dit que je venais d’Egypte. C’était un peu une façon de me donner une histoire, un petit coté exotique. Mais la vérité c’est que je me suis inventé une origine qui n’est pas la mienne. Ma famille habite en région parisienne depuis deux générations. Ils ont coupé les ponts avec la famille au pays pour mieux s’intégrer et je n’ai jamais mis les pieds en Egypte. Mais il faut voir les yeux des gens s’allumer quand je leur dis que je suis égyptienne. Ils ont tout de suite plein de questions. J’ai appris à y répondre en faisant des recherches. Je crois que je ne m’imagine pas autrement que comme Amal, l’Égyptienne."

"Ma mère pourrait me renier"

Elle sait pourtant que ses mensonges feraient souffrir sa mère : "Pour elle, je suis française comme eux sont français. Ma mère est fière d’être française et d’avoir des enfants qui le sont aussi. Elle n’a aucun lien avec l’Egypte où elle a été seulement une fois. Depuis qu’elle a épousé mon père, cette part de son identité n’existe plus. Elle est née en France. Elle a fait toutes les démarches pour devenir Française officiellement. Pour elle, revendiquer autre chose, ce serait de la folie pure. Elle pourrait me renier. Et je sais que je ne peux pas avoir cette conversation avec elle. Ça la mettrait vraiment très en colère."

Elle n’a, pour l’instant, raconté la vérité à personne : "Je n’ai jamais été dans une relation sérieuse. Et heureusement. Parce que je ne me vois pas dire à quelqu’un que j’aime que je lui ai menti depuis le départ et que je ne suis pas égyptienne du tout. J’ai seulement "des origines", comme on dit. Comment on explique un mensonge aussi bizarre ? C’est pour ça que j’espère rencontrer quelqu’un en dehors du cercle de mes amis et de mes collègues, quelqu’un à qui je puisse dire la vérité depuis le départ. Mais d’abord, je travaille sur moi. J’ai commencé une thérapie il y a quelques mois parce que je pense qu’il y a des choses à explorer de ce côté-là. On ne ment pas à tout le monde comme ça pour rien."

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"Je ressemble à des gens que je ne connais pas"

Amal évoque la question de ses origines avec un psychothérapeute : "J’ai besoin de parler avec quelqu’un de qui je suis et de qui j’aspire être. Je crois qu’au fond j’ai envie et besoin d’aller explorer cette partie de mon identité en allant en Egypte et en rencontrant des gens de ma famille, même si c’est de la famille éloignée. J’ai le sentiment que le grand flou qu’il y a autour de cette partie de mon histoire me pèse trop. Je connais tous mes cousins du côté de mon père, j’ai passé toutes mes vacances dans la maison de mes grands-parents en Normandie. Pourquoi je n’ai pas de souvenirs comme ça du côté de ma mère ? Elle a seulement un frère qu’on ne voit pas parce qu’il a choisi d’habiter aux Etats-Unis. C’est un vrai problème pour moi. Je me sens amputée d’une partie de ma famille et d’une partie de qui je suis. En plus, j’ai l’air égyptienne. Donc même si je ne mentais pas, les gens supposeraient quand même que je ne suis pas seulement française. Je crois que ça amplifie encore plus mon sentiment de malaise par rapport à ça : je ressemble à des gens que je ne connais pas."

Elle n’imagine pas dire la vérité à ceux et celles à qui elle a menti : "J’ai moins besoin de me présenter et de parler de moi alors, ça vient moins sur la table. Pour ceux qui croient que je ne suis pas française, je vais les laisser le croire. Pour les autres, les nouvelles personnes qui peuvent débarquer dans ma vie, je vais essayer de dire la vérité. Je suis une française d’origine égyptienne. J’espère qu’avec les années, ça va devenir de plus en plus clair pour moi. Je pense que je vais avoir besoin de beaucoup d’heures de thérapie et de plusieurs voyages. Et je pense que ma famille va finir par accepter ça. Je sais que mon frère s’en fiche complètement par exemple. Lui, il n’a pas cette curiosité là et il se sent parfaitement à sa place. On n’est pas tous pareils. J’espère en tout cas qu’arrêter de mentir va aussi signifier que je me suis trouvée."

Qui sont ces gens qui mentent sur leurs vies, leurs histoires ou leurs personnalités ? Comment en vient-on à mentir ? Pour certaines personnes, il n’est pas possible d’être totalement honnête même auprès de proches ou de personnes aimées. Essayons de comprendre un peu mieux ceux et celles qui mentent malgré l’amour.

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