Vie de mensonge - Elsa : "J’ai fait croire à mes parents que j'avais fait une fausse couche et que je ne pouvais pas avoir d'enfant. Mon père s'est mis à pleurer"

Depuis 6 ans, Elsa fait croire à ses parents qu'elle ne pourra jamais avoir d'enfant. Lasse de subir la pression de ses parents sur la question, elle a préféré inventer une fausse couche, qui aurait anéanti ses chances de pouvoir devenir maman un jour. Un mensonge qui a profondément bouleversé ses parents. Elsa nous explique les raisons.

Vie de mensonge - Elsa :
Vie de mensonge - Elsa : "J’ai fait croire à mes parents que j'avais fait une fausse couche et que je ne pouvais pas avoir d'enfant. Mon père s'est mis à pleurer". Crédit : Getty

Elsa a 36 ans et a commencé à mentir à ses parents un peu après ses 30 ans : "Mes parents sont un peu traditionnels et ils ont commencé à me parler de bébé autour de mes 25 ans. Je me suis mise en couple très jeune, ce qui n’aide pas. Pour eux, il n’y avait aucune raison pour qu’on ne s’y mette pas à un moment. J’ai supporté pendant plusieurs années les réflexions aux repas de famille, les allusions et même les cadeaux orientés. C’est déjà arrivé que ma mère achète une tenue de bébé et me dise que ce serait pour quand j’allais me "décider". C’est quand ces gestes et ces réflexions ont commencé à se multiplier que j’ai craqué. J’ai fait croire à mes parents que j’étais enceinte pendant quelques semaines avant de leur dire que j’avais fait une fausse couche. Je leur ai raconté que ce n’était pas la première et que les médecins me disaient que je ne pourrais pas avoir d’enfant."

Elsa a conscience que son mensonge a fait souffrir ses parents : "Mes parents ne sont pas capables du tout de comprendre que je ne veux pas d’enfant et que mon mec non plus. Ils n’ont jamais fait le deuil du fait qu’on ne veuille pas se marier. Je sais que les ai rendu tristes quand je leur ai dit que j’avais perdu le bébé et encore plus quand je leur ai raconté des fausses couches qui n’ont pas eu lieu. Ma mère s’est sentie coupable de ne pas avoir été là pour moi. J’ai vu mon père pleurer. Et bien sûr que ça m’a fait culpabiliser. Mais j’ai aussi conscience que, sans ça, mes parents n’allaient jamais nous laisser tranquilles. J’allais chez eux à reculons. Leurs réflexions allaient trop loin. Je pense que sans mon mensonge, j’allais finir par couper les ponts. Et c’est la dernière chose que je voulais."

Le compagnon d’Elsa l’accompagne dans son mensonge : "Il ne connait pas tous les détails et il n’était pas là pendant la grande discussion que j’ai eue avec mes parents sur le sujet mais je lui ai dit que j’avais juste raconté que je ne pouvais pas médicalement avoir d’enfant. Il a été étonné que je mente avant de se mettre à rire parce que, avec la contraception, c’est vrai qu’on ne peut techniquement pas avoir d’enfant. Donc il m’a rassurée en me disant que c’était un demi-mensonge. On en a parlé une fois et puis ça n’est jamais revenu sur la table. Il trouve quand même aussi que c’est plus facile d’aller voir mes parents maintenant qu’ils ne nous mettent plus la pression avec ça. Même si il n’en souffrait pas comme moi, ça lui pesait pas mal. Et il me voyait souffrir donc ça n’aidait pas."

Elsa regrette de ne pas pouvoir être la fille que ses parents voudraient qu’elle soit : "J’ai l’impression d’avoir deux vies. Une où je suis heureuse avec mon mec, mes amis, mon travail. Je suis plutôt sûre de moi et je peux dire que je m’éclate dans la vie. Et puis il y a la personne que je suis dans ma famille. Où j’ai l’impression d’enchaîner les échecs, de ne pas faire ce qui est attendu de moi, pas aussi bien que ma soeur qui est mariée et qui a des enfants. Mes promotions au boulot, les voyages que je peux faire, la maison que je viens d’acheter, tout ça ne compte pas vraiment. Je sens qu’ils ne sont pas fiers de moi et ça me touche. J’ai commencé une thérapie pour parler de tout ça et je me rends compte en en parlant avec quelqu’un, que je ne peux rien y faire et que ce n’est pas de ma faute. Mais c’est plus fort que moi. J’ai envie qu’ils m’aiment. J’ai envie de les rendre fiers. J’ai envie d’être traitée comme ma soeur et pas comme une petite chose fragile qui n’arrive pas à leur donner ce qu’ils veulent. J’aime mes parents. Ça m’a brisé le coeur de devoir leur mentir mais je ne l’ai fait que parce que je savais que c’était la seule manière pour préserver notre relation. Ça ne change pas le fait que celle-ci est déséquilibrée comme elle l’est depuis le départ. Mais je sais aussi que je ne peux pas les changer. Rien ne les fera accepter ce qu’ils ne veulent pas accepter depuis que je suis adulte. Pour eux, réussir sa vie, c’est créer une famille. La famille que je me suis composée, avec mon chéri et mes amis, ne compte pas. Je trouve que c’est dommage d’avoir une famille et de la traiter comme ça. Avec ce comportement, ils ne font que me prouver que j’ai eu raison."

Qui sont ces gens qui mentent sur leurs vies, leurs histoires ou leurs personnalités ? Comment en vient-on à mentir ? Pour certaines personnes, il n’est pas possible d’être totalement honnête même auprès de proches ou de personnes aimées. Essayons de comprendre un peu mieux ceux et celles qui mentent malgré l’amour. Si vous aussi vous voulez raconter vos histoires exceptionnelles, vous pouvez envoyer un message à cette adresse : lucilebellan@gmail.com.

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