Vie de mensonge - Marie-Hélène : "C’est tout ce qui me fait peur aujourd’hui avec ce mensonge. Ma fille ne peut pas comprendre la méchanceté de mon frère et ma soeur"

Marie-Hélène s'est retrouvée orpheline à l'âge de 22 ans, l'occasion pour elle de couper les ponts avec sa famille, dont elle n'a jamais été proche, se disant même fille unique. Mais, au contact de sa fille et de son mari, son secret commence à peser lourd...

Rear view of a mother and her little daughter are sitting on the grass in nature
Vie de mensonge - Marie-Hélène : "C’est tout ce qui me fait peur aujourd’hui avec ce mensonge. Ma fille ne peut pas comprendre la méchanceté de mon frère et ma soeur." Photo : Getty Creative

Marie-Hélène a 48 ans et elle a toujours menti sur sa famille : "Mes parents sont morts quand j’étais assez jeune, j’avais 22 ans et j’étais déjà un peu éloignée de mes proches en général. J’ai profité d’aller faire des études pour couper les ponts en quelque sorte. J’ai un frère et une soeur mais depuis la mort de mes parents, je fais comme s'ils n’existaient pas. J’ai déjà dit à plusieurs personnes que j’étais fille unique. Ma fille croit que je n’ai pas de famille. Mon mari n’a jamais entendu parler de ma soeur ou de mon frère. Ce sont des personnes que je ne souhaite plus jamais revoir et dont je ne veux pas entendre parler. Mais j’angoisse qu’un neveu ou une nièce essaye de prendre contact. Ou que le décès de l’un ou de l’autre fasse que je sois invitée à me rendre à des funérailles. Je ne saurais pas expliquer pourquoi j’ai coupé les ponts et pourquoi j’ai menti."

Pour Marie-Hélène, son mensonge n’en est pas vraiment un : "Je n’ai jamais eu l’impression de grandir dans une fratrie. Mon frère et ma soeur sont plus âgés et on n'a rien en commun. Ils ont même été méchants avec moi. C’est à cause d’eux que je ne me suis jamais sentie incluse. Je ne veux pas leur mettre tout sur le dos. Je sais que je suis arrivée tard, que mes parents étaient surpris de me voir débarquer, que j’ai été "la petite dernière" et que j’en ai peut-être profité. Mais leur animosité a rendu l’atmosphère irrespirable à la maison. Mon frère est parti vivre sa vie quand j’étais ado mais avant ça, ce n’était que réflexions et coups en traitre. On me mettait tout sur le dos. Même si mes parents étaient de bonnes personnes, je ne me sentais pas aimée. Ça prenait le dessus sur tout. Je ne me sentais pas chez moi, pas bien dans ma famille. C’est pour ça que je suis partie dès que j’ai pu. Et que quand on me demandait de parler de moi, je disais que j’étais fille unique. En fait c’est ce que j’aurais voulu. Je ne le voyais pas comme un mensonge mais plutôt comme un rêve et un peu aussi comme ce qui s’est passé en réalité : je n’ai jamais vraiment eu de frère ou de soeur, que des ennemis."

>> Vie de mensonge - Anissa : "J'ai commencé à mentir très vite, mes parents ne me connaissent pas vraiment"

Marie-Hélène ne réfléchit pas à dire la vérité à son propre enfant : "Quand j’ai rencontré mon compagnon et celui qui est devenu le père de ma fille, je lui ai dit que je n’avais plus de famille. Mes parents étaient déjà décédés et je n’avais plus entendu parler de mon frère et de ma soeur depuis l’enterrement. Et avant ça plus non plus depuis des années. Ils avaient fait leurs vies : ils se sont mis en couple avec des gens que je n’avais jamais rencontrés et eu des enfants que je n’avais jamais vus non plus. Pour moi, la seule fois où j’ai été obligée de les revoir, c’est comme si c’étaient des inconnus. Heureusement, mon père avait préparé la succession et il n’y avait pas de décision à prendre. On n'a même pas eu besoin de discuter de choses. On s’est à peine dit bonjour. Alors quand je suis rentrée chez moi, orpheline, j’ai considéré que je n’avais plus de famille du tout. Et c’est ce que j’ai raconté à l’homme dont j’étais amoureuse. Quand je suis tombée enceinte, je n’ai ressenti aucun besoin de les tenir au courant. Quand ma fille est arrivée, et je savais que je voulais une fille unique, je lui ai raconté l’histoire de ma famille telle que je l’avais vécue. Des grand-parents qui sont des gens bien mais qui décèdent vite. Et puis personne d’autre."

Elle sait pourtant que la découverte de la vérité pourrait être douloureuse : "Je pense que ma fille ne comprendrait pas. Elle a souvent dit qu’on était une toute petite famille et je sais qu’elle a envié les enfants qui avaient des grandes fêtes de Noël et d’anniversaire. Du côté de son père, elle a quelques cousins et elle les aime beaucoup. Je pense qu’elle ne pourrait pas comprendre que j’aie pu la couper de potentiels cousins et cousines en plus. Parce que je sais que c’est important pour elle. Je pense que je pourrais passer pour la méchante. Celle qui s’en va. Celle qui coupe les ponts. Elle ne peut pas comprendre comment j’ai vécu mon enfance et la méchanceté de ces gens. C’est tout ce qui me fait peur aujourd’hui avec ce mensonge : j’ai peur qu’il soit découvert et que mes proches me jugent ou souffrent de mes décisions. Mais je ne peux rien y faire. Si la vérité doit sortir, elle sortira."

Qui sont ces gens qui mentent sur leurs vies, leurs histoires ou leurs personnalités ? Comment en vient-on à mentir ? Pour certaines personnes, il n’est pas possible d’être totalement honnête même auprès de proches ou de personnes aimées. Essayons de comprendre un peu mieux ceux et celles qui mentent malgré l’amour.

Si vous aussi vous voulez raconter vos histoires exceptionnelles, vous pouvez envoyer un message à cette adresse : lucilebellan@gmail.com.

À lire aussi :