Avec #SciencesPorcs, les étudiantes de Sciences-Po dénoncent les agressions sexuelles ignorées par l'administration
Cela fait maintenant plusieurs semaines que Sciences-Po se retrouve au coeur du scandale, avec l'explosion de l'affaire Duhamel. Mais les étudiantes qui sont passées par les bancs de la célèbre école ne comptent pas s'arrêter là. Dans une série de témoignages poignants réunis sous le hashtag #SciencesPorcs, plusieurs d'entre elles dénoncent des viols, des agressions sexuelles, accusant l'administration d'avoir voulu les faire taire.
Il y a quelques semaines, Camille Kouchner dévoilait son livre La familia grande dans laquelle elle racontait l'inceste qu’a fait subir son beau-père, Olivier Duhamel, à son jumeau dans les années 80. Depuis, le politologue et professeur des universités émérite à l'Institut d'études politiques de Paris est frappé d'opprobre, mais ce n'est pas la seule polémique qui s’abat sur l'institution que représente Sciences-Po à travers la France. Depuis de nombreuses années, l'administration aurait fait le choix de fermer les yeux sur les violences sexuelles subies par ses élèves. Les étudiantes, toujours sur les bancs de l'école ou l'ayant quitté depuis plusieurs années, ont décidé de libérer la parole et de dénoncer les actes abjects qu'elles ont subis par le passé. Les témoignages, compilés par Anna Toumazoff sur Twitter et Instagram, sont purement et simplement révoltants.
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#SciencesPorcs, un hashtag contre la loi du silence
Toulouse, Paris, Bordeaux, Lyon, Grenoble, Aix, Rennes, Strasbourg... Aucun campus n'est épargné. Les témoignages se comptent par centaines, et tous ou presque ont un point commun : lorsqu'ils ont été évoqués auprès de l'administration, ils ont été balayés sous le tapis. "A Sciences-Po Paris campus Poitiers, un homme a violé une femme avec une bouteille de bière", peut-on lire sur un témoignage anonyme. "L'administration a décidé... De le changer de campus, et de le mettre à celui de Reims, au lieu de le virer de l'établissement." "J'ai alerté l'administration sur le fait que j'étais harcelée par un élève de l'établissement, qu'il m'avait violée. Aucune réaction. Ils m'ont traitée comme de la merde, ils ne m'ont pas crue, et ils n'ont rien fait." "J'ai été violée par un élève de ma promotion. Le directeur des études m'a expliqué que rien n'arriverait car les faits ne s'étaient pas déroulés dans l'école."
Les étudiantes, anciennes et actuelles qui ont choisi de témoigner, dénoncent l'impunité de leurs violeurs, de leurs agresseurs. En moins de 24 heures, le hashtag #SciencesPorcs a été utilisé à plus de 12 000 reprises sur Twitter, sans parler des publications qui se multiplient également sur Instagram. Des faits glaçants racontés, mais aussi des messages de soutien de la part des internautes scandalisés par cette affaire. Et de la colère qui résonne chez les personnes qui croyaient encore en l'institution que représente Sciences-Po dans le monde des études supérieures : "Cette école n'est-elle pas censée prôner des valeurs progressistes et former les élites de demain ? Les "élites de la nation", comme ils nous le disent souvent ? Mais que seront nos élites si elles apprennent à l'école qu'elles peuvent agresser, violer, humilier, harceler en toute impunité ? Que seront nos élites si on leur enseigne le silence au profit de la réputation ?", s'interroge une des élèves de l'école, qui affirme aujourd'hui avoir "honte de (ses) études."
Sciences-po réagit péniblement
Entre cette affaire et celle liée à Olivier Duhamel, trop, c'est trop. De nombreuses personnes réclament un grand ménage, et le départ de tous les responsables qui ont préféré passer sous silence les actes perpétrés dans leurs écoles pour ne pas en ternir la réputation. Sur Instagram, l'administration de Sciences-Po Strasbourg a pris la parole pour affirmer : "Suite aux commentaires reçus sur notre compte Instagram, nous tenions à réaffirmer que Sciences Po Strasbourg prend très au sérieux le sujet des violences sexistes et sexuelles. Les équipes de direction de Sciences-Po Strasbourg, passées et présentes, font tout pour lutter contre toutes les formes de violences sexistes et sexuelles (...) Les commentaires insinuent de manière diffamatoire que dans notre IEP règneraient le silence et la tolérance à l’endroit des violences sexistes et sexuelles. La direction est, au contraire, d’une très grande vigilance à l’endroit de toutes les formes de discrimination et de violence. Si ce genre d’affaire venait à survenir ou à être révélé et si suffisamment d’éléments permettent d’en attester la véracité, la direction sera impitoyable et utilisera tous les moyens juridiques à sa disposition." Un poste qui a suscité la colère des victimes provenant de cet établissement.
De son côté, Olivier Brossard, directeur de Sciences-Po Toulouse, a déclaré à nos confrères de France 3 Occitanie avoir "mis en place une prise en charge spécifique avec la cellule interne qui traite des violences et des propos discriminatoires." Il précise concernant le témoignage de Juliette, une jeune femme qui a publié une lettre ouverte pour dénoncer le viol dont elle a été victime : "Il va y avoir une enquête judiciaire et la section disciplinaire de l’établissement va mener sa propre enquête. Enfin, Sciences-Po Bordeaux a annoncé la présentation prochaine d'un plan de lutte, de formation et de prévention pour une mise en place à la rentrée 2021-2022.
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