Babysitting, entretien d'embauche, covoiturage... Les femmes ne sont jamais à l'abri du harcèlement sexuel
100% des femmes ont déjà été victimes de harcèlement sexuel dans les transports en commun ou dans la rue. Mais parfois, ce harcèlement les poursuit jusque dans les situations les plus improbables. Certains hommes n'hésitent pas à abuser de leur position dominante pour agresser leurs victimes. Retour sur quatre témoignages qui ont défrayé la chronique... En quelques jours seulement.
Rares sont les situations où les femmes se sentent absolument en sécurité, en particulier dans l'espace public. Le harcèlement sexuel est un fléau qui peut les atteindre peu importe l'endroit où elles se trouvent, et les faire tomber dans un sentiment de malaise et d'insécurité total. Y compris dans des situations aberrantes dans lesquelles elles sont plus ou moins contraintes de faire confiance à des hommes, qui peuvent révéler leur visage de harceleur par la suite.
Harcelée pendant un covoiturage, elle dénonce
Le 23 août dernier, c'est avec colère qu'une internaute a pris la parole sur Twitter, sous le pseudo de "Madame Bretzel". Cette dernière venait de passer trois heures avec un homme à l'occasion d'un co-voiturage, et ce dernier a eu un comportement de prédateur qui la faisait se sentir en danger. Pendant tout le trajet, l'homme lui a posé des questions sur sa vie sexuelle, lui a proposé des rapports tarifés, a évoqué sa passion pour la zoophilie... Et ce en dépit des nombreuses demandes de la principale intéressée pour qu'il arrête d'évoquer ce type de sujets.
Je viens de passer 3 heures en BlaBlaCar avec un détraqué sexuel, dernière fois que je fais un co-voiturage avec un homme, j’ai jamais vu qq avoir autant la dalle, il m’a parlé de cul de A à Z, me posait des questions super intrusives et BANDAIT ouvertement 🤮🤮🤮
— 🥨 (@madamebretzel) August 23, 2020
Histoire de ne pas se retrouver bloquée sur une aire d'autoroute au milieu de nulle part, la jeune femme n'a pas eu trop le choix : elle a dû poursuivre le trajet avec cet homme, s'inquiétant pour sa sécurité. "Le truc vraiment horrible dans cette histoire, c’est que t’as pas d’échappatoire en fait. T’es coincée avec le mec et tu sais que t’en as pour des heures et que tu vas juste devoir prendre ton mal en patience pendant que lui se tape son kiff solo", a-t-elle confié dans son thread.
Au final, Madame Bretzel a eu "de la chance", entre énormes guillemets. Le harcèlement sexuel du chauffeur ne s'est pas transformé en agression, ce qui ne minimise en aucun pas la violence de la situation qu'elle a eu à subir. Heureusement, Blablacar, site sur lequel elle avait réservé ce covoiturage, a immédiatement réagi. Une porte-parole de la plateforme, contactée par nos soins, précise que des mesures ont été prises pour que le compte de l'homme en question soit définitivement bloqué, et qu'il ne puisse plus jamais se réinscrire sur la plateforme. Un soutien psychologique a également été proposé à la victime, de même qu'une offre de collaboration entre elle et Blablacar si elle décidait de porter l'affaire devant la justice.
Trouver un appart quand on est une femme, une galère
Madame Bretzel est formelle : elle ne reprendra plus de trajets avec des hommes, et compte bien profiter de l'option mise en place par Blablacar pour pouvoir ne voyager qu'avec des femmes. Mais si cette option existe quand il s'agit de faire du covoiturage, elle n'est pas possible lorsque l'on recherche un appart. A quelques jours de la rentrée, de nombreuses personnes sont en pleine recherche d'un nouveau logement, et les propriétaires véreux n'hésitent pas à en profiter.
Carla en a fait l'expérience en publiant une annonce pour trouver un appartement en région parisienne dans un groupe Facebook. La jeune femme avait joint une photo d'elle à son annonce, et très vite, elle a été submergée par les messages lui proposant des relations sexuelles, ou critiquant sa façon de s'habiller sur la photo : le fait que son ventre soit dénudé a été considéré par certains comme une "preuve" qu'elle cherchait à draguer plus qu'à se loger.
Mais même sans publier de photos d'elles, les femmes peuvent subir des vagues de harcèlement sexuel en recherchant un logement. Laeticia a vécu l'expérience il y a quelques jours à peine. "Au début, je cherchais une place en colocation, vu que je ne connais personne à Paris. Mais à force de tomber sur des détraqués qui me proposaient de partager leur lit en échange d'un loyer réduit, j'ai préféré chercher un studio en solo", nous raconte-t-elle. Malheureusement, là encore, cette jeune femme de 22 ans s'est retrouvée confrontée à des personnes peu scrupuleuses. "Je suis d'abord tombée sur un agent immobilier qui m'a proposé de faire passer mon dossier en priorité si j'étais "gentille" avec lui. Puis sur un proprio qui m'a demandé si j'aimais vivre nue, avant de m'expliquer qu'il vivait dans l'immeuble juste en face, et qu'il pourrait me "surveiller". Je désespère."
Quand les recherches d'emploi virent à la galère
Comme si le fait de subir du harcèlement sexuel quand on cherche à se loger et se déplacer n'était pas suffisant, les recherches d'emploi peuvent également être la porte ouverte au harcèlement sexuel, pour les femmes. Certains hommes semblent en effet ne pas avoir compris que le principe de la "promotion canapé" était immoral, que l'apparence physique de leurs employées n'a pas à leur convenir, et que le fait de réclamer des faveurs sexuelles pour choisir une candidate est purement et simplement répréhensible.
Sur Twitter, une jeune femme a notamment confié avoir reçu des messages déplacés... En répondant à une offre pour faire du babysitting. Plutôt que de lui demander son CV, l'homme à qui elle a eu affaire lui a demandé quel était son tour de poitrine et de quelle façon elle était épilée.
Ce matin je postulé à une offre de babysitting et je demande plus de précisions sur le taff à faire etc...
Voila sa réponse : pic.twitter.com/own17i9LGS— AK - BLM (@ankbegos) August 22, 2020
Elle est loin d'être la seule : selon les chiffres du ministère chargé de l'Egalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, une femme sur cinq est confrontée à au moins une situation de harcèlement sexyel au cours de sa vie. Chloé a régulièrement eu affaire à des messages de ce type, ainsi qu'elle a bien voulu nous le raconter. "C'est bête, mais maintenant, je rechigne à répondre aux annonces postées par des hommes sur les sites de babysitting. Entre ceux qui me demandent si je suis célibataire, ceux qui veulent connaître mes mensurations ou m'imposer le port de la minijupe, je me méfie. Mais comme c'est payé au black, certains estiment pouvoir faire n'importe quoi", regrette-t-elle.
Le domaine du babysitting n'est pas le seul à être touché. Récemment, c'est le gérant d'une boutique de prêt à porter qui a été dénoncé sur les réseaux sociaux par plusieurs jeunes femmes. Ce dernier aurait posté une annonce pour recruter une vendeuse, mais aurait demandé des photos des jeunes femmes avant de leur proposer un entretien, et réclamé des actes sexuels en échange du poste. Le propriétaire du magasin affirme toutefois avoir été victime d'une usurpation d'identité : quelqu'un se serait fait passer pour lui sur un site de recrutement, dans le but de piéger des jeunes femmes. Un procès verbal a été déposé, et l'enquête suit son cours.
Les filles faites vraiment attention quand vous cherchez du travail, une fille que je connais a été contacté sur le site Wannonce et elle est tombée sur un pervers, je vous met les screens juste en dessous
— 🤍sıʞlıq (@bilkis__) August 24, 2020
Je suis le propriétaire de ce magasin. Je suis actuellement victime d'une usurpation d'identité. J'ai déposé plainte en ce sens pour la 3ème fois aujourd'hui PV0121/2019/000873 et je suis la première victime de cette situation. Cordialement
— MIRWASSER (@MIRWASSER) August 26, 2020
Les chiffres du harcèlement sexuel
Ces situations de harcèlement sexuel sont les dernières en date à avoir fait parler d'elles à une grande échelle. Mais, elles sont tout sauf anecdotiques et viennent s'ajouter au harcèlement de rue de plus en plus présent. En 2018, une enquête IFOP pour la fondation Jean-Jaurès affirmait que 86% des Françaises avaient été victimes d'au moins une forme d’atteinte ou d’agression sexuelle dans la rue. Et pour 60% des femmes de moins de 25 ans, ces atteintes ont eu lieu dans les 12 derniers mois.
Dans la rue, au travail, dans leur recherche d'un logement, lors de leurs déplacements ou lors de leurs sorties : le harcèlement sexuel est partout et il devient de plus en plus compliqué pour les femmes de se sentir en sécurité dans l'espace public. Mais pas question pour ces dernières de se laisser faire. Que ce soit en organisant des événements ou des déplacements en non-mixité, en prenant des cours d'auto-défense ou en se soutenant mutuellement dans la rue en cas de problème, les femmes sont bien décidées à reprendre possession de leur sécurité.
A LIRE AUSSI
> Journée mondiale du topless : poser seins nus sur Instagram, aussi libérateur que politique
> Playboy revient en France : "Les femmes sont libres de tout, même de poser nues !"