Bettina Zourli ("Childfree, Je ne veux pas d’enfant") : "Il y a des mères qui auraient préféré ne pas avoir d’enfant parce que ça les a entravées dans leur vie de femme"

Bettina Zourli ne veut pas être mère. C’est son choix et pourtant, elle doit en permanence le justifier. Dans son livre Childfree, Je ne veux pas d’enfant, la jeune femme de 29 ans raconte sa propre expérience et rapporte le témoignage de nombreuses personnes qui ont décidé - comme elle - de renoncer à la parentalité. Elle s’est confiée à Yahoo sur ce choix de vie encore tabou, parfois mal perçu et incompris.

5,3% des Français ont fait librement le choix de ne pas avoir d’enfant. Bettina Zourli en fait partie. Elle est childfree, un mouvement qui bouscule les codes et qu’elle définit comme "le fait de désirer de ne pas fonder une famille, de ne pas avoir envie d’avoir des enfants". Ce refus de la parentalité peut s’expliquer par des raisons personnelles, évidemment, mais aussi par plusieurs facteurs.

Une prise de conscience écologique et féministe

Tout d’abord, des préoccupations écologiques dues notamment au réchauffement climatique. "La planète a largement la place pour accueillir plus de monde [nous pourrions être jusqu’à 12 milliards selon un rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) paru en 2019, ndlr.]. Le problème, c’est que nous tendons tous vers un mode de vie occidental, européen, qui est parmi les plus énergivores. Si tout le monde a ce mode de vie, on n’aura plus du tout assez de ressources. Et demain, on ne pourra plus vivre dans le même confort que celui dans lequel on vit aujourd’hui", nous explique l’autrice de de l’essai Childfree, Je ne veux pas d’enfant (éditions Spinelle).

Viennent ensuite des problématiques financières, plus importantes depuis la crise économique. "Je pense que c’est une réflexion assez récente et très générationnelle", avoue-t-elle. "Si on n’a pas les moyens pour s’occuper de soi-même de manière complètement satisfaisante, un enfant devient un poids financier. C’est une source de bonheur mais cela peut être une source de malheur extrême quand on n’arrive pas à subvenir à ses besoins."

Un mode de vie tabou dans une société normée

Si Bettina Zourli confie n’avoir jamais eu "cette envie viscérale" de devenir maman, ce sont principalement des revendications féministes, et tout particulièrement les inégalités entre les pères et les mères, qui ont acté sa décision. "Tant qu’on n’a pas atteint une égalité entre les genres et les sexes, je ne veux pas être mère parce que je ne veux pas que ce choix me pénalise dans ma vie de tous les jours. Et je ne vois pas pourquoi ce serait à moi de prendre cette responsabilité et d’être pénalisée et pas mon mari", lâche-t-elle. Vient alors irrémédiablement une question lorsqu’elle énonce son choix : ‘Pourquoi ?’ Question qu’on ne lui poserait pas si elle criait haut et fort qu’elle souhaitait enfanter. "On ne remet jamais en question le désir d’enfant. En revanche, dès qu’une personne ne veut pas d’enfant, on lui pose forcément cette question de savoir d’où ça vient, est-ce que ça a toujours été comme ça…", lance celle qui demande "moins de pression sociale, plus de self-love" sur son compte Instagram Je ne veux pas d’enfant.

"On vit dans des sociétés natalistes. En France, toute la politique est faite autour de l’accès à la natalité, notamment avec les allocations, les cautions familiales au niveau des impôts, les aides comme la prime de rentrée, etc. Toute cette norme dans la société dans laquelle on vit fait qu’on se demande rarement : ‘Est-ce qu’on a vraiment tous envie d’avoir un enfant ?’", poursuit la jeune femme en affirmant qu’il faut "responsabiliser la parentalité, qui n’a rien d’anodin et qui influe sur la vie d’un être qui, lui, n’a rien demandé".

Injonctions et infantilisation

Depuis quelques années, et davantage en se rapprochant de la trentaine, Bettina Zourli subit les injonctions de la société, des critiques et parfois de la culpabilisation de la part des personnes qui ne peuvent pas avoir d’enfant. On lui reproche notamment d’être égoïste, ce à quoi elle rétorque : "Être égoïste, c’est quand tu fais quelque chose qui fait passer ton plaisir personnel avant celui des autres et qui a une incidence négative sur les autres. Quand on décide de ne pas faire d’enfant, ça ne regarde que nous et ça n’a pas d’incidence négative sur l’environnement (le fait de rajouter quelqu’un d’autre sur Terre), sur la société en général (le poids que représente une personne à la société si elle est malade toute sa vie par exemple)..."

L’autrice nous révèle aussi aussi reçu des remarques infantilisantes de la part du corps médical. Elle se souvient que, lors d’une visite de contrôle chez une gynécologue, le fait qu’elle n’utilise pas de moyen de contraception a interpellé le médecin. "La gynéco m’a dit : ‘Mais du coup, vous voulez un enfant ?’ Je lui ai répondu : ‘Non, avec mon mari on s’est mis d’accord. C’est lui qui gère la contraception, il a fait une vasectomie.’ Elle m’a tout de suite répondu que c’était très radical et que si je changeais d’avis, j’allais être bien embêtée... Parce que j’allais forcément changer d’avis." Un exemple parmi tant d’autres témoignages qu’elle a reçus sur son compte Instagram.

"Il y a une vraie infantilisation du propos féminin quant au non-désir d’enfant", regrette l’instagrameuse en précisant aussi que le corps médical a parfois recours à la désinformation pour dissuader les femmes de se faire stériliser. "C’est très difficile de trouver un médecin qui accepte d’effectuer une ligature des trompes. Beaucoup de médecins disent que ce n’est pas légal à 18 ans, qu’il faut attendre les 35 ans et que l’opération n’est pas possible si vous n’avez pas déjà eu un enfant. C’est faux. Dans la loi, la stérilisation est possible à partir de 18 ans, depuis 2001 en France."

Bettina veut décomplexer les femmes qui ne veulent pas goûter à la maternité mais aussi celles qui regrettent d’avoir donné la vie. Un sujet là aussi extrêmement tabou. "Dans notre société actuelle, il y a cette notion qu’une mère doit tout à son enfant et qu’elle doit s’épanouir dans la maternité, c’est son rôle inné et naturel. Beaucoup de personnes ne savent pas qu’elles ont le choix. Et il y a des mères qui auraient préféré ne pas avoir d’enfant parce que ça les a entravées dans leur vie de femme."

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