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L'amour au temps du confinement - Ils se retrouvent malgré tout : "Il ne faut pas se mentir on ne peut pas attendre un mois sans sexe. L’hygiène mentale est importante"

L'amour au temps du confinement
L'amour au temps du confinement

On a désormais la certitude que le confinement en France durera pas loin de deux mois. Une longueur qui fait frémir les amants installés dans deux domiciles différents. Certains et certaines ont décidé de braver les recommandations gouvernementales pour préserver leur couple, leur santé mentale ou tout simplement par envie de continuer à vivre.

Il ne faut pas se mentir on ne peut pas attendre un mois sans sexe. L’hygiène mentale est importante.

“Il y a deux vies entre les villes moyennes et les zones isolées”

Lucile confesse qu’avec son compagnon, ils se permettent ce qu’elle définit comme des écarts : “Il ne faut pas se mentir on ne peut pas attendre un mois sans sexe. L’hygiène mentale est importante. Alors habitant en zone rurale et peu contrôlée et aussi peu atteinte par le Covid, côté ouest de la France, nous nous permettons ces écarts. Bien sûr nous n’avons aucune envie de contaminer l’autre donc au moindre symptôme, nous aurions arrêté.” Ils ont mis au point une véritable organisation : “Pour ne pas abuser ni prendre trop de risques, on se voit une fois tous les 15 jours donc un samedi sur deux. Nous pourrions nous voir tous les week-end mais nous préférons espacer et cela empêche aussi l’habitude et maintient l’envie. On est a 25 minutes de distance et il n’y a aucun contrôle. J’ai testé en allant faire mes courses. De son côté à lui, il n’y a pas de contrôle non plus, ce n’est que de la route de campagne pour aller chez moi.” Elle explique que, pour elle, il y a une différence flagrante entre les différents territoires. “Depuis le début du confinement, on a dû se voir trois fois. Ici à la campagne, les gens sont moins paniqués. Les voisins font du bricolage les uns chez les autres pour donner des coups de main. Il y a deux vies entre les villes moyennes et les zones isolées.”

Le jugement des proches

Pour Camille et son copain, le confinement se déroule dans la “continuation implicite de leur fonctionnement habituel” : “Mon copain et moi, on habite à 300 mètres l'un de l'autre alors plusieurs soirs par semaine on se rejoint chez l'un où l’autre. Je vis dans un 18m2 et lui en colocation avec un autre couple. On est plutôt indépendants en général, et habiter chez l'un ou chez l'autre aurait créé trop de promiscuité. Si on n'avait pas habité aussi proche, je pense qu'on ne serait pas vu du tout.” Elle revient sur le jugement de ses proches vis à vis de leur choix : “Je ne sais pas si j'ai peur du jugement de mes proches. Je sais qu'ils y en a qui me jugent déjà et d'autres qui comprennent mais au fond tant pis. Les colocs de mon compagnon sont ok avec la situation donc c'est déjà ça, mais bon évidemment s’ils n'avaient pas voulu on ne l'aurait pas fait non plus.”

Je sais qu'ils y en a qui me jugent déjà et d'autres qui comprennent mais au fond tant pis.

Clémence a aussi profité de la proximité de son compagnon puisque c’est son voisin : “Je suis chez lui deux à trois fois par semaine donc je vis à moitié chez moi et à moitié chez lui. Mais on ne voit personne d’autres évidemment. On fait très attention.”

“Mon amante est hypersensible”

Pour Fabrice, qui habite la banlieue bordelaise, retrouver sa compagne était une question de santé mentale : “ Je suis en instance de séparation depuis plusieurs mois et ma femme et moi avons maintenu une vie commune depuis septembre. Il y a 2 mois, j'ai rencontré une Allemande d'à peu près mon âge qui habite dans le centre de Bordeaux. Elle est seule dans un appartement près de la gare où sa vie est plus de l'ordre du camping dans un appartement que de l'installation confortable. C'est une femme très libre, polyamoureuse très attachée aux valeurs féministes de type body-positive et sex-positive. Ça me convient parfaitement, je n'éprouve pas de jalousie. Il y a peu, elle s'est cependant plus attachée à moi et a cessé de voir ses autres amants et au moment où le confinement a été déclenché, elle s'est retrouvée complètement seule dans son appartement-camping.”

Il explique que son amante a été totalement déstabilisée par les contraintes du confinement : “Pour quelqu'un comme elle avec une très forte libido, la situation est devenue assez compliquée. De mon côté, ma libido avait été mise en sommeil pendant de longs mois. Au fil des jours sans voir personne, j'ai vu son état mental fortement se dégrader. En tant que personne hypersensible, je l'ai fortement ressenti. Même à distance, à travers nos échanges pourtant sereins, je sentais son stress monter. Avec ma femme, nous nous sommes donc organisés pour que, sans dire aux enfants où j'allais, je puisse aller passer deux jours avec elle. J'ai donc établi une fiche de déplacement pour une garde partagée et je me suis déplacé dans le centre de Bordeaux. Je suis resté prudent. Je n'ai vu personne d'autres. De mon côté, j'ai respecté en allant chez elle les mêmes conditions que chez moi. Il n'a bien sur pas été question de gestes barrières avec elle. Si le confinement devait se poursuivre, il est très possible que je retourne la voir dans deux ou trois semaines.”

On a pris la décision de se retrouver une fois par semaine pendant quelques heures jusqu’à la fin du confinement.

Pour préserver son couple, se retrouver malgré le confinement a aussi été le choix d’Aminata : “Mon copain et moi avons décidé de nous confiner séparément et malheureusement avec le stress grandissant, nous avons essuyé plusieurs grosses disputes. Un soir, alors qu’on était clairement en train de rompre à distance, j’ai préféré prendre le risque de le rejoindre parce que je savais qu’une fois l’un devant l’autre, ce ne serait pas le même discours. Ça n’a pas manqué, on s’est jeté dans les bras l’un de l’autre et on a fait l’amour. Je n’avais pas d’affaires donc je suis repartie chez moi après mais on a pris la décision de se retrouver une fois par semaine pendant quelques heures jusqu’à la fin du confinement.”

Certains ont besoin d’aller courir, moi j’ai besoin de sexe.

L’argument de la santé mentale

Manu, de son côté, n’est pas en couple mais a choisi de rencontrer une de ses amantes parce qu’il n’arrivait pas à supporter la solitude et l’abstinence induite par celle-ci : “J’ai plusieurs sex-friends et j’ai l’habitude d’avoir 2 à 3 rendez-vous avec ces femmes par semaine. Au début du confinement, j’ai décidé d’être sage et de me contenter d’échanger des photos et des messages avec elles. Mais très vite la masturbation uniquement m’a plongé dans une grande frustration. La troisième semaine j’ai craqué et j’ai retrouvé celle qui habite le plus près de chez moi. Je n’en suis pas fier mais, comme beaucoup, j’essaye de protéger ma santé mentale. Certains ont besoin d’aller courir, moi j’ai besoin de sexe.”

L’insistance de l’autre

La difficulté à être abstinent c’est l’argument donné à Louise par un homme qu’elle avait commencé à fréquenter avant le confinement : “Dès que le confinement a été annoncé, il m'a dit que je pouvais passer quand je voulais chez lui. Sur le coup, ça m'a fait rire car j'ai pensé que c'était une blague. Mais pas du tout, il a continué à insister. Bien évidemment ce n'étais pas à lui de se déplacer mais à moi car j'habite encore chez ma mère. Toutes les excuses étaient bonnes pour le justifier auprès des policiers : “Tu n'as qu'à venir en faisant ton jogging”, “Tu peux dire que tu viens voir un patient”. Avec des récompenses à la clé comme des massages etc... J'ai décliné à chaque fois en faisait une blague parce que j'avais peur de passer pour une rabat-joie. J'ai fini par demander pourquoi il insistait autant auprès de moi, il m'avait pourtant, quelques temps auparavant, fait comprendre que je n'avais pas une place si importante dans sa vie. Il m'a répondu : ““Parce que... x semaines sans voir un autre être humain c'est un peu chaud quoi :)”” et que j'étais la personne qui habitait le plus près de chez lui.” Louise a mal pris d’être ainsi utilisée : “En fait n'importe quel humain aurait fait l'affaire. Je trouve ça fou de demander à quelqu'un de prendre des risques parce qu'on est en manque de tendresse et en même temps lui apporter si peu de considération. Je suis contente de ne pas y être allée, j'ai plusieurs fois failli céder.”

Il a continué à insister 2 ou 3 fois. Ça fait une semaine qu'il ne m'a pas redemandé de venir mais je trouve qu’il m'a vraiment mis la pression.”

Je trouve ça fou de demander à quelqu'un de prendre des risques parce qu'on est en manque de tendresse et en même temps lui apporter si peu de considération.

Toutes et tous cherchent à supporter au mieux une situation inédite et éprouvante, justifiant de prendre ou non la décision de braver l’interdit pour retrouver une personne avec laquelle ils ne sont pas confinés. L’empathie et la solidarité doivent rester des valeurs essentielles pour traverser cette période de doutes et construire ensemble la société de l’après. Maintenant que la date butoir du 11 mai a été annoncée, de nombreux amoureux souffrant de la distance et de l’incertitude pourront compter les jours avant des retrouvailles qu’on imagine heureuses et passionnées.

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