Chirurgie esthétique, à la vie à la mort : "D'origine asiatique, j'ai fait débrider mes yeux. Aujourd'hui, je le regrette"

Source de complexe chez de nombreuses personnes d'origine asiatique, les yeux bridés sont parfois considérés par ces dernières comme trop peu esthétiques, en particulier dans les pays où ils vivent en minorité. Mai, 28 ans, a économisé pendant des années pour pouvoir s'offrir une blépharoplastie pour débrider ses yeux à l'âge de 20 ans. Huit ans plus tard, elle le regrette.

Chirurgie esthétique, à la vie à la mort :
Chirurgie esthétique, à la vie à la mort : "D'origine asiatique, j'ai fait débrider mes yeux. Aujourd'hui, je le regrette". © Getty Images

"Je suis née en Chine, mais compte tenu de la politique de l'enfant unique et de mon genre, mes parents biologiques ont décidé de me faire adopter. J'ai été adoptée par une famille française absolument formidable, et je n'ai aucun regret à ce niveau-là", explique la jeune femme. "Mon seul problème a été à l'école. Très vite, j'ai été victime de commentaires racistes. On me traitait de "chinetoque", on me lançait du riz à la cantine, on me faisait des blagues sur mes yeux bridés... Et ça a créé des complexes, notamment concernant mon regard."

Dès l'école primaire, Mai regrette de ne pas avoir des yeux plus "occidentaux". "Je n'avais pas de modèle de beauté asiatique, je n'étais confrontée qu'aux diktats de la beauté façon française. Ma silhouette n'était pas un problème, car j'ai la chance d'être très menue. J'ai également la peau plutôt pâle. Le seul signe flagrant de mes origines asiatiques était mes paupières, et j'ai tout fait pour en faire changer la forme."

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Du scotch, du maquillage et des économies

Mai s'en souvient encore aujourd'hui : "Avant mes 10 ans, je demandais à ma mère pourquoi mes yeux n'étaient pas comme les siens, de jolis yeux en amande. Au collège, j'ai commencé à dormir avec du scotch pour étirer mes paupières pour essayer d'en changer la forme, et dès que j'ai eu l'autorisation de me maquiller, j'ai commencé à chercher un moyen de rendre ma différence moins flagrante."

Sans grand succès, malheureusement. Aussi, à 15 ans, la jeune femme prend une décision. "J'ai commencé à économiser mon argent de poche, l'argent de mes petits boulots, de mon anniversaire. Mon objectif, c'était de pouvoir me faire opérer des paupières le jour de mes 18 ans, pour pouvoir enfin avoir les paupières de mes rêves et faire "débrider mes yeux."

La blépharoplastie, une opération tendance

Finalement, Mai devra attendre jusqu'à ses 20 ans pour pouvoir enfin s'offrir l'opération tant attendue, appelée blépharoplastie asiatique. "L'opération est très populaire chez les Chinoises, les Japonaises et les Coréennes, mais aussi auprès des hommes", précise la jeune femme. Elle permet de recréer le pli palpébral, au niveau de la paupière supérieure.

Cette intervention crée donc un pli sur la paupière supérieure ou permet de confirmer un pli peu marqué et d’ajuster sa position. Elle se fait sous anesthésie locale, et les résultats sont visibles dès la fin de l'opération, avec des résultats définitifs au bout de six mois environ, le tout avec des cicatrices invisibles, puisque cachées dans les plis palpébraux nouvellement créés. L'opération peut coûter jusqu'à 5 000 euros.

Des regrets, quelques années plus tard

Après son opération, Mai était absolument ravie. "J'ai gagné en confiance en moi, changé de cursus scolaire pour faire de nouvelles rencontres avec mes nouveaux yeux, j'avais l'impression d'être plus belle, plus heureuse. J'ai très vite déchanté en réalisant que ça ne changeait pas grand-chose aux blagues racistes dont je pouvais être victime, et très vite, j'ai même reçu des reproches comme quoi je n'assumais pas mes origines. On ne peut pas gagner : si on a l'air asiatique, on se fait insulter, et si on a pris des mesures pour rentrer dans le moule, c'est pareil", regrette-t-elle.

Mais c'est surtout un long séjour en Chine qui lui "ouvert les yeux", affirme-t-elle. "Ma famille adoptive avait toujours voulu m'emmener dans mon pays d'origine, sans en avoir les moyens. On a pu partir quelques mois avant le Covid-19, et j'ai découvert à quel point la Chine et les Chinoises étaient belles. A notre retour, le racisme anti-asiatique a été boosté par la pandémie, et j'ai commencé à ressentir de la colère, qui s'est transformée en regrets. Aujourd'hui, j'ai l'impression d'avoir renié la seule part de mon héritage que je possédais, mon apparence, pour rentrer dans le moule d'une société qui ne m'accepte toujours pas."

S'il n'est pas question pour elle d'annuler les effets de l'opération, ce qui nécessiterait une dépense très élevée sans garantie de résultat, Mai a aujourd'hui décidé d'en apprendre plus sur l'histoire de son pays et sa culture. "Faire débrider mes paupières ne m'a pas rendue moins asiatique. Aujourd'hui, si je regrette l'opération, je refuse de continuer à renier mes racines. J'espère que cela m'apportera une forme d'apaisement".

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À travers cette série "Chirurgie esthétique, à la vie à la mort", Yahoo tente de démystifier les raisons qui poussent les personnes à avoir recours à un acte de chirurgie, souvent irréversible, pour changer l'aspect de leur corps. Nous publierons une série de témoignages de personnes pour qui la chirurgie esthétique a changé la vie positivement ou négativement. Si vous aussi vous voulez témoigner, vous pouvez envoyer un message à cette adresse : laetitia.reboulleau@gmail.com.

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