Clientes de travailleurs et travailleuses du sexe, elles témoignent
Même si elles sont notoirement minoritaires, certaines femmes sont aussi clientes de travailleurs et travailleuses du sexe. Leurs profils sont multiples, tout comme les raisons qui les poussent à faire ce choix, illégal en France.
Maria a 62 ans. Elle a contacté pour la première fois un travailleur du sexe après son divorce, il y a cinq ans. "Je ne cherchais pas l’amour à cette période de ma vie, je voulais juste me sentir vivante. En fait, je voulais du sexe pour le sexe, avec quelqu’un qui saurait y faire, sans prendre trop de risques. La question ne s’est pas posée pour moi, je devais aller voir un professionnel. J’ai trouvé quelqu’un sur internet après avoir envoyé quelques messages sur des sites spécialisés", nous explique-t-elle.
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"Il y avait de l’appréhension, évidemment, mais aussi beaucoup de désir. C’était un geste de libération pour moi, quasiment le dernier symbole qui marquait mon divorce. Je n’ai pas été déçue, c’était exactement comme je le pensais, comme c’était prévu. C’est arrivé deux fois, avec la même personne et puis je suis passée à autre chose. J’ai rencontré quelqu’un, je suis heureuse en couple, mais je ne lui ai jamais dit que j’avais fait ça", poursuit-elle.
Le tabou du sexe tarifé
Le 30 octobre 2020, la journaliste Pauline Verduzier sortait l’essai Mauvaises filles aux éditions Anne Carrière, au sein de la collection Sex Appeal dirigée par Camille Emmanuelle. La journaliste y interroge le rapport des femmes à la sexualité, en général et dans plusieurs contextes dont celui du sexe tarifé.
VIDÉO - Pauline Verduzier a rencontré des femmes qui paient pour du sexe :
Elle explique sa démarche : "Qui a le pouvoir dans une relation tarifée où la femme est la cliente ? Est-ce toujours l’homme ? L’homme prostitué est-il victime de la marchandisation de son corps ? (…) Interroger les femmes sur leur expérience du sexe payant en tant que clientes éclaire un peu plus la dimension sociale et d’empathie du travail sexuel."
Pour elle, les femmes clientes de travailleurs et travailleuses du sexe représentent un tabou et une transgression : "Elles représentent aussi à mes yeux les ‘mauvaises femmes’ par excellence, en ce qu’elles s’inscrivent dans une transgression suprême. Non seulement elles se soustraient au marché hétérosexuel traditionnel de la rencontre et du sexe gratuit mais elles s’autorisent de surcroît à affirmer quelque chose : une recherche de sexualité. En payant un homme (ou une femme) pour leur plaisir, elles brisent ce qui est encore un interdit. Même si elles sont tout à fait minoritaires en comparaison des hommes, elles existent."
“Je ne voulais pas être une vieille dame qui paye un homme jeune”
Noémie a 32 ans, et payer un homme pour du sexe, elle y pensait depuis longtemps : "L’idée derrière tout ça, c’est que je voulais le faire depuis des années, que c’était vraiment quelque chose à cocher dans ma liste mais que je ne voulais pas le faire vieille. Je ne voulais pas être une vieille dame qui paye un homme jeune. Et j’imagine, peut-être que c’est un cliché, qu’il n’y a pas des masses d’hommes plus matures sur le marché. Bref, je voulais qu’on soit un peu à égalité en termes de séduction. Je l’ai fait dans une période de célibat, sur un coup de tête."
Je l’ai fait dans une période de célibat, sur un coup de tête.
Noémie et Maria ne partagent ni les mêmes raisons pour sauter le pas ni le même contexte. Elles sont aussi différentes que deux femmes peuvent l’être. Pourtant, elles ont toutes les deux été clientes de travailleurs du sexe et en gardent un bon souvenir. Dans son livre Mauvaises filles, Pauline Verduzier évoque les différents profils de clientes qu’elle a pu observer : "Il y a les femmes en couple ou mariées, qui sont amoureuses de leur compagnon mais ne sont plus épanouies dans leur vie érotique conjugale. Le travail du sexe se présente alors comme un moyen d’accéder à un épanouissement sexuel sans les complications liées au fait d’avoir un amant. Beaucoup de clientes se plaignent du manque de partage et d’égalité dans l’accès au plaisir. Il y a aussi les femmes célibataires, veuves, divorcées, ou encore les ‘femmes d’affaires’ qui n’ont ni le temps ni l’envie de fréquenter les applications de rencontre, préférant payer pour du sexe et de l’attention."
“L’occasion s’est présentée quand elle m’a dit qu’elle faisait parfois de l’escorting”
Camille, de son côté, n’avait jamais réfléchi à la question. C’est une occasion qui s’est présentée et qu’elle a eu envie de saisir, pour elle et pour son plaisir. "Je n’avais pas prévu. Et je n’y avais même jamais pensé. Mais l’occasion s’est présentée quand elle m’a dit qu’elle faisait parfois de l’escorting. On discutait en messages privés et c’est venu comme ça. Alors j’ai rebondi, je lui ai demandé si elle serait d’accord pour que je devienne une cliente. Elle a accepté. Nous nous sommes vues une poignée de fois. Je crois qu’on aurait pu vivre une vraie histoire mais que ce choix que j’ai fait nous a empêché de changer de relation par la suite."
Certaines femmes d’affaires n’ont ni le temps ni l’envie de fréquenter les applications de rencontre, préférant payer pour du sexe et de l’attention.
Dans toutes ces histoires, les femmes semblent avoir eu besoin et envie de prendre un temps pour elles, un moment où l’autre serait totalement dévoué.e à leur plaisir. Si les applications de rencontre facilitent la mise en relation pour d’éventuels coups d’un soir, elles ne procurent pas le sentiment de sécurité évoqué par les clientes de travailleurs et travailleuses du sexe. Souvent invisibilisées, ces clientes féminines existent bien. Leurs sentiments, tout comme leurs raisons, sont à prendre en compte.
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