Comme Camille Lellouche, des Français sont victimes d'alcoolisme sans symptôme : "Je suis capable d'absorber une bouteille de vodka sans aucune trace d'ivresse"
D'après les données du Baromètre de Santé publique France, en 2020, 23,7% de la population âgée de 18 à 75 ans dépassaient les repères de consommation d'alcool. Pourtant, les Françaises et Français ont encore une vision biaisée de l'alcoolisme. Habituées à boire, certaines personnes arrivent à cacher sans peine leur penchant pour la bouteille. Un phénomène que l'on appelle l'alcoolisme sans symptôme.
Interrogez n'importe qui sur le profil type de l'alcoolique, et bon nombre de personnes vous offriront sans doute une réponse très clichée : personne au nez rouge, à l'haleine chargée, titubante, bouteille à la main en pleine journée. Pourtant, bon nombre d'alcooliques et d'anciens alcooliques ont pu cacher sans peine leur dépendance à la boisson, aussi bien à leurs proches que dans le cadre de leur travail. Et ce, avec une facilité souvent déconcertante.
Vidéo. La Minute de Camille Lellouche
Les confidences de Camille Lellouche
Dans son livre "Tout se dire", publié le 6 mars 2024 aux éditions Stock, la chanteuse révélée par "The Voice" se confie avec franchise sur son alcoolisme passé, déjà évoqué à plusieurs reprises. "Je commence à boire énormément et je plonge dans une habitude qui va devenir une addiction pendant trois ou quatre ans. (…) Boire devient la règle", raconte-t-elle.
"À 14 heures, je débute par un petit quart de sancerre blanc pour me détendre avant de commencer le travail à 16h30. Puis à la fin, je bois régulièrement des shots pour relâche la pression du service. Après le travail, la fête continue dans les bars et les restaurants ouverts toute la nuit. J'atteins le stade de l'alcoolisme sans symptôme et je suis capable d'absorber une bouteille de vodka sans aucune trace d'ivresse."
Or, sans symptôme, difficile de détecter l'ivresse d'une personne, et donc de la protéger.
"J'allais chercher mes enfants à l'école en état d'ivresse avancée"
Melina, 44 ans, est une ancienne alcoolique, sobre depuis maintenant 14 ans. Et l'alcoolisme sans symptôme, elle connait. "Je suis tombée dans l'alcoolisme après la naissance de mon deuxième enfant, il y a 20 ans. Je souffrais d'une dépression post-partum non-diagnostiquée, et j'ai commencé à picoler comme forme d'auto-médication", se souvient-elle. "A l'époque, je n'allaitais pas, donc je pouvais boire sans m'inquiéter de la santé de mon bébé. J'ai commencé à petites doses. Une bière par-ci, un verre de vin par-là, dès que la petite faisait la sieste. J'étais plus détendue, plus aimante, avec un verre dans le nez", regrette-t-elle.
"La situation s'est aggravées lorsque mes filles ont commencé l'école. Mère au foyer, je n'avais pas grand chose d'autre à faire de mes journées, alors je buvais en continu. Dans ma tête, vu que je ne consommais pas d'alcool fort, je n'étais pas alcoolique. Mais je pouvais descendre jusqu'à deux bouteilles de vin par jour, que j'allais jeter à la benne à verre sur le chemin de l'école. Mon mari n'y a vu que du feu, les mamans de l'école aussi. J'étais droite sur mes deux jambes, goûters faits maison à la main, je faisais tous les trajets à pied pour ne pas conduire... En apparence, j'étais l'archétype de la maman parfaite, mais j'allais chercher mes enfants à l'école en état d'ivresse avancée."
Finalement, c'est son odeur qui a mis la puce à l'oreille à une maman inquiète. "Quand on boit beaucoup, l'odeur de la transpiration change. On sent l'alcool", confie Mélina. "A un goûter d'anniversaire, une maman m'a demandé si j'avais renversé de l'alcool sur moi. Elle a commencé à m'observer plus attentivement, et elle a fini par me confronter, avec beaucoup de bienveillance." Au début, Mélina a nié la situation, avant de craquer. "Sans rien dire à personne, ni à mon mari, elle m'a aidée. J'ai fini par en parler à mon mari, et par me faire suivre en hôpital de jour en addictologie. Aujourd'hui, je suis sobre depuis 14 ans, mes filles sont grandes, et je suis heureuse de pouvoir faire en sorte qu'elles n'aient pas honte de leur maman."
"Camille Lellouche a raison, c'est facile de cacher qu'on est alcoolique"
Etienne, 27 ans, se retrouve totalement dans le témoignage de Camille Lellouche. "Je suis serveur, parfois barman, et c'est vrai que dans notre métier, on est confronté à l'alcool en permanence. On commence la journée avec un shot pour se mettre dans l'ambiance, on boit un coup avec les clients, pendant la pause... Et au-delà de construire une dépendance, ça crée une véritable résistance. A partir de là, c'est un cercle vicieux : on boit de plus en plus pour devenir ivre... Et Camille Lellouche a raison : c'est facile de cacher qu'on est alcoolique, parce qu'on a l'air sobre même avec 3 grammes dans le sang", explique-t-il.
Lui doit son salut à une rencontre faite en soirée. "Mes potes ont toujours été impressionnés par ma résistance à l'alcool. C'était presque un jeu pour eux de voir ce qu'il fallait me faire avaler pour que je sois aussi bourré qu'eux. Jusqu'à ce que l'un d'entre eux ne ramène sa nouvelle meuf." La jeune femme en question était étudiante en médecine, et a été très surprise par la capacité de résistance d'Etienne.
"Elle m'a posé plein de questions sur mon hygiène de vie, ma consommation, mon quotidien... Une sorte de consultation, mais comme j'étais un peu pété, je n'ai rien remarqué. C'est le lendemain qu'elle m'en a reparlé. Ça a fait tilt dans ma tête, j'ai réalisé que mon comportement n'était pas normal." Le jeune homme décide alors d'en parler à son médecin, et de faire des analyses. "Je te raconte pas l'état de mon foie. Ça aussi ça a été un électrochoc. C'était soit je ralentissais sur la picole, soit je risquais de mourir à 40 ans. Le choix était vite fait. J'ai réussi à arrêter du jour au lendemain, grâce au soutien de la meuf de mon pote, mais aussi de mes autres potes, qui ont accepté de ralentir la cadence et de me surveiller en soirée. Juju, si tu passes par là, saches que tu m'as sauvé la vie."
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