En période de confinement, la charge mentale des femmes a explosé

Lazy boyfriend hanging in phone while his girlfriend cleaning his dishes after dinner in kitchen. Inequality of men's and women's rights. Family arguement
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Avec le confinement, de nombreux couples se sont retrouvés en télétravail, à deux, ou avec leurs familles. Cela a-t-il permis une redistribution de la charge mentale et de la répartition des tâches ménagères ? Loin de là. Les femmes assurent encore et toujours la grande majorité de ce travail, et le ras-le-bol se fait sentir.

Connaissez-vous le concept de la charge mentale ? Mis en lumière par la dessinatrice Emma dans une bande-dessinée devenue culte, il s'agit d'un principe de sociologie qui représente la gestion du foyer : ménage, cuisine, vaisselle, s'occuper des enfants... En théorie, cette charge devrait être répartie de manière équitable entre les membres d'un couple. Mais en pratique, dans les couples hétérosexuels, ce sont les femmes qui assument la majeure partie de labeur. 70%, précisément, selon la dernière étude IFOP à ce sujet.

Le confinement aurait pu redistribuer les cartes dans les foyers où les deux membres se retrouvent en télétravail, mais malheureusement, ce n'est pas nécessairement le cas. Bien au contraire, souvent entre la gestion de tous les repas, des devoirs des enfants, l'entretien d'une maison nettement plus occupée, le besoin de faire des courses bien pensées pour éviter la multiplication des sorties... La situation est de plus en plus compliquée, et de nombreuses femmes sont au bord du burn-out.

"Avec ce confinement, mon mec me rend dingue"

Lila est confinée avec son compagnon, et la situation est arrivée à un point où elle envisage une rupture, tant la charge mentale lui pèse. "J'ai été élevée par une mère au foyer et un père qui travaillait beaucoup. Mais je l'ai toujours vu s'occuper des repas du soir, de moi et de mes frères, du ménage tous les week-ends... Et il a toujours insisté auprès de ses enfants pour que nous comprenions que la répartition des tâches devait être équitable. Alors quand je vois mon mec qui se tourne les pouces pendant que je prépare les repas ou que je fais le ménage, me dit qu'il ne sait pas s'y prendre. Il me rend dingue."

Lui demander de faire la part des choses ? La jeune femme a essayé : "Il m'écoute, mais j'ai l'impression que ça rentre par une oreille, et que ça ressort par l'autre. Si je ne pose pas les poubelles devant la porte, il ne pensera pas à les sortir. Il y a du linge dans la machine quand il veut faire une lessive ? Il va le mettre dans le panier, sans penser à l'étendre. A ce niveau-là, je ne sais pas s'il s'en fout, s'il le fait exprès... Et comme j'ai l'impression de passer pour la méchante à lui faire des reproches constants, parfois, je préfère ne rien dire. C'est bête, mais c'est comme ça."

Des témoignages de ce genre, Léah en reçoit tous les jours. Cette jeune maman est à l'origine du compte Twitter Mother F*cking Stories : "J’ai créé mon compte un an après mon accouchement, en 2018. Je n’en pouvais plus des injonctions relatives à la maternité et en les abordant autour de moi je me suis rendu compte que toutes les femmes étaient dépassées par la culpabilisation, l’excès d’édulcorant sur le rôle de mère, les pressions…". Et en cette période de confinement, elle reçoit beaucoup plus de témoignages que d'habitude : "De mères qui les subissent, d’ados qui racontent comme c’est difficile pour leurs mères et qui aimeraient pouvoir changer l’équilibre entre leurs parents, de femmes qui voient leurs amies, mères, en grande souffrance en ce moment… Personnellement, je ne constate aucun rééquilibrage et aucune redistribution des tâches du fait du confinement, bien au contraire quand je vois les témoignages que je reçois. La situation n’a fait qu’amplifier un déséquilibre déjà bien trop présent en défaveur des femmes."

Non, les hommes ne doivent pas "aider" leur compagne

Face à cette situation, les femmes se retrouvent bien souvent face à un double challenge : non seulement elles doivent gérer ce surplus de charge mentale, mais en prime, on attend d'elles qu'elles éduquent leurs conjoints, qu'elles leur expliquent pourquoi ils devraient faire leur part des tâches ménagères. Une aberration pour Ludivine, chercheuse et spécialiste des questions de genre : "Déjà que les femmes se retrouvent à assumer la grande majeure partie des tâches ménagères, elles devraient en plus trouver des solutions pour que les hommes mettent la main à la pâte ? Cela ne fait que rajouter à leur charge mentale déjà lourde à porter. Résultat, parfois, cela va leur prendre moins d'énergie de faire les choses par elles-mêmes plutôt que de devoir générer une discussion qui peut se solder par une dispute. Cette remise en question est un travail énorme, qui ne devrait pas retomber sur le dos des femmes."

Pour la chercheuse, il est notamment important d'arrêter d'utiliser l'expression "aide", lorsque l'on parle de l'implication des hommes dans les activités du quotidien : "C'est clairement un problème d'utiliser cette tournure de phrase. Les gens qui aident sont encensés, cela implique une reconnaissance. Tandis que faire sa part, c'est normal, et donc considéré comme moins gratifiant." La priorité est donc de repenser le terme pour rappeler aux hommes que non, ce n'est pas normal d'en faire moins que leur compagne. Amandine, présidente de l’association Parents & Féministes, expliquait récemment dans un live du Monde qu'il était important pour les hommes de mener "un travail de déconstruction qui implique : primo, un minimum de volonté – il doit accepter de prendre conscience qu’il est privilégié, tout en vivant dans une société qui lui envoie des tonnes de messages qui normalisent ses privilèges – ; secundo, une remise en question de schémas de vie, qui ramène à sa propre histoire d’enfant, celle de ses parents. Enfin, il faudrait que les hommes aient des modèles d’hommes prenant en charge leur part du travail domestique et que cela soit normal." Mais pour cela, il va encore falloir du temps...

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