Fouiller dans le téléphone de son partenaire, un red flag ? Pas pour tout le monde !

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Vous viendrait-il à l'idée de fouiller dans le téléphone de la personne qui partage votre vie ? Bien sûr, il est parfois tentant d'aller lire les correspondances de l'autre, par simple curiosité ou parce qu'on lui reproche d'avoir quelque chose à cacher. Toutefois, ce cyber-espionnage est considéré comme une forme de violence conjugale par de nombreuses associations féministes. Alors que bon nombre de Français·es trouvent ça tout à fait normal.

"Si tu n'as rien à te reprocher, pourquoi est-ce que je ne peux pas lire tes messages ?" Cette phrase, on ne compte plus le nombre de personnes qui ont dû l'entendre durant l'une de leurs relations amoureuses, passées ou actuelles. Sans nécessairement parler d'espionnage ou de cyber-espionnage, certains estiment qu'ils ont un droit de regard – pour ne pas dire un droit de contrôle – sur les correspondances de celui ou celle qui partage leur vie. Toujours sous ce prétexte de n'avoir "rien à cacher."

Vidéo. Et si le ghosting pouvait se soigner avec du doliprane ?

Les hommes fouillent plus souvent dans le téléphone de leur partenaire

Selon une récente étude du site américain BankMyCell, six personnes sur dix ont déjà fouillé dans le téléphone de leur partenaire, et dans la majeure partie des cas, ce sont les hommes qui jouent les enquêteurs en cachette. 68% d’entre eux avouent avoir déjà déverrouillé le smartphone de leur partenaire, contre seulement 47% des femmes. Les SMS (classiques, via Messenger ou via Whatsapp) sont généralement les premiers visés, suivis par la liste d'appels, puis les photos, les mails, et enfin les réseaux sociaux.

Une étude publiée par le Parisien en 2015 évoquait un autre chiffre intéressant : parmi les personnes ayant déjà fouillé dans le téléphone de leur compagnon ou de leur compagne, 88% n'éprouvaient aucun remord à l'idée d'avoir violé l'intimité de leur partenaire. Un chiffre qui ne surprend pas vraiment Alex, 22 ans, qui estime que "chacun des partenaires devrait avoir accès au téléphone de l'autre." "Cela prouve qu'il n'y a rien à cacher, et donc que l'autre n'a aucune raison d'être suspicieux", affirme le jeune homme, qui considère que face à ce genre d'attitude, l'autre n'aura pas de raison de jouer les fouineurs. Toutefois, Alex l'affirme : "En cas de sérieux doute sur la fidélité de l'autre, fouiller me paraît indispensable, si les questions sont évitées et que la communication bat de l'aile." D'ailleurs, dans ce cas-là, il estime que la découverte d'une preuve d'infidélité annule la culpabilité d'avoir lu les messages de l'autre : "Trouver quelque chose excuse totalement le fait d'avoir fouillé."

Le cyber-espionnage, une forme de violences conjugales

Toujours est-il que pour bon nombre de personnes, le fait de lire les messages de son partenaire sans son autorisation est une pratique banale, normale, voire même logique. Pourtant, de plus en plus d'associations féministes tirent la sonnette d'alarme à ce niveau-là. En février 2021, le collectif #NousToutes a remis au goût du jour le "Violentomètre" conçu fin 2018 par les Observatoires des violences faites aux femmes de Seine-Saint-Denis et de Paris, l’association En Avant Toute(s) et la Mairie de Paris, et adapté par le Centre Hubertine Auclert.

Ce baromètre décode différents comportements qui peuvent avoir lieu au sein d'un couple, afin de mieux détecter les signaux d'alarme des relations toxiques. Fouiller le téléphone de son ou sa partenaire se classe en vigilance orange tirant vers le rouge, et est considéré comme une violence conjugale, au même titre que le fait d'être manipulé·e par son conjoint ou que ce·tte dernier·e estime avoir son mot à dire sur notre tenue. Et cette violence, Angélique l'a vécue avec son ancien conjoint. "Mon ex a toujours eu un côté un peu "contrôleur", mais je pensais qu'il faisait ça pour mon bien. Au début, j'étais même touchée par sa jalousie, mais tout a fini par dégénérer quand il a fouillé mon téléphone."

© Observatoires des violences faites aux femmes de Seine-Saint-Denis et de Paris, association En Avant Toute(s), Mairie de Paris, adapté par le Centre Hubertine Auclert.
© Observatoires des violences faites aux femmes de Seine-Saint-Denis et de Paris, association En Avant Toute(s), Mairie de Paris, adapté par le Centre Hubertine Auclert.

Un jour, lorsqu'elle sort de la douche, son compagnon lui jette son smartphone à la figure en criant qu'elle lui doit des explications. "Je me suis demandée ce qu'il voulait, je n'avais rien à cacher. D'ailleurs, je n'avais même pas de mot de passe sur mon téléphone, il pouvait y accéder quand il voulait. Il m'a annoncé cash qu'il avait lu mes messages, et qu'il n'avait rien trouvé de compromettant." Tant mieux, non ? Eh bien, pas vraiment. "Pour lui, si je n'avais rien à cacher, c'est que je devais avoir effacé les messages incriminants." Face à cette attitude, Angélique a finalement préféré prendre la fuite. "Il est parti bosser, j'ai rassemblé les affaires que j'avais chez lui, et abandonné les clés dans sa boîte aux lettres. La jalousie, pourquoi pas, mais fouiller, c'est quelque chose qui va au-delà de mes limites. Ce n'est pas une attitude saine."

Surveiller son conjoint, c'est de plus en plus facile... Mais illégal

L'évolution des nouvelles technologies représente forcément une tentation pour les personnes qui souhaitent surveiller leur partenaire. Finies les caméras cachées, désormais, en quelques clics, il est possible d'installer un "stalkerware" sur le téléphone de son compagnon ou de sa compagne. Ces logiciels espions, très difficiles à détecter lorsque l'on ne se méfie pas, permettent de contrôler à distance l’ensemble de ses faits et gestes : appels téléphoniques, SMS, photos, courriels, comptes sociaux, activités en ligne, agenda électronique, position géographique… Bref, tout ce qu'il faut pour pouvoir surveiller une personne en qui l'on n'a pas confiance. Sur le net, il existe des dizaines de tutos qui expliquent comment faire fonctionner facilement ce genre de logiciels, et comment les dissimuler dans l'ordinateur ou le téléphone d'une autre personne.

Mais attention : si la commercialisation et l'achat de logiciels espion est totalement légale, leur utilisation ne l'est pas. Espionner le portable d'un tiers est considéré comme une atteinte à la vie privée. L'article 226-1 du Code pénal prévoit d'ailleurs que l'enregistrement des paroles sans le consentement, tout comme la violation du secret de la correspondance, sont punis d'une peine d'un an de prison et d'une amende de 45 000 euros. Une peine qui peut, en théorie, être également applicable aux gens qui fouillent le téléphone d'autrui sans son autorisation, même si dans la pratique, c'est plus difficile à prouver, et à faire valoir devant la justice.

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