Harcèlement de plage : "Mon père en est venu aux mains avec un mec qui ne voulait pas me lâcher"

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Certains hommes étant incapables de se tenir face une tenue légère, l'arrivée des beaux jours et vacances riment souvent avec augmentation du harcèlement de rue pour les femmes. Un fléau qui peut se poursuivre jusqu'à la plage, où des individus se permettent de graves comportements avec les vacancières.

Après de longs mois de couvre-feu et de confinement, l'été 2021 était attendu comme une libération par bon nombre de personnes, impatientes de pouvoir profiter de leurs vacances estivales au soleil, des bars, des restaurants, des cinémas et des musées. Même si la météo est loin d'être au beau fixe, les températures sont à la hausse, et pour les femmes, cela signifie l'occasion de renoncer aux jeans et aux collants pour adopter des petites robes plus légères, des jupes, des shorts ou encore des crop-tops. Malheureusement, nombreuses sont celles qui hésitent encore à dénuder le moindre centimètre carré de peau à cause du harcèlement de rue. Dès que l'été arrive, ce fléau s'accélère, et peut même se poursuivre jusqu'à la plage.

Pourtant, quand tout le monde se retrouve en maillot de bain dans le but de bronzer ou de se baigner, on pourrait croire que les harceleurs auraient autre chose à faire. La réponse est malheureusement non. Selon une étude menée par le site de rencontres Bumble et YouGov, plus d'une femme sur trois aurait déjà été confrontée au problème du harcèlement à la plage : près de la moitié des 18-24 ans (46%) et plus d’une femme sur trois (35%) entre 25 et 34 ans a déjà été victimes de harcèlement, tandis que près de 2 femmes sur 3 (60%) ayant déjà subi cela ne se sentent pas à l’aise de se rendre seules à la plage par peur d’être harcelées ou importunées. Et leurs témoignages sont édifiants.

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"Le maître-nageur faisait des réflexions aux femmes qui bronzaient topless"

La situation à laquelle Eva a été confrontée lors d'un séjour à la plage est d'autant plus glaçante que le harceleur était justement une figure d'autorité. "Un homme, visiblement un maître-nageur de la police, faisait des rondes autour des serviettes. Il s'est arrêté juste derrière moi auprès d'une femme qui faisait du topless tranquillement en lisant son livre, pour lui faire des réflexions bien beaufs. Il a fait ça avec plusieurs personnes sur la plage, toujours des femmes, toujours lorsqu'elles étaient seules."

"Comment réagir quand la personne qui est censée assurer la sécurité sur la plage est celle qui harcèle ?", s'interroge la jeune femme. "J'étais choquée, je me sentais vulnérable car j'étais topless également, mais il ne m'a pas embêtée car je n'étais pas seule. Mais forcément, quand on a été emmerdées plus tard par un mec dans l'eau, on n'a pas osé aller se plaindre auprès du poste de sécurité..."

"Mon premier harcèlement à la plage remonte à mes 14 ans"

Nathalie a 24 ans, et quand on lui parle de harcèlement à la plage, c'est avec un soupir qu'elle répond. Pour cause, elle a l'habitude d'en être victime. Y compris à une époque où elle sortait tout juste de l'enfance. "Mon premier souvenir de m'être fait emmerder à la plage, je devais avoir 14 ans. J'étais partie dans le Sud avec ma famille, et j'étais restée bronzer sur la plage pendant que mon père et mon frère s'amusaient à nager jusqu'à la bouée." A l'époque, l'adolescente avait déjà des formes de femme : "Comme j'étais un peu rondelette, j'avais déjà un bon bonnet C. Ma mère avait voulu me convaincre de prendre un maillot une-pièce, mais comme toutes les gamines de cet âge-là, je rêvais d'un bikini, je ne voyais pas où était le problème. Je n'avais pas encore conscience du regard des autres."

Pourtant, alors qu'elle lisait un magazine, un homme est venu l'interpeller. "Il pointait du doigt mes seins en disant qu'ils étaient trop sexy, et que je devrais enlever mon maillot de bain pour mieux bronzer. Je lui ai dit de me laisser tranquille, que j'étais mineure, mais il ne m'écoutait pas, il s'en foutait. Quand il a essayé de poser sa main sur ma cuisse, je me suis levée, et j'ai commencé à parler très fort pour que les gens autour réagissent. Une mère de famille est venue se mettre derrière moi, et mon père est arrivé à ce moment-là. Il a ordonné à l'homme de dégager, de me laisser tranquille, l'a menacé d'appeler la police. Et comme il refusait d'obtempérer, il lui a mis une droite en pleine face. Il a été obligé d'en venir aux mains pour me protéger." Depuis, la jeune femme a bien grandi mais continue à subir ce type de harcèlement. "Comme je voyage beaucoup en solo, ma stratégie, c'est de me mettre à proximité des groupes ou des familles nombreuses. Et de continuer à faire du bruit, c'est le meilleur moyen de faire fuir les agresseurs.

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"Grosse et en maillot de bain, c'est la double peine à la plage"

Amélia fait partie de ces femmes qui redoutent l'été pour une double raison. Non seulement elle subit de la grossophobie, encore plus pendant cette période où tout le monde prône le "summer body", mais en prime, elle l'affirme : "Mes stratégies habituelles pour esquiver le harcèlement, à savoir garder mon casque et tracer ma route, ne fonctionnent pas à la plage." De son expérience, les gens qui s'en prennent à elle sont "souvent des ados" : un problème d'éducation chez les jeunes qui rend la tâche de se défendre plutôt compliquée.

"C'est chaud de se retrouver en tant qu'adulte à t'embrouiller avec des gens plus jeunes que toi. Je serais plus à l'aise face à des adultes, en vrai. Face à des ados, tu es perdante sur tous les plans. Si tu t'énerves, tu passes pour l'adulte irascible qui ne supporte pas les blagues. Mais si tu ne mets pas un stop, ça peut aller très loin dans les insultes et le manque de respect." Aujourd'hui, cette dernière avoue se sentir démoralisée face à la situation. "Mon seul avantage, c'est que comme je suis grosse et grande, quand je mets un stop, les gens réfléchissent à deux fois avant de m'emmerder. Mais cela implique de se mettre en danger et de prendre le mauvais rôle, alors que tout ce que tu veux c'est chiller à la plage." Pour éviter ce genre de situation, Amélia préfère désormais profiter de l'effet de groupe : "Quand tu es avec plusieurs personnes, tu es moins une "cible" que quand tu es seule ou à deux, par exemple." Une triste réalité.

Harcèlement à la plage : que faire, en pratique ?

Le harcèlement à la plage est condamnable, au même titre que le harcèlement de rue. Si jamais vous y êtes confrontée, vous pouvez signaler les harceleurs aux maîtres nageurs ou aux postes de sécurités des plages où la baignade est surveillée. Autre option possible si ces derniers sont absents ou peu réceptifs, vous êtes tout à fait en droit de contacter les forces de l'ordre au 17 ou au 112, ou encore par SMS au 114. Il vous est également possible de porter plainte. Rappel important : un commissariat de police ou une gendarmerie n'a pas le droit de vous refuser un dépôt de plainte.

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