#BalanceTonTop : "Comment on est censées faire comprendre aux mecs qu'on peut s'habiller comme on veut quand Macron dit qu'il est contre ?"
Chaque année, c'est la même chose. Le débat sur le crop top fait rage lorsque les températures grimpent : ce tee-shirt qui découvre le nombril est très populaire, mais mal vu, notamment dans les écoles qui possèdent souvent des dresscodes très limités à destination des adolescentes. Et alors qu'Emmanuel Macron s'est exprimé sur la question, ses propos ont relancé la polémique.
"Tenue décente exigée." Cette mention est présente dans tous les règlements des écoles, collèges et lycées afin d'éviter aux enfants et aux adolescents de s'habiller n'importe comment, mais l'expression laisse beaucoup de liberté à l'interprétation. Qu'est-ce qu'une tenue décente ? Quelles sont les limites ? Difficile à dire, mais une chose est sûre : elles sont généralement bien plus strictes à l'encontre des filles que des garçons. Chaque année, des affaires sont rapportées dans la presse ou sur les réseaux sociaux, et racontent l'histoire de fillettes renvoyées chez elles ou humiliées par des enseignants parce que leur tenue "déconcentrait les garçons."
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Le crop top de la discorde
Chez les filles, les tenues sont particulièrement surveillées : pas de jupes trop courtes ni de shorts, pas de legging sans rien avec, pas de débardeur qui laisse apparaître les bretelles du soutien-gorge, et donc : pas de crop top. L'excuse avancée est généralement que leur tenue va "déconcentrer les garçons". Une justification jugée comme fondamentalement sexiste par les féministes, qui la dénoncent régulièrement, mais qui risque d'être renforcée par les propos récemment tenus par Emmanuel Macron.
Dans un entretien accordé à Elle.fr, le président de la République s'est positionné sur le crop top en affirmant : "À la maison ou chez des amis, c'est une chose. À l'école, je suis plutôt 'tenue décente exigée', aussi bien pour les filles que pour les garçons. Je ne suis pas un défenseur de l'uniforme, mais tout ce qui vous renvoie à une identité, une volonté de choquer ou d'exister n'a pas sa place à l'école." Indécent, choquant, le crop top ? Les féministes disent non, et les principales concernées, les adolescentes, n'en reviennent pas de voir le chef de l'Etat de se mêler de ce qu'elles peuvent porter. Car oui, les propos d'Emmanuel Macron ont fait leur chemin jusque dans les cours de récréation.
"On a 14 ans, on ne devrait même pas être sexualisées"
À la suite des propos tenus par le président de la République, nous nous sommes entretenues avec un groupe d'adolescentes. Âgées de 13 à 15 ans, elles sont en 4ème et en 3ème dans un collège public de l'ouest parisien, et dès jeudi soir, elles ont eu l'occasion d'évoquer le commentaire de l'homme politique... Et ses possibles répercussions. "Les adultes ne se rendent pas compte qu'entre TikTok, Twitter et les autres réseaux sociaux, dès la sortie des cours ce jeudi soir, on était au courant de ces histoires de crop-tops", raconte Lou*. "Du coup, forcément, on en a parlé entre nous, et on était un peu énervées."
"Cette année, je crois qu'aucune de nous n'a eu de problème", renchérit Camille* en cherchant du regard l'approbation de ses camarades. "Mais chaque année depuis qu'on est rentrées au collège, des filles se font virer parce que leurs tenues ne sont pas "appropriées". Un prof de math a même eu des problèmes avec les parents d'élèves parce qu'il avait dit à une 3ème qu'elle avait une "tenue de pute"..." Les adolescentes sortent tout juste de l'enfance, mais elles sont déjà coquettes, et voient leurs corps se dessiner. En particulier dans le regard des autres, des adultes. "Quand on discute avec les garçons, ils disent qu'ils s'en foutent de nos tenues. En vrai, c'est les profs qui imaginent des trucs. Ma grande sœur dit qu'ils nous sexualisent, et je crois qu'elle a raison. À 14 ans, on ne devrait pas être sexualisées."
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Comment faire comprendre la situation aux garçons ?
"Ils disent qu'ils s'en foutent, mais c'est pas toujours vrai", reprend Lou en évoquant les collégiens de son établissement. "Ils ne sont pas trop relous, mais ils commentent. Ils répètent ce qu'ils entendent des adultes. Du coup à cause de Macron, nous, on stresse." Margaux* s'inquiète de l'impact que pourraient avoir les mots d'un homme si haut placé sur les garçons de leur collège. "Comment on est censées faire comprendre aux mecs qu'on peut s'habiller comme on veut quand Macron dit qu'il est contre les crop tops ?", s'interroge-t-elle.
"Macron il dit qu'il en veut pas à l'école, mais les gens vont pas forcément s'arrêter là, on le sait. On va se prendre des réflexions dans la rue. On s'en prend déjà." Et elles n'ont pas tort. Quand on sait que pour 27% des Français, la responsabilité du violeur est atténuée si la femme portait une tenue sexy (selon une enquête réalisée par l’institut Ipsos et l’association Mémoire Traumatique et Victimologie en 2015), il n'est pas étonnant de voir des adolescentes s'inquiéter, en dépit de leur jeune âge. Même si toutes en ont bien conscience : "Le problème, ce n'est pas nous, ni nos tenues. C'est les mecs qui ne savent pas se tenir."
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