Le film HLM Pussy montre qu’il faut faire confiance à la génération post-metoo dans la lutte contre les violences sexuelles
Aux Commandes d’HLM Pussy, en salles le 6 mars, on retrouve la réalisatrice Nora El Hourch. Ce long-métrage, racontant l’histoire de trois jeunes amies victimes de harcèlement, est surtout le témoignage d’un combat personnel, celui de sa réalisatrice, Nora El Hourch, elle-même victime d’une agression sexuelle à l’âge de 20 ans.
"C’est la parole d’une victime qui a voulu écrire sur le sujet". C’est en ces termes que Nora El Hourch parle de son premier long-métrage, HLM Pussy, écrit et réalisé 10 ans après un court métrage qui évoquait déjà la question du harcèlement sexuel. HLM Pussy raconte l’amitié ingénue de trois adolescentes de 15 ans, Amina (Leah Aubert), Zineb (Salma Takaline) et Djeneba (Médina Diarra). L’une d’entre elles, Zineb, est victime d'agression sexuelle. Les trois amies décident de filmer l’agresseur pour avoir une preuve, et Amina publie la vidéo sur les réseaux sans leur accord. Ce qui va engendrer des conséquences qui la dépassent et porter atteinte à la sécurité de ses amies. Le film s’attèle à montrer que la génération post-metoo, éduquée à la notion du "consentement", plus alerte aux signes de "harcèlement", peine à trouver les moyens d’être entendue par la justice.
L’amitié qu’entretiennent les adolescentes sera fragilisée par ce désir ardent de "faire justice soi-même". Un sentiment que Nora El Hourch a éprouvé lorsqu’à l’âge de 20 ans, elle est victime d’une agression sexuelle. Elle a écrit un court-métrage pour "trouver et s’adresser aux autres 'moi' qui existaient sur cette terre". Dix ans plus tard, ce besoin de parler aux autres victimes prend la forme d’HLM Pussy : "Si jamais mon film peut être vu par une personne que je peux aider, qui a réussi à dire non, à repousser ou à parler, j’ai tout gagné. C’est cette envie qui m’a poussée à réaliser ce film. Je me suis battue 10 ans pour ça".
"La justice ne se fait jamais pour les agresseurs"
HLM Pussy sort en salles dans un contexte où le cinéma français est en pleine mue. Alors que le discours de Judith Godrèche aux César résonne dans les esprits, Nora El Hourch ne peut dissimuler son agacement face au silence, voire à l’indifférence du milieu. "Ça me fout la gerbe. Il y a des témoignages sur des personnes médiatiques et après, il n’y a rien qui se passe, quoi".
Une inertie et parfois même un manque de soutien de la part des acteurs masculins, comme l’a déjà dénoncé Anna Mouglalis sur Mediapart. "Je ne devrais peut-être pas le dire, mais moi les acteurs qui ont signé la tribune ( "N’effacez pas Gérard Depardieu", signée par 56 personnalités du monde de la culture, ndlr.), jamais je ne les ferai tourner. Ça me révolte que l’on puisse défendre ces gens-là.". Une colère, couplée à un sentiment d’injustice. "Ce qui me révolte, c’est que j’ai l’impression qu’il y a une justice à deux vitesses et que la justice ne se fait jamais pour les agresseurs".
Ce sentiment d’injustice sert de trame de fond à son film. Amina, qui baigne dans un milieu aisé, cultive son éveil au féminisme. Portée par les vidéos de militants et par l'éducation d'une mère féministe (incarnée à l'écran par Bérénice Bejo), l'adolescente décide de s’emparer des réseaux sociaux afin de montrer aux yeux du monde l’agression dont a été victime son amie. À l’instar de ce qui se passe dans la vraie vie, les réseaux sociaux sont vus comme un allié à la cause. Encore faut-il en maîtriser les codes… Nora El Hourch et Bérénice Bejo sont conscientes du caractère à "double tranchant" d’internet. L’actrice confie même qu’en tant que mère d’une adolescente de 12 ans, elle est apeurée. "Moi, j’ai dit à ma fille qu’elle n’aurait pas les réseaux sociaux avant 15 ans parce que j’ai trop peur, j’ai trop peur pour les filles en fait, surtout. Je ne suis pas sur les réseaux sociaux donc je n’en sais rien. Je sens juste que pour les filles, c’est plus dangereux".
Vidéo. L'intégralité de l'interview
"J’allais faire quoi quand on me mettait une main au cul ? Arrêter le tournage ?"
Parler et dénoncer pour construire les nouveaux fondements de la société. Bérénice Bejo, qui incarne à l’écran la maman d’Amina, une avocate engagée dans la lutte pour les droits des femmes, croit elle que la révolution est en marche. Une révolution portée par une nouvelle génération d’hommes et de femmes qui ne se tairont plus. "Ils en entendent parler tout le temps. Ils savent". Bérénice Bejo confie avoir éduqué ses deux enfants à la notion de consentement : "Depuis qu’ils sont petits, je leur dis : "Personne ne vous touche, personne ne vous déshabille, vous ne vous prenez jamais en photo, vous ne vous mettez jamais nus sur les réseaux sociaux…".
D'après elle, la révolution passera indéniablement par l’éducation : "Moi quand j’étais petite, personne ne me parlait de ça. Quand j’étais face à des choses un peu dérangeantes, je les gardais pour moi. Une main au cul ? J’allais faire quoi ? Arrêter un tournage parce ce que le mec, pendant une scène, tu vois…" ? En renouvelant la confiance à la génération post-metoo, l’actrice de 47 ans se dit convaincue que "ça va arriver de moins en moins".
En anglais, le film de Nora El Hourch s’appelle "Sisterhood". La notion de "sororité" est fondamentale dans ce long métrage. Au-delà des questions de disparités sociales qui existent au sein du groupe, la solidarité qui unit ces trois filles va leur permettre de porter leur pierre à l'édifice du changement.
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