Anna Mouglalis déplore le silence des acteurs : "Les acteurs ne disent rien et ne nous soutiennent pas. C'est terrible"
Invitée à témoigner sur le sujet des violences sexistes et sexuelles au cinéma dans l'émission "À l'air libre", de Mediapart, ce mardi 12 février 2024, l'actrice Anna Mouglalis a regretté que peu d'hommes du milieu ne prennent la parole pour soutenir les femmes victimes.
L'affaire Depardieu et les récentes déclarations de Judith Godrèche semblent être en train de déclencher une nouvelle vague #MeToo dans le monde du cinéma français. Ces derniers jours, Judith Godrèche a en effet témoigné dans plusieurs médias des violences sexuelles dont elle a été victime à partir de l'âge de 14 ans, durant sa relation avec le réalisateur Benoît Jacquot, de 25 ans son aîné et d'une agression sexuelle par le réalisateur Jacques Doillon, sur le tournage du film "La Fille de 15 ans" (1989). Suite à ces révélations, plusieurs plaintes pour viols et agressions sexuelles ont été déposées contre ces deux réalisateurs. Dans le même temps, le parquet a requis le renvoi en correctionnelle de Christophe Ruggia, accusé d'agressions sexuelles sur mineure dans les années 2000 par l'actrice Adèle Haenel, depuis 2019.
"Les acteurs ne nous soutiennent pas"
Mais malgré les témoignages et plaintes qui affluent, il reste de grands absents : les hommes. C'est en tout cas le positionnement d'Anna Mouglalis, actrice et militante féministe qui accuse Jacques Doillon de l'avoir "embrassée de force". Selon elle, les hommes, qui sont également présents sur les plateaux de cinéma, et notamment les acteurs, continuent à garder le silence face aux nombreuses affaires de violences sexistes et sexuelles révélées au grand jour. Violences dont ils sont parfois témoins. "Les acteurs, et c'est pour ça que c'est terrible que eux ne prennent pas la parole et ne nous soutiennent pas, pour l'instant je les trouve assez silencieux. C'est incroyable ! Alors que eux quand ils débarquent sur un plateau, on ne leur demande pas de tailler une p*pe au metteur en scène ! C'est hétérocentré à mort, donc une femme, forcément elle doit être la propriété de celui qui la regarde. Alors qu'avec l'homme, il y aura une complicité, même une complicité artistique", a-t-elle déclaré dans l'émission "À l'air libre", de Mediapart, ce mardi 12 février 2024.
Elle ajoute : "Dans mon expérience, dans ma carrière, on vit des agressions en permanence, c'est une vigilance permanente. Ce que j'entends, ce sont des histoires qu'on vit toutes. (...) Il me semble important que les actrices prennent la parole, parce qu'elles incarnent aux yeux du public des parcours de femmes libres, et une femme libre, on la réassigne, et c'est ce qu'on fait avec les actrices. Ça commence par le plateau, et ensuite, éventuellement, effectivement tout le monde sait, mais c'est comme ça qu'on montre les femmes et qu'on leur dit, 'non, tu ne seras pas libre. Ou alors tu seras violée.'"
"Il y a plein de gens qui font des récits qui banalisent le viol"
Même lorsque "tout le monde sait", beaucoup préfèrent ne pas se mouiller, et déguiser les violences en "mise au service" d'un réalisateur "tout-puissant", comme l'explique Anna Mouglalis. Pour l'actrice, ne pas nommer, ne pas dénoncer c'est accepter et banaliser des attitudes violentes, voire encourager les auteurs. "C'est le maître absolu du plateau, et on nous demande même d'être dans une démarche presque sacrificielle pour le plan. Certaines fois on consent et il y a des tournages extraordinaires comme ça. Mais ça banalise cette espèce de domination absolue. Je pense qu'il y a plein de gens qui pètent les plombs et qui font des récits qui banalisent le viol."
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Pour faire face à cela, bien que les langues se délient publiquement et que le recours à la justice soit plus fréquent, les actrices continuent de se prévenir par le bouche-à-oreille, confirme Anna Mouglalis : "En partageant nos expériences, éventuellement sans passer par des plaintes, par le fait de solliciter la justice, parce qu'on sait aussi comment elle fonctionne, très rapidement on peut rentrer aussi dans de la prévention les unes par rapport aux autres. Il y a plein de personnes qui ont des comportements violents, inappropriés, entre nous, on se le dit, et après on verra. Moi, on m'avait prévenue."
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