#MeTooGarçons : "Quand j'ai raconté mon viol à ma mère, elle m'a dit que je devais le prendre comme un compliment"
Le mouvement #MeToo connaît une véritable recrudescence grâce aux plaintes et aux prises de parole de Judith Godrèche. Depuis, plusieurs femmes ont avancé dans sa lignée, mais également des hommes. Le comédien Aurélien Wiik en fait partie : il a révélé avoir subi des agressions dans le milieu du cinéma. Il n'est malheureusement pas le seul, et aucun milieu ne semble épargné.
"J'avais 11 ans. De mes 11 ans à mes 15 ans. J'ai été abusé par mon agent et d'autres membres de mon entourage. J'ai porté plainte à mes 16 ans car il le faisait à d'autres." Sur Instagram, le 22 février 2024, le comédien Aurélien Wiik a lancé le hashtag #MeTooGarçons, appelant les hommes comme les femmes ayant été victimes d'agressions sexuelles à prendre la parole et à dénoncer les abus dont ils ont été victimes. Car si le mouvement #MeToo a quelque peu libéré la parole des femmes – sans briser l'omerta autour des violences dont la plupart d'entre elles sont victimes – les hommes ne sont pas toujours en reste. En particulier dans leur jeunesse.
Il y a quelques semaines, notamment, le danseur Yanis Marshall a porté plainte contre Bruno Vandelli, affirmant que ce dernier avait abusé de lui et de plusieurs autres garçons durant leur adolescence. Aujourd'hui, sur les réseaux sociaux, de plus en plus d'hommes acceptent de prendre la parole sur ce sujet tabou.
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"Dans le monde du mannequinat, les agressions sexuelles sont quasi-quotidiennes"
C'est dans le milieu du showbusiness que les plaintes pour agressions sexuelles, harcèlement sexuel et viol font le plus de bruit, en particulier lorsqu'elles concernent des noms que tout le monde connaît. Mais alors que la Fashion Week de Paris bat son plein, Jason*, 21 ans, l'affirme : "Dans le monde du mannequinat, les agressions sexuelles sont quasi-quotidiennes. Je ne compte pas le nombre de casting où l'on m'a mis des mains aux fesses, demandé de me déshabiller intégralement pour rien, ou encore des fois où des directeurs et directrices de casting se sont permis de me toucher l'entre-jambe", dénonce-t-il.
Selon le jeune homme, ces agressions sont le fait aussi bien d'hommes que de femmes dans le milieu. "Le prétexte est vite trouvé. On me dit que c'est pour vérifier que le vêtement tombe bien, parfois même que ce sont de simples gestes d'affection. Et le problème, c'est que si l'on ose dire quoi que ce soit, on a vite la menace de se faire griller dans la profession. C'est comme pour les acteurs et les actrices : celui ou celle qui parle, c'est celui ou celle qui ne sera pas casté pour la prochaine pub, le prochain défilé. Et qui risque même parfois de faire blacklister son agence...", regrette Jason. "Mon propre manager me l'a même déjà dit : telle ou telle personne refuse de voir des gens de chez nous parce que certains mannequins ont "posé problème". C'est un véritable abus de pouvoir, mais c'est comme ça partout, malheureusement. Je suis content de voir que la parole se libère, mais tant que ces gens ne seront pas traînés dans la boue publiquement, jugés et punis, ça ne s'arrêtera jamais. D'autant qu'on vit dans un monde où on n'écoute pas les garçons agressés par des hommes, et où on se moque de ceux agressés par des femmes"
"Sur les chantiers, le "petit pédé" était toujours pris pour cible"
Si le milieu du showbusiness fait grand bruit en dénonçant les violences sexuelles, d'autres milieux sont encore sous le coup d'un silence assourdissant. Médine*, 29 ans, travaille sur les chantiers depuis qu'il a 17 ans, enchaînant les missions pour des entreprises de BTP. "Pour moi qui suis gay, bosser dans un milieu macho était un bon moyen de cacher à mes parents mon orientation sexuelle, car je sais qu'ils ne l'auraient pas accepté. Je n'ai jamais rien dit à mes collègues non plus. Je me sentais relativement en sécurité, jusqu'au jour où ils ont dû trouver mon profil sur une application de rencontre", se souvient-il.
"Au début, j'ai eu droit à des réflexions homophobes. C'était chiant, mais encore supportable. Puis sont venus les attouchements, avec des mots graveleux. "Tu aimes ça, petit pédé ?" "Les tapettes comme toi adorent se faire toucher le cul"... Jusqu'au jour où l'un des ouvriers m'a coincé dans un local technique, et m'a violé avec un manche de tournevis. J'ai eu plusieurs jours d'ITT, et à mon retour, on m'a fait comprendre que je ferais mieux de partir, parce que mon agresseur ne serait pas inquiété malgré mes blessures, et que j'aurais droit à des représailles si je portais plainte. J'étais jeune, je n'avais pas fait mon coming out... J'ai abdiqué."
Par la suite, Médine a vite constaté que ce genre d'attitude n'était pas anodin dans sa profession. "Sur les chantiers, le "petit pédé" était toujours pris pour cible", que ce soit parce que c'est un mec efféminé, ouvertement gay, ou simplement moins macho que les autres." Le jeune homme regrette de ne pas pouvoir quitter cet univers. "Je ne sais rien faire d'autre. Alors je me suis construit une carapace. J'ai pris 30 kilos de muscles, je suis bagarreur avec mes collègues. Je ne suis pas moi, mais c'est une façon comme une autre de me protéger."
"Quand j'ai dit à mon père que j'avais été agressé par ma patronne, il s'est moqué de moi"
Toutes les personnes qui ont porté plainte ou dénoncé des violences sexuelles le savent : la parole des victimes est régulièrement remise en cause, que ce soit par le public ou par leur entourage. Du côté des hommes, vient un stigma supplémentaire s'ils ont été agressés par une femme : celui de ne pas avoir su se défendre face au sexe opposé, considéré comme le sexe faible. Nicolas* en témoigne : "J'avais 16 ans quand j'ai été violé pour la première fois. C'était ma patronne, la mère d'un petit garçon à qui je donnais des cours de mathématiques. Elle est entrée alors que j'étais aux toilettes et m'a saisi par le sexe avant de prendre ma main et de la frotter sur sa vulve. Je ne comprenais pas, j'étais sous le choc. Elle a essayé de me convaincre de la pénétrer, mais je me suis débattu et je suis parti. Quand j'ai raconté ça à mes parents, ma mère m'a dit que je devrais le prendre comme un compliment, qu'une femme mûre s'intéressait à moi. Mon père, lui, s'est moqué de moi et m'a dit que j'étais "une femmelette" et que j'avais qu'à apprendre soit à me défendre, soit à faire l'amour aux femmes comme un homme", raconte celui qui est aujourd'hui quadragénaire.
"Je sais que c'était une autre époque, une autre éducation, mais je leur en ai vraiment voulu. Mes parents ne sont jamais revenus sur le sujet, mais moi, j'ai décidé d'en parler. D'abord avec celle qui est aujourd'hui ma femme, mais aussi avec mes fils. Pour moi, c'était essentiel qu'ils aient de bons comportement envers autrui, mais aussi qu'ils sachent que s'ils se faisaient agresser ou violer un jour, je serai là pour les écouter, les défendre, les soutenir. La prise de parole de tous ces garçons, pour moi, c'est la preuve qu'on sort de ce cercle vicieux du silence. J'aurais aimé avoir leur courage à leur âge."
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