Ovidie : "Il y a pas mal d'hommes de ma génération qui ont du viol ordinaire sur la conscience"

Comment élever sa fille quand on est maman et féministe ? À cette question délicate, Ovidie n’apporte pas de solution. Elle tente un éclairage en se remémorant sa propre adolescence dans sa dernière bande-dessinée "Les coeurs insolents" (éd.Marabulles).

“L’été où ma fille a fêté ses 15 ans, c’est comme si j’avais été renvoyée 25 ans en arrière. Tout est remonté à la surface, même ce que je ne voulais surtout pas voir resurgir.”

Dans la bande-dessinée "Les coeurs insolents" illustrée par Audrey Lainé et préfacée par l’écrivaine et performeuse Wendy Delorme, la réalisatrice et écrivaine Ovidie raconte son adolescence "de la classe moyenne et de la France pavillonnaire des années 90”. Une génération bien différente de celle de sa fille issue de la génération Z, qui vit toutes les interactions sous le scope d’Internet.

Dès l’entame du bouquin, Ovidie est traversée d’inquiétudes diverses qui portent toutes sur la même question : "Comment protéger ma fille ?". Mais la protéger de quoi au juste ? Du harcèlement sexuel ? Du revenge porn ? Du slutshaming ? Si ces mots anglo-saxons sont entrés récemment dans notre vocabulaire, la réalisatrice et productrice explique que la menace n’est pas neuve. Ce qui change, c’est que maintenant, on met des mots sur les choses.

Le cas du viol ordinaire

Pour illustrer ces situations que l’on n'énonçait pas avant, Ovidie prend l’exemple du viol ordinaire et l’atteste : "Il y a pas mal d’hommes de ma génération qui ont du viol ordinaire sur la conscience". Ce qu’elle nomme "viol ordinaire", ce sont toutes les "situations sur lesquelles on ne mettait pas le mot de 'viol' parce que le violeur c’était l’inconnu dans un parking ou dans une ruelle. Des situations d’abus de petits copains sur leurs petites copines… on ne posait pas ces mots d’ 'agressions sexuelles' ou 'viol'. On vivait avec, avec sa propre culpabilité. Aujourd’hui, on n’hésite plus à mettre des mots".

Vidéo. "Pour les hommes de ma génération, il y a eu un avant et après MeToo"

"Il y a eu un choc au moment de MeToo"

A l’assertion : "C’était mieux avant !", Ovidie répond que rien n’a profondément changé : les femmes sont toujours soumises aux mêmes dangers. À la différence qu’Internet permet de ne plus passer sous silence les dérives du patriarcat. L’exemple le plus tangible s’incarne avec le mouvement MeToo. "Pour les hommes de ma génération, il y a eu un choc au moment de MeToo. On peut dire qu’il y a vraiment eu un avant/après MeToo". Et Ovidie de poursuivre : "Il y a ceux qui ont évolué positivement, qui se sont remis en question. Et puis, il y a tous les grincheux qui disent : ’Ah oui, mais on ne peut plus draguer, on ne va plus jamais pouvoir baiser…’".

Le post MeToo a permis aussi de faire éclore une génération de jeunes garçons plus alertes sur la question du consentement, selon la réalisatrice qui fait également des interventions dans les lycées. "Ils sont bien plus bienveillants à l’égard des filles et même à l’égard des autres garçons".

La question du consentement

À l’aube de l'ère "post-MeToo", la notion du consentement s’est fait une place au sein de l’espace public. Là encore, pour Ovidie, il y a une vraie césure générationnelle. "Avec des mecs un peu plus vieux, c’est hyper compliqué de discuter parce qu’ils ne comprennent pas que le consentement, c’est 'oui ou non'. Ils vont parer de la zone grise, de Lacan, te dire que 'dans l’amour, il peut y avoir un peu de bestialité…'. Avec les jeunes garçons que je peux voir lors d’interventions au lycée, j’ai l’impression qu’ils sont plus au clair avec ça".

Vidéo. "Ils ont été biberonnés au porno tourné sans capotes"

En se remémorant sa jeunesse, Ovidie a vu quelques démons renaître (son viol à l'âge de 15 ans, sa fausse-couche toute seule dans la salle de bains familiale) et les a couchés sur le papier, non sans une once d'optimisme. Elle croit en cette Gen Z "bienveillante" et "au clair" sur la notion du consentement. Aux grincheux qui pensent "qu'on ne peut plus baiser" et qui brandissent la carte de la "zone grise" pour expliquer certains crimes, la réalisatrice invite à regarder en avant et ne plus ruminer le passé.

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