Journée mondiale de l'orgasme : stop aux injonctions liées à l'orgasme
Dans les magazines, via des comptes Instagram, des vidéos YouTube et même dans les films et les séries, en matière de sexe, il n'y a plus qu'un mot d'ordre : il faut jouir, jouir, jouir ! On ne va pas se mentir : personne ne dit non à un orgasme dévastateur, qui nous remplit de bien-être et d'endorphines. Mais dans cette course à l'orgasme, il y a parfois un grand oublié : le plaisir. Les injonctions à jouir ne sont peut-être pas si positives que ça.
La sexualité est un domaine fluide, en constante évolution, et en constante déconstruction. Malheureusement dominé par le patriarcat, le sexe a longtemps boudé le plaisir des femmes, le faisant passer comme secondaire. À ce niveau-là, les choses évoluent grâce au féminisme, grâce à toutes ces femmes qui ont décidé de reprendre le pouvoir de leur sexualité, et de ne plus se contenter d'amant·e·s médiocres qui oublient leur plaisir une fois leur propre petite affaire terminée.
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Tout le monde veut jouir. Le message est clair, et s'il y a bien une certitude en matière d'égalité des sexes, c'est que tout le monde a le droit à l'orgasme. Mais est-ce un devoir pour autant ? Des nouveaux sextoys aux publicités pour les capotes, des comptes Instagram sexo aux chaînes YouTube, tout le monde n'a qu'un seul mot à la bouche : le sacro-saint orgasme, comme finalité à tout rapport sexuel. Un appel que beaucoup vivent comme une injonction, qui peut parfois se transformer en véritable blocage.
Quand le "défi" devient une pression
Virginie Koopmans, sexologue au CHR Val de Sambre à Sambreville en Belgique l'affirme : "Oui, il est tout à fait possible d'avoir une vie sexuelle épanouie sans avoir d'orgasme. Certaines personnes n’atteignent pas forcément l’orgasme à chaque rapport sexuel mais prennent du plaisir." Un fait qu'il est essentiel d'intégrer, mais qui demande une certaine démarche pas toujours facile dans un monde où les injonctions à la jouissance sont toujours plus nombreuses.
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Valérie* en a conscience : des orgasmes, des vrais, elle en a eu peu... Et encore, elle n'est pas tout à fait sûre qu'il s'agissait de véritables orgasmes. "Je pense avoir eu un orgasme peut-être une ou deux fois – oui je continue de dire peut-être ce qui ne semble pas bon signe – et avec seulement mon copain actuel avec qui je suis depuis trois ans. Je me suis toujours qualifiée de ‘très difficile’." Et le fait de ne pas parvenir à atteindre cette jouissance représente un véritable complexe, y compris avec un partenaire bien intentionné : "Au début, les mecs sont plutôt toujours tentés de prendre ça comme un défi, comme s’ils seraient les premiers à y arriver. Et puis à la longue ça devient plus compliqué."
Plusieurs études en attestent : donner un orgasme à son ou sa partenaire relève aussi bien de l'envie de donner du plaisir à l'autre que du fait de flatter son propre ego. Face à une personne qui ne parvient pas à jouir, il est facile de se sentir coupable de prendre soi-même du plaisir. Et petit à petit, cette culpabilité peut impacter son estime de soi, poussant les individus à remettre en question leurs performances. Les personnes qui ont des difficultés à jouir se retrouvent donc face à une double pression : celle qu'elles s'imposent elles-mêmes, et celle qui provient de leur partenaire.
Aurélie* a beaucoup de mal à jouir lorsqu'elle est avec une autre personne. "C'est bizarre, parce qu'en solo, je suis capable de me faire jouir en trois minutes chrono. Mais dès qu'il y a quelqu'un d'autre dans l'équation, je bloque." Bisexuelle, elle a eu la même expérience aussi bien avec des hommes qu'avec des femmes, et elle a pris une décision : "Ne pas arriver à jouir une fois, deux fois, ça va : mes partenaires sont généralement compréhensifs. Mais quand le schéma se répète... Je simule, pour ne pas les vexer. C'est peut-être lâche, mais ça m'évite d'avoir à gérer leur culpabilité. Je sais que dans ce cas précis, le problème vient de moi, pas d'eux. Mais ça, ils ont parfois du mal à le comprendre, alors je préfère leur éviter de se faire des nœuds au cerveau."
Les hommes, particulièrement victimes de ces injonctions
On pourrait croire que la charge mentale sexuelle concerne principalement les femmes, qui ont si longtemps été privées d'orgasmes par la vision très patriarcale et phallocentrée de la sexualité. Pourtant, les hommes la subissent tout autant, et d'une manière différente. Chez eux, l'éjaculation est souvent placée au même plan que la virilité. Les éjaculateurs précoces sont moqués, traités d'inférieurs... Mais qu'en est-il de ceux qui ne parviennent que difficilement à éjaculer ?
"Le plus chiant dans tout ça, c'est que ça énerve ma femme", regrette Charles*. "Dans le cadre de la sexualité masculine cis-genre, l'éjaculation est presque considérée comme un automatisme, et ne pas éjaculer, c'est vite être considéré comme défectueux", développe ce quadragénaire, en couple depuis plus de quinze ans. Une opinion partagée par Julien*, confronté au même problème : "C'est assez frustrant, voire gênant car rétrograde à mon sens, de voir une partenaire se focaliser sur ‘la nécessité de l'éjaculation masculine’, alors qu'on a déjà discuté que ce n'était pas nécessaire du tout, et que je préfère me concentrer sur elle plutôt que de faire monter une sauce que, je le sais, ne sortira pas."
Le jeune homme fait tout son possible pour se déconstruire à ce niveau-là, même si ce n'est pas toujours facile : "Je sais que je n'ai pas forcément besoin de jouir pour que le moment reste chouette. Mais ça, je me le dis souvent après coup, parce que évidemment, dans le feu de l'action, on tente quand même. Et même si ça réussit, soit ça a été laborieux, soit ça reste frustrant de voir mon climax sonner la fin de l'instant, voire les deux."
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Faire le deuil de l'orgasme pour retrouver le plaisir
Selon la sexologue Virginie Koopmans, une sexualité épanouie ne passe pas nécessairement par la jouissance, mais pour le comprendre, il faut faire un vrai travail sur soi. "Il faut bien connaître son corps, lâcher prise et avoir une belle complicité avec son partenaire. Pour ceux qui éprouvent des difficultés à avoir des orgasmes, il faut faire le deuil de cela." Un cheminement essentiel pour arrêter de se mettre la pression, puisque cette dernière est un véritable frein au plaisir : "La pression, c’est se mettre en état de stress, c’est se refermer sur tout. Je donne souvent à mes patients l’exemple des œillères. On passe à côté de l’échange, de la sensualité, du partage... Et donc des bons stimuli qui permettent de prendre du plaisir."
Mais attention, accepter le fait que l'orgasme n'est pas une finalité ne veut pas dire cesser de s'interroger. "Il faut aussi s’assurer le pourquoi de cette absence d’orgasme", conseille l'experte. "En prenant contact avec un·e sexologue, il est possible de trouver un épanouissement sexuel et peut-être même atteindre l’orgasme. Consulter, mais aussi prendre du temps pour soi, s’épanouir dans tous les domaines de la vie, se masturber pour apprendre à connaître son corps, faire travailler son imaginaire érotique et donc son cerveau. Et surtout, bien communiquer avec son partenaire." Car pour trouver le juste équilibre entre tout faire pour donner du plaisir à un·e partenaire, sans lui mettre pour autant la pression, le dialogue est essentiel.
*Dans un souci d'anonymat, les prénoms ont été changés.
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