Les femmes peuvent-elles voyager sans risques dans les trains de nuit ?

À l'heure où le gouvernement a annoncé le retour en grâce des trains de nuit, nous avons cherché à savoir si ce mode de transports était adapté aux femmes. Des voyageuses nous ont confié leurs expériences et nous ont révélé si oui ou non, elles s'y sont senties en sécurité.

Getty Images
Getty Images

Paris-Rodez et Paris-Briançon, voici les deux dernières lignes de trains de nuit aujourd'hui encore en activité en France. Mais face au désir du gouvernement de réhabiliter ce moyen de transport économique et écologique, de nouvelles destinations pourront bientôt être ralliées. Une bonne nouvelle pour les adeptes des voyages ferroviaires en mode couchette. Mais encore faut-il que l'on puisse l'utiliser en toute sécurité, et surtout, en tant que femmes. Laurie, 25 ans, répond oui. Celle qui a voyagé de Bruxelles à Vienne en train de nuit il y a peu avec son petit ami, n'en garde que de bons souvenirs. Bien loin d'avoir craint ses voisins de compartiment, la jeune femme dit y avoir fait de belles rencontres.

Une communauté du “slow travel” réputée bienveillante

“Nous avons discuté très spontanément avec un allemand qui occupait la couchette du dessous (la meilleure haha) et qui allait rejoindre de la famille à la frontière germano-autrichienne !”, raconte celle qui partage son expérience sur son compte Instagram. “Prendre le train de nuit, c'est comme prendre l'avion. Il y a toujours du monde autour, que ce soit dans la gare ou à bord du train, on n'est jamais seuls”, explique-t-elle à celles qui craindraient de se retrouver isolées. Si elle s'est autant sentie en sécurité, c'est aussi pense-t-elle car “la communauté du slow travel est bienveillante”. Et pour cause, une bonne partie de ses membres ont choisi ce mode de voyages pour des raisons écologiques, qui dénotent à première vue un état d'esprit responsable : “L'empreinte carbone est extrêmement réduite. Un voyage en train émet beaucoup moins de CO2 qu'un voyage en avion”, détaille Laurie. Selon un calcul basé sur les données de la Base Carbone de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, le train est en effet 27 fois moins polluant que l'avion.

En plus de l'immense intérêt écologique, d'autres se disent séduits par la poésie qui se dégage des trains de nuit. “J'aime le prendre car il est plus lent (ndlr : il s'agit de trains intercités) et cela fait référence à un autre siècle. On part d'un centre-ville, et on arrive directement dans un autre centre-ville. On dort et on se réveille dans un autre monde, en mobilité douce, on voit les paysages qui changent”, nous confie de son côté, Clothilde, membre du collectif d’usagers “Oui aux trains de nuit !”. Une expérience contemplative, qui s'intègre à une nouvelle définition plus globale du voyage. “Pour moi, ce dernier débute dès que je prends mon sac à dos et mets un pied hors de chez moi. Et le trajet en train fait tout à fait partie de l'aventure, là ou l'avion n'est qu'un moyen de se rendre quelque part”, explique Laurie.

Mais tout n'est pourtant pas rose dans l'univers des slow travelers. Alors qu'elle voyageait vers Serre-Chevalier avec son petit ami il y a trois ans, Sandy, a assisté à une scène désagréable : “On était avec quatre hommes qu’on ne connaissait pas dans le wagon. Ils étaient bourrés et se sont disputés, au point que des contrôleurs ont dû intervenir”. Une mésaventure qu'elle n'aurait pas du tout aimé vivre seule, d'autant plus que les wagons étaient selon ses dires presque vides...

Des compartiments réservés aux femmes souvent pris d'assaut

Pour éviter qu'elles ne se retrouvent avec des hommes violents ou malintentionnés, la SNCF a prévu des compartiments réservés aux femmes à bord de ces trains de nuit. Des espaces situés dans la voiture la plus proche du local des contrôleurs, qu'il est possible de fermer à clé pour s'assurer intimité et sécurité. Pour y prétendre, il suffirait de valider l'option gratuite “Espace Dame seule” lors de la réservation d'une place dans le train. Mais dans les faits, tout n'est pas aussi simple. Sur twitter, la journaliste Cécile Delarue a ainsi raconté en juillet 2020 comment elle s'est retrouvée avec des hommes dans son compartiment, malgré cette précaution. "Être une fille, c'est aussi avoir l'idée saugrenue de prendre le train de nuit parce que c'est écolo, demander un wagon réservé aux femmes et flipper toute la nuit parce que évidemment, il y a trois hommes dans la voiture réservée. Ça va aller hein? @ouisncf"

Un témoignage vite rejoint par un autre, encore plus édifiant : "J'étais dans le même train et j'ai dû intervenir car un homme, entré dans notre cabine, draguait très très lourdement ma voisine". J'en ai souvent pris (des trains de nuit, ndlr) et je n'ai jamais été avec uniquement des femmes dans ces compartiments 'réservés aux femmes' @ouisncf un petit effort? Ou autant supprimer cette option car vous trompez vos clients".

La faute à un nombre de places limité répond la SNCF. “Vous avez donc pu cocher l'option et ne pas l'avoir obtenue, faute de place”, peut-on lire dans la foire aux questions de son site internet, suite à la plainte pour le même motif d'une certaine Natasha en 2019. Et effectivement, le moins que l'on puisse dire est qu'il n'y en a pas pour tout le monde. En ce moment, “avec les mesures sanitaires, cela représente 12 couchettes réparties sur 3 cabines en seconde classe, et 8 couchettes réparties en 2 cabines en première”, nous détaille le service presse contacté par téléphone. Soit 20 places au total seulement.

Se rapprocher du chef de bord dès la montée dans le train

Alors prudence : si, juste avant de valider ses billets, une cliente aperçoit la phrase “attention, certaines de vos demandes de placements n'ont pu être satisfaites”, c'est peut être parce que son souhait de voyager en compartiment réservé aux femmes n'a pas été exaucé. En cas de frayeur lors du voyage, elle ne doit pas hésiter à se rapprocher du chef de bord, qui dispose d'un local de service en voiture 7. “Il est disponible toute la nuit et fait des rondes dans les voitures toutes les heures”, nous informe le service presse.

Mais le mieux reste encore de se rapprocher du contrôleur à l'entrée du train, qui fera son maximum pour satisfaire la demande. “Lorsque je n'ai pas obtenu de place dans un espace réservé aux femmes, je lui demande s'ils ne peuvent pas en ouvrir un. Très souvent, sauf quand le train est archi-plein, ils ont des compartiments non utilisés. On est plusieurs femmes à le faire régulièrement, et on se retrouve à deux ou trois”, raconte Clothilde. Une solution de secours, en attendant un nouveau dispositif qui permettrait aux femmes de dormir sur leurs deux oreilles. Et aux voyages en trains de nuit de conserver leur poésie.

A lire également :

Burn out militant : quand les féministes, épuisées et sous pression, craquent

Nous avons rencontré des "tradwives", fières d'être femmes au foyer et dévouées à leur conjoint

"J'ai 23 ans, et j'ai rencontré l'amour grâce à une agence matrimoniale"