Féminicide de Marie Trintignant : pour Lio, "rien ne bouge parce que les hommes ne veulent pas perdre leurs privilèges"
Le 1er août 2023 marquera un triste anniversaire : les 20 ans de la mort de Marie Trintignant, tuée par son compagnon Bertrand Cantat. A l'époque, l'affaire avait été qualifiée de "drame passionnel", et le chanteur de Noir Désir n'avait passé que quatre ans en prison, avant d'être libéré en 2007 pour bonne conduite. Une décision qui scandalise encore la chanteuse Lio, proche de la comédienne décédée.
Article mis à jour le 10/08/2023
Dans les années 2000, Lio est l'une des premières artistes à avoir pris la parole pour dénoncer le traitement médiatique du meurtre de Marie Trintignant. La chanteuse, très proche de la comédienne, se livre sans langue de bois dans un entretien accordé à Libération. Elle y évoque sa culpabilité de ne pas avoir pu protéger la jeune femme, mais aussi sa colère envers ceux qui ont tenté de minimiser les actes de Bertrand Cantat.
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La colère de Lio
"L'amour n'apporte pas la mort". Cette phrase, Lio l'avait clamée au moment du féminicide de Marie Trintignant, fâchée de voir les médias qualifier sa mort de "crime passionnel" réalisé par un homme "fou d'amour". 20 ans après les faits, la colère n'est pas retombée. Pour elle, "C'est une manière de nier la violence masculine. (...) Tout ce qui peut le remettre en cause n'est pas susceptible d'être entendu, est forcément mauvais, manipulé, hystérique, politique."
Dans cette interview, la chanteuse dénonce le "patriarcat phallocrate", et la complaisance de ceux qui cherchent, encore et toujours, des excuses aux hommes qui tuent ou brutalisent des femmes. "On a d'ailleurs entendu que Marie était hystérique, qu'elle avait bu, qu'elle l'avait poussé à bout en le rendant jaloux." Une preuve supplémentaire que femmes sont blâmées, même lorsqu'elles sont victimes. Une situation qui n'a pas tant évolué que ça, d'ailleurs, quand on sait que les victimes de violences sexuelles et de violences conjugales ont toujours du mal à porter plainte.
Dans une précédente interview réalisée par Yahoo.fr, Louise Delavier, responsable des programmes et de la communication pour l'association En Avant Toutes, et co-créatrice du chat d'accompagnement des victimes de l'association qui agit pour l'égalité femmes-hommes et la fin des violences, l'affirmait : "Il y a effectivement une différence de traitement en fonction des victimes, et on voit que si la personne est précaire, racisée, ou si son agresseur est puissant, le traitement va être différent. Et on remarque que plus l'agresseur va être puissant, plus il va y avoir un traitement qui va être en défaveur de la victime, plus il va y avoir d'indulgence envers l'agresseur."
Elle regrette de ne pas avoir vu les signes
Aujourd'hui encore, Lio semble éprouver une forme de culpabilité à l'idée de ne pas avoir détecté les signes que son amie était peut-être dans une relation abusive. A Vilnius à ses côtés dans les jours qui ont précédé son décès, l'ancienne juge de "La Nouvelle Star" raconte : "Je trouvais Marie fatiguée. Par deux fois, elle avait annulé un dîner, ça ne lui ressemblait pas. Quelque chose ne tournait pas rond, mais jamais je n'ai pensé qu'elle était en danger avec Bertrand Cantat. Je m'en veux tant."
La chanteuse se souvient notamment d'un comportement qui l'avait marquée : "Il l'appelait des dizaines de fois par jour, sans arrêt. Pour ne pas louper ses appels, elle avait mis son portable sur vibreur, dans ses bottines." La chanteuse estime que son amie se sentait "oppressée", mais avait une fois de plus tendance à ramener la faute sur elle-même : "Elle disait qu'elle lui en avait trop demandé." Un procédé "d'emprise et de manipulation" qu'elle a connu elle-même de la part d'hommes abusifs, puisqu'elle a elle-même été victime de violences conjugales.
Des prises de position qui ont nuit à sa carrière
Rares sont les artistes à avoir aussi ouvertement que Lio pris position contre Bertrand Cantat. Et aujourd'hui, la chanteuse l'affirme : cela lui a porté préjudice. "Quand j'ai pris la parole, je n'ai reçu pratiquement aucun soutien, si ce n'est d'Antoinette Fouque (militante féministe et une figure historique du Mouvement de libération des femmes, ndlr). Je suis tombée, j'ai tout perdu." Ses détracteurs sont allés jusqu'à chercher des justifications aux violences conjugales dont elle avait été victime.
Et malheureusement, la star considère que les choses n'ont pas assez évolué, même 20 ans plus tard. "Tout bouge et rien ne bouge, parce que les hommes ne veulent pas perdre leurs privilèges", conclut-elle.
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