#PrendsMaPlainte : 66 % des femmes victimes de violences sexuelles toujours mal accueillies au commissariat
Déposer plainte après des violences sexuelles, une formalité ? Loin de là. Selon la dernière enquête de l'association #NousToutes, 66% des femmes qui se rendraient dans un commissariat seraient victimes d'une mauvaise prise en charge de la part des forces de l'ordre. Des actions qui découragent fortement les plaignantes à témoigner des agressions subies.
"Mais pourquoi tu n'as pas porté plainte ?" Lorsqu'elles témoignent de violences sexuelles qu'elles ont pu vivre par le passé, les femmes se retrouvent souvent confrontées à cette question, que ça soit de la part de leur entourage ou de celle du grand public quand l'affaire est médiatisée – comme cela a été le cas récemment pour Florence Porcel, par exemple. En théorie, la logique voudrait qu'après avoir été victime d'une agression, ou de toute forme de violences sexuelles, le premier réflexe des femmes soit de se rendre dans un commissariat. Pourtant, c'est loin d'être le cas. Et la honte d'avoir subi ce genre de faits n'est pas le seul facteur à prendre en compte pour expliquer pourquoi elles ne portent pas plainte. L'accueil par les forces de l'ordre est également fortement responsable.
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Une enquête qui contredit les chiffres du gouvernement
Le 5 mars dernier, Marlène Schiappa, la ministre déléguée à la Citoyenneté, présentait un audit du gouvernement qui affirmait : "90 % des femmes qui ont porté plainte en 2020 pour des violences conjugales sont satisfaites de l’accueil des forces de l’ordre." Pourtant, à en croire l'enquête menée par l'association #NousToutes, ces chiffres sont loin d'être le reflet de la réalité. "66 % des répondantes font état d’une mauvaise prise en charge par les forces de l’ordre lorsqu’elles ont voulu porter plainte pour des faits de violences sexuelles", déplore le collectif.
Dans son enquête, #NousToutes affirme avoir reçu plusieurs centaines de témoignages de plaignants qui affirment avoir été mal reçues en commissariat et gendarmerie ces deux dernières années. Des témoignages glaçants, qui font aussi bien état des réflexions désagréables, qui remettent en cause les faits dont elles disent avoir été victimes, de la culpabilisation, voire même des refus de porter plainte. Ce n'est pas vraiment une surprise : au cours des derniers mois, et à l'occasion de plusieurs des enquêtes menées par Yahoo!, des femmes témoignaient de leurs difficultés à porter plainte. Cela a été le cas pour l'affaire #CuriousCatAbuse, pour les femmes victimes de harcèlement sur Vinted, ou encore celles qui étaient stalkées par leurs anciens compagnons.
Des chiffres qui font froid dans le dos
"Le chiffre de 90% avancé par le gouvernement est donc en total décalage avec la réalité de terrain à laquelle les associations féministes sont confrontées ou avec les témoignages qui se multiplient sur les réseaux sociaux." La preuve avec le hashtag #PrendsMaPlainte, qui a permis à des centaines de victimes de raconter la façon dont elles ont été accueillies par les forces de l'ordre. "Physiquement, vous allez bien, non ? C'est bon alors, les mots et insultes, c'est pas grave, tout le monde s'est déjà fait insulter, y a pas mort d'homme !" "Les policiers m'ont dit que je l'avais cherché." "Vous risquez de gâcher sa vie et le reste de sa scolarité." Des mots intolérables à entendre pour les personnes qui ont eu le courage de témoigner devant des policiers ou des gendarmes des violences qu'elles avaient subi.
Sur les 3 496 témoignages récoltés, #NousToutes dénonce :
– une banalisation des faits dans 67,8% des cas
– un refus de prendre la plainte ou une tentative de découragement dans 56,5% des cas
– une culpabilisation de la victime dans 55,2% des cas
– des moqueries, du sexisme ou des propos discriminants dans 29,8% des cas
– une solidarité envers la personne accusée dans 26,2% des cas
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Il est interdit de refuser de prendre une plainte
Le chiffre concernant les refus de prendre la plainte est particulièrement inquiétant, étant donné que, légalement, les policiers et les gendarmes sont dans l'obligation d'accepter toutes les plaintes. L'article 15-3 du code de procédure pénale stipule en effet que : “Les officiers et agents de police judiciaire sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes d'infractions à la loi pénale, y compris lorsque ces plaintes sont déposées dans un service ou une unité de police judiciaire territorialement incompétents”. Cette obligation est d'ailleurs réaffirmée dans la charte d’accueil du public et d’assistance aux victimes qui est affichée dans les locaux des forces de l'ordre, et qui affirme : "Les services de police nationale et de la gendarmerie nationale sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions pénales, quel que soit le lieu de commission."
Mais face à un refus, en dépit du rappel de la loi aux concernés, que faire ? Le premier recours possible consiste à saisir le Défenseur des droits, dont l'une des missions est de "veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République", selon l'article 4 de la loi organique n°2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits. Une autre option consiste à effectuer un signalement auprès de l’inspection générale de la Police Nationale (IGPN) ou l’inspection générale de la Gendarmerie Nationale (IGGN). Enfin, il est également possible de déposer plainte directement auprès du procureur de la République. Pour ce faire, il faut envoyer un courrier sur papier libre au tribunal judiciaire du lieu de l'infraction ou du domicile de l'auteur de l'infraction.