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Marine Gabriel (@balancetonuterus) : “Des jeunes filles sont victimes de viols gynécologiques”

Marine Gabriel, 23 ans, est la créatrice du compte Instagram @balancetonuterus. Elle vient de publier un ouvrage, intitulé La vérité au bout des lèvres (combattre les violences obstétricales et gynécologiques) aux éditions Kiwi. La jeune femme dénonce les trop nombreuses violences dont sont victimes les femmes à la maternité ou dans les cabinets de gynécologie.

Il y a deux ans et demi, Marine Gabriel a subi un accouchement cauchemardesque, teinté d’insultes et de violences. Elle décide d’en parler sur Instagram et lance le compte @balancetonuterus, un véritable purgatoire dans lequel les femmes dénoncent toutes les violences subies à la maternité ou chez le gynéco. “Je recevais tellement de témoignages…” nous souffle-t-elle. Ces attaques ont un nom : VOG, Violences Obstétricales et Gynécologiques.

Selon le HCE, le Haut Conseil de l’égalité entre les femmes et les hommes, les VOG recouvrent cinq formes diverses :

  • La non prise en compte de la gêne de la patiente, liée au caractère intime de la consultation,

  • Les propos porteurs de jugements sur la sexualité, l’orientation sexuelle, le physique…

  • Les interventions médicales exercées sans recueillir le consentement éclairé de la patiente

  • Actes ou refus d’actes non justifiés médicalement

  • Harcèlement sexuel, agression sexuelle et viol

“Des viols gynécologiques”

Sur ce dernier point, la jeune femme insiste sur le caractère traumatisant que peuvent prendre certains actes médicaux, notamment auprès des femmes plus jeunes : “Des gynécologues insèrent un spéculum dans le vagin de la jeune fille, sans lui avoir expliqué au préalable en quoi consistait l’examen. Ils ne vont rien expliquer du tout. Ils vont lui dire de retirer sa culotte, de s’allonger sur la table de consultation. Et ils insèrent le spéculum comme ça. Sans alerter. On se retrouve avec des jeunes filles traumatisées. C’est un véritable viol gynécologique”.

Marine Gabriel s’appuient sur de nombreux témoignages pour étayer ses propos. Parmi les messages de détresse recueillis, l’expérience d’une jeune fille révèle également le caractère homophobe de certains praticiens : “Elle me demande si j’ai déjà eu des relations sexuelles, je lui réponds que oui, avec une fille, mais que mon hymen n’a jamais été brisé. Elle me demande si je suis lesbienne, je réponds à nouveau par l’affirmative (...) Elle revient avec un outil pour effectuer une échographie intra-utérine. Sans un mot, elle me l’enfonce violemment dans le vagin en brisant mon hymen. Je hurle de douleur et fond en larmes.”

Les jeunes femmes représentent la catégorie la plus vulnérable face aux VOG. Celles-ci arrivent souvent “vierges” de toutes informations face aux examens médicaux qu’elles vont devoir passer et cette méconnaissance peut leur être préjudiciable. “On se retrouve avec des femmes qui développent des phobies” poursuit Marine Gabriel.

Pour la promotion du documentaire Daria Marx, Ma vie en gros en 2020, Daria Marx, féministe et militante contre la grossophobie, avait elle aussi témoigné des insultes dont elle avait été victime dans un cabinet de gynécologie.

Épisiotomies abusives et “points du mari”

Parmi les témoignages insoutenables recueillis par la créatrice de @balancetonuterus, celle-ci dénonce également l’abus de certaines pratiques obstétricales telles que l’épisiotomie. D’après le dernier rapport de l’Institut national de la santé et de la recherche médiale (Inserm), cet acte clinique consistant à une incision du périnée sur quelques centimètres effectuée pour agrandir la taille de l’orifice vulvaire et faciliter l’expulsion du bébé, concerne 20% des accouchements par voie basse. Ce taux atteint 34,9% pour les primipares (premier accouchement) et descend à 9,8% pour les multipares.

Selon le rapport du HCE de 2018 sur les actes sexistes durant le suivi gynécologique ou obstétrical, 1 accouchement sur 5 donne lieu à une épisiotomie.

Si cette intervention semble “cautionnée” dans les situations d’urgence, elle est de plus en plus considérée comme abusive et peut entraîner des complications telles que des infections opulentes ou encore des pertes de sang conséquentes. En 2005, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français avait même confirmé l’absence de bénéfices de cette pratique. Certaines maternités l’ont d’ailleurs réduite drastiquement.

À l’instar de nombreuses femmes, Marine Gabriel dénonce l'absence d’information liée à cette pratique clinique. “Certaines femmes ne savent même pas qu’elles ont eu une épisiotomie. J’ai encore reçu un témoignage il n’y a pas très longtemps” s’énerve-t-elle. Selon le HCE, 1 femme sur 2 déplore un manque (16%) ou l’absence totale d’explication (31%) sur le motif de l’épisiotomie”.

Autre tabou mis en exergue par l’auteure : le point du mari. Elle le définit comme suit : “En réalisant les points pour procéder à la suture du périnée, certain.e.s praticien.ne.s suturent la déchirure avec un point supplémentaire, absolument non nécessaire ni approuvé, pour resserrer l’entrée du vagin de la femme afin que lors du prochain rapport sexuel, un plaisir accentué soit ressenti par Monsieur.”

Un acte archaïque pratiqué le plus souvent, par des gynécologues plus âgés, comme le déplore la créatrice de @balancetonuterus. Une pratique qui témoigne du pan sexiste d’une certaine partie de la profession. Des blouses blanches qui souvent profitent de leur hégémonie pour légitimer leurs pratiques médicales. C’est ce qu’on appelle “la soumission à l’autorité”. “C’est eux qui ont le savoir et on n’ose pas les contredire” explique la jeune maman. En salle d’accouchement, il n’est pas toujours évident de faire valoir ses droits et, souvent, les personnes qui accompagnent les futures mères sont pétrifiées à l’idée que ce corps médical ne s’en prenne à la parturiente - c’est-à-dire la femme en train d’accoucher - et au bébé. C’est ce qui explique, trop souvent, le silence glaçant qui entoure les VOG.

En 2018, le rapport du HCE avait mis en lumière tous les dysfonctionnements durant le suivi gynécologique et obstétrical. Ce qui avait entraîné la réaction du GNGOF, le Collège National des Gynécologues et des Obstétriciens, qui propose de “récompenser” les maternités les plus respectueuses de la santé de la maman et de l’enfant en octroyant des labels. Les maternités répondant aux critères et évaluées par les patientes, sont répertoriées dans une liste. “Transparence, qualité de l'information et du consentement, amélioration des pratiques médicales toujours appropriées et conformes aux recommandations scientifiques les plus récentes, sont une part des engagements de ces maternités. L'évaluation directe des patientes via la plateforme Maternys sera répercutée vers la maternité mais aussi vers le CNGOF, ce qui garantit l'amélioration continue de la qualité des soins dans nos maternités labellisées” peut-on lire sur le site du CNGOF.

“Osez dire ‘NON’”

Si la parole semble se délier de jours en jours, grâce notamment aux comptes Instagram comme @payetonuterus ou @balancetonuterus ou encore au documentaire coup de poing d’Ovidie Tu enfanteras dans la douleur, il est primordial pour Marine Gabriel que les femmes s’emparent du sujet et disent STOP. Pour la jeune femme, cela ne peut passer que par la sensibilisation. Elle suggère un meilleur accompagnement des jeunes filles dans les cabinets de gynécologie et une éducation sexuelle à la hauteur de l’enjeu. “C’est en se mobilisant et en se sensibilisant, les unes les autres, que nous saurons mieux réagir dans le futur”, écrit-elle.

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