La dysphorie post-coïtale ou le blues après le sexe, qu’est-ce que c’est ?
Vous avez un coup de blues juste après avoir fait l’amour ? Une sorte de spleen vous envahit sans que vous en compreniez forcément la raison ? Vous êtes peut-être atteint.e de dysphorie post-coïtale, un état peu commun et mal connu, qui survient juste après un rapport sexuel. Et qui peut être difficile à vivre aussi bien pour la personne qui en est victime que pour son partenaire.
La dysphorie post-coïtale est un état visiblement assez rare, sur lequel il est difficile d’avoir des données concrètes. On l’appelle également blues post-sexe ou sex blues. Il s’agit d’une grande tristesse, une sorte de mélancolie, de stress ou d’anxiété qu’on éprouve après un rapport sexuel. Cela peut se manifester par des pleurs voire des sanglots ou bien des rires nerveux, un sentiment de déprime, parfois de l’agitation, de l’irritabilité ou de la vulnérabilité ou bien de la frustration et des changements de l’humeur.
Bref, les symptômes sont multiples mais ont un point commun : ils sont immédiats après l’acte sexuel, consenti, précision importante.
Un bouleversement émotionnel
Parfois, la dysphorie post-coïtale survient après un orgasme mais pas toujours. "Cet état fragile n’est pas associé à la période réfractaire [la période qui suit l’orgasme, et l’éjaculation chez les hommes, ndlr.] donc ce n’est pas forcément associé à un orgasme", nous explique la sexologue Claire Alquier. Peut-il se produire après une masturbation ? Non, pour la sexologue et psychothérapeute Sylvie Lavallée M.A, qui affirme que "c’est par la rencontre avec l’autre que cela se manifeste".
Cette dernière précise que la DPC n’est pas forcément vécue comme quelque chose de négatif. "Certaines femmes le vivent pour la toute première fois avec un nouveau partenaire : symbole de l’investissement érotique, amoureux, pulsionnel, de l’attachement du lien et de la grande connexion émotionnelle. Dans sa forme positive, des patientes le ressentent comme un soulagement suite à un grand moment d’intimité."
La DPC concerne aussi bien les hommes que les femmes
Ce blues post-sexe dure généralement pendant quelques minutes, mais peut durer jusqu’à deux heures chez certaines personnes "si une crise de larmes ne s’arrête pas" précise Claire Alquier. Il peut toucher aussi bien les hommes que les femmes, bien que les deux spécialistes que nous avons interrogées n’ont eu affaire qu’à des patientes atteintes de dysphorie. "Il est peut-être moins permis pour les hommes de reconnaître cet état-là et du coup de l’exprimer. Chez les hommes, il y a une période réfractaire beaucoup plus forte que chez les femmes donc peut-être qu’il y a peut-être confusion entre les deux phénomènes", explique Claire Alquier.
Quant à savoir combien de personnes cela concerne, c’est là que ça se corse. Une étude australienne menée sur 222 étudiantes et datant de 2011 rapportait que 33% des femmes avaient déjà ressenti des symptômes de la DPC au cours de leur vie tandis que 10% l’avaient vécue au cours du dernier mois. Seules 2% d’entre elles disaient vivre ce phénomène régulièrement. En 2019, des chercheurs australiens sont les premiers à affirmer que les hommes peuvent eux aussi expérimenter une dysphorie post-coïtale dans une enquête internationale parue dans le Journal of Sex & Marital Therapy. Sur les 1208 sujets interrogés, 41% d’entre eux disaient en avoir déjà eu une, 20% au cours des quatre dernières semaines et 3 à 4% de manière récurrente. Mais là où c’est difficile à jauger, c’est que les symptômes sont variés et peuvent survenir pour tout un tas de raisons annexes. Et surtout, à différents moments de la vie.
C’est dans le corps ou dans la tête ?
Mais alors, d’où ça vient, cette nostalgie après l’amour ? Là aussi, il n’y a pas de bonne réponse. Les scientifiques pensent que cela peut être dû à des facteurs biologiques ou physiologiques, comme un dérèglement hormonal ou des difficultés sexuelles (perte de libido, douleurs pendant les rapports, problèmes d’érection…) mais aussi des facteurs psychologiques. Certains affirment que cela peut être causé par une résurgence d’un traumatisme (comme un viol, de la violence, de la maltraitance ou un abus sexuel), d’autres évoquent une sensibilité exacerbée, une connexion très forte pendant l’acte qui conduit à une grande difficulté à quitter l’autre et à gérer la solitude après l’amour.
"Si la dysphorie est systématique ou quasi systématique après un rapport, elle fait peut-être ressortir un traumatisme, qui n’est pas toujours conscientisé. Tout ce qui est extrêmement régulier en matière de sexualité, et qui pose problème bien sûr, vient interroger une réaction traumatique.", nous dit Claire Alquier. La spécialiste se veut rassurante : "On n’est pas condamné.e à l’expérimenter toute sa vie si on y a été sujet.te une fois. Les hormones, la psyché… Ce sont des éléments qui évoluent. Quand on vit des choses difficiles dans sa vie (deuil, situation professionnelle stressante, etc.), ça peut se répercuter sur la sexualité."
Sa consœur Sylvie Lavallée M.A confie qu’elle a déjà observé chez ses patientes "un état d’abandon, une absence de performance, un lâcher prise". "Le fait de ne plus se soucier de la technique ni des gestes ou de ses complexes physiques procure un tel bien-être, que le corps baisse sa garde et les larmes en sont le symbole, déclare-t-elle. Certains souffrent d’anxiété et ont une impression permanente de la catastrophe imminente : crainte d’être rejeté, abandonné, trahi, trompé…", révèle l’auteure du livre Êtes-vous en bonne santé sexuelle ? (éditions Trécarré).
Communiquer avec son partenaire
Si vous pensez souffrir de ces symptômes uniquement après une relation sexuelle, vous êtes peut-être atteint.e de dysphorie post-coïtale. Que faire ? Si vous en ressentez le besoin et que le phénomène est récurrent, vous pouvez consulter un consulter un spécialiste pour en comprendre l'origine et essayer de l’atténuer. "Un professionnel pourra prescrire un bilan hormonal, pour exclure ou non la piste hormonale, par exemple. Sur le plan psychologique, c’est important de se faire accompagner pour dédramatiser ce truc de : ‘J’ai peur que ça se reproduise, donc du coup ça se reproduit’. Sinon, avant même d’avoir un rapport sexuel, on est dans un état de stress, on n’est pas disponible", affirme Claire Alquier avant de nous décrire l’importance du rôle de son partenaire.
"C’est primordial de pouvoir communiquer avec son ou sa partenaire. L’impliquer, si on est dans une relation positive et rassurante ; lui expliquer que ce n’est pas en lien avec le plaisir qu’on ressent ; peut-être avoir des rapports différemment ou chercher ce qu’il y a dans son passif... Le partenaire peut alors accueillir les dysphories de manière plus douce au lieu d’accentuer la culpabilité que la personne dysphorique peut ressentir", conclut-elle. Sylvie Lavallée M.A, de son coté, recommande d’"observer ce qui se vit en soi, de faire preuve d’introspection, de lucidité consciente face à soi". "L’intimité véritable ne se vit pas en surface. Elle est pleine et consciente", précise-t-elle en suggérant de "faire preuve de bienveillance et d’auto compassion, et de permettre une communication franche avec son partenaire."
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