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Père au foyer, un métier à plein temps : "On m’a déjà demandé si j’étais veuf"

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Entre charge mentale, clichés et absence de valorisation du travail domestique, Sebastien Michel, qui se cache derrière le blog Desperate Houseman, revient sur son année de père au foyer. Un métier à plein temps beaucoup trop sous-estimé.

Les hommes sont des mamans comme les autres. Et certains ont même fait le choix de devenir père au foyer. Un changement de vie bien souvent incompris par la société trop peu habituée à avoir un "chef de famille" préférant s’occuper de ses enfants plutôt que de sa carrière. Peu recensés par les enquêtes, les PAF (pour "pères au foyer") sont la preuve que les rôles de chacun au sein du couple sont devenus mouvants et interchangeables, mais surtout que la charge mentale n’est pas un fardeau qui se conjugue exclusivement au féminin. Sur des forums, dans les médias et sur les réseaux sociaux, ces papas plus soucieux de s’impliquer dans leur vie de famille partagent leur quotidien bien loin des diktats imposés par le patriarcat, à l’instar du compte Instagram Golden Daddy. Sur son blog Desperate Houseman, Sebastien Michel évoque la parentalité, la santé, les loisirs et la réduction de son empreinte environnementale en tant que famille. Un papa de deux filles, très engagé, qui milite pour la pari-parentalité. Pour sa première fille, il décide de se mettre à temps partiel, "ce qui était trop peu" : "Le pire moment, c’est quand à la crèche, on m’a dit que ma fille avait fait ses premiers pas. Vous posez un bébé à quatre pattes le matin et vous récupérez un bébé qui marche. J’ai raté ce moment et sûrement beaucoup d’autres". Alors, dès que sa seconde vient au monde, il décide de prendre un congé parental d'un an, tout en étant présent pour son aînée "qui faisait sa rentrée à la maternelle".

Vidéo. "Augmenter la durée du congé paternité ancre le nouveau rôle des papas qui ont envie d’être plus présents"

100% de la charge mentale pour le parent au foyer

Un choix que sa compagne ne comprend pas tout de suite : "Les personnes qui décident de prendre un congé parental sont bien souvent des femmes et c’est pour des raisons financières. Nous, ce n’était pas notre cas. Nous n’avions pas de soucis financiers et une place en crèche nous avait même été proposée. Donc, au début, elle n’a pas compris ce besoin que j’avais d’être présent pour ma fille lorsqu’elle était encore bébé". Bien décidé à aller au bout de son projet, Sebastien Michel explique alors n'avoir que "des a priori positifs" sur la vie d’un père foyer : "Je me voyais passer beaucoup de temps avec mes filles et notamment la seconde". Mais la réalité s’avère tout autre : "Comme mes deux filles n’ont pas fait leurs nuits avant l’âge de deux ans, les journées sont assez longues, même quand on est à la maison". Sans oublier la fameuse charge mentale "que le parent au foyer se prend à 100%" : "Gérer les repas, les lessives, les sorties d’école… ça ne m’a pas laissé le temps que je pensais que j’aurais pour être avec mes enfants". Il se souvient du jour où sa compagne a eu une promotion : "Sa cheffe l’a félicitée et lui a dit que cette réussite, elle la devait à ses efforts, mais aussi à moi qui l’ai déchargée de pas mal de tâches et lui ai permis de s’investir à 200% et de ne pas rater de réunions, etc. Ça lui a fait un déclic".

Vidéo. Père au foyer, et alors ?

Père au foyer sur le CV

Les clichés ayant la vie dure, il se souvient d’une drôle de remarque que lui a fait un parent lors d'une sortie d’école : "On m’a déjà demandé si j’étais veuf". Il faut croire que même lorsqu’un homme décide de prendre en charge toute la logistique domestique, cela ne suffit pas : "On m’a aussi dit que je ne pouvais pas comprendre la charge mentale d’une femme parce que je suis un homme. Pourtant, je vis la même chose qu’elle parce que c’est moi qui me prend cette charge mentale dans son intégralité comme tous les parents au foyer". Un travail du quotidien presque invisible aux yeux de la société, mais aussi du conjoint "qui rentre et qui voit tout sens dessus dessous alors qu’on a rangé toute la journée, qu’on a fait les lessives, les repas… il ne voit pas qu’il y a une logistique". Un véritable "boulot à plein temps" qu’il met sur son CV au moment de retourner sur le marché de l’emploi qui se fait non sans mal. Et pour cause : "La première année, j'étais absent un jour sur cinq parce que quand ce n'est pas un enfant qui est malade, c’est l’autre… Moralement et physiquement, ça a pu être dur parce que le rôle de parent ne s’arrête jamais". Pour autant, il ne regrette pas d’avoir pris ce temps pour être père au foyer. Ce qui ne l’a pas empêché de faire une belle carrière par la suite : "Tout le monde en est capable, il n’y a pas de frein. Tout parent est capable d’être en congé et de s’occuper de son enfant quel que soit son sexe". Avant de déplorer : "Je vois les hommes impliqués quand la maman est enceinte, sans réfléchir à l’après. Le bébé arrive et la maman prend toute la place, le père a du mal à s’imposer et ça crée un décalage jusqu’à ce que l’enfant soit un peu plus grand. Ce qui peut lui donner la sensation d’être passé à côté de ses débuts et à la femme de se sentir seule dans ces moments".

Comment reconnaitre le travail domestique ?

Engagé au sein de l’association Parents & féministes, il regrette que "les parents au foyer n’aient pas de statut par rapport au conjoint". "Dans des couples, j’ai vu le conjoint qui travaille verser une sorte de salaire ou de compensation financière à l’autre. L’idéal serait une sorte de reconnaissance du parent au foyer, notamment avec un allongement du congé paternité ou une meilleure rémunération du congé parental, estime-t-il. Sur le long terme, il serait judicieux d’instaurer une sorte de cotisation sociale payée par le conjoint à celui qui reste à la maison, qui prend la charge mentale en plus d’avoir mis un frein à sa carrière, pour lui garantir une reconnaissance financière même si elle n'est que symbolique pour la retraite". Avocat en Droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine, Maître Myriam Abric-Faucher rappelle que "pour l’heure" les parents n’ont droit qu’à "une prestation compensatoire de la part de l’autre parent en cas de divorce. Celle-ci vient compenser la période perdue en cotisations sociales et en carrière par une somme qui est fixée par le juge, versée sous forme de capital ou de pension". Si l’idée d’une compensation évoquée par Sebastien Michel est "souhaitable" selon elle, celle-ci est loin d’être acceptée dans les moeurs : "Ça ne passe pas d’être payé pour rester à la maison, même si la personne s’occupe de tout". Quant à la possibilité de prendre les devants en instaurant un contrat entre les deux parents, quand l'un souhaite s'occuper de la vie du ménage et de l'éducation des enfants : "Ça n’existe pas. Il n’y a pas de clause entre époux qui soit valable. Seules les clauses confirmées par une convention au divorce ou un juge ne sont pas nulles. Pour le moment, ça n’a aucun sens de dire : ‘On a des enfants, je te donne un capital’. Ce sera alors une donation qui est assujettie aux taxes fiscales des donations entre époux. Sans divorce tout n’a qu’une valeur relative".

60 000 euros en compensation des tâches domestiques

Selon une étude menée par Prontopro, un portail de mise en relation avec des professionnels de services à la personne, un parent au foyer en charge des activités "à la maison comme à l’extérieur" devrait être payé 6391,37 euros nets par mois soit l’équivalent de cinq Smic. Pour obtenir ce résultat, le site a listé les tâches effectuées par un parent au foyer qui sont des métiers rémunérés à l’heure, à la journée ou au mois, comme professeur particulier, chauffeur privé ou encore animateur et aide ménagère, entre autres. En France, aucune loi ne prévoit donc de rémunérer ce travail domestique bien que des associations féministes luttent depuis les années 70 pour y remédier. Si l’Organisation Internationale du travail a défini en 2011 le travail domestique comme "un travail effectué dans un ménage ou pour le ménage" dans une convention, la France ne l'a jamais ratifié contrairement au Mexique ou à la Suède. Ainsi, en mars 2021, un Portugais a été condamné par la plus haute instance juridique du pays à verser à son ex-conjointe plus de 60 000 euros en compensation des tâches domestiques et de l'éducation des enfants. Un travail que la femme a pris en charge toute seule, durant leurs 30 ans de vie commune. De quoi donner des idées...

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