Fausse-couche : "On n’est pas malade, on perd un bébé"
Comment est accompagnée une femme qui fait une fausse-couche en France ? Dans son livre "Deux corbeaux et une cigogne", Diane Léonor revient sur ses deux premières grossesses qu’elle n’a pu mener à terme... Elle y raconte son parcours du combattant avec les équipes médicales.
Une Française sur quatre a déjà fait une fausse couche. Au total, c’est près de 200 000 grossesses qui ne sont pas menées à terme chaque année. Si elles surviennent la plupart du temps au cours des premières semaines, elles n’en sont pas moins des drames pour les familles qui doivent faire le deuil d’un bébé. Pourtant, la France semble encore bien en retard sur le suivi des femmes qui doivent affronter la perte de cet enfant. Dans son livre Deux corbeaux et une cigogne (aux éditions Michalon), Diane Léonor se souvient de ses deux premières grossesses qu’elle n’a pas pu mener à terme. Des moments terribles au cours desquels elle s’est retrouvée aux urgences à côté de femmes prêtes à accoucher : "J'étais assise à côté d'une femme en plein travail, qui allait donner vie à son enfant, alors que j'étais en train de perdre le mien : les deux extrêmes. J'aurais apprécié qu'il y ait des accueils séparés". Selon l’auteure, le "côté psychologique" n’est pas assez pris en compte par les soignants.
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"C’est une épreuve qu’il faut accompagner avant, pendant et après". Christine Krautter ancienne sage-femme et vice-présidente de l’association Agapa qui accompagne les femmes après une fausse-couche, souligne que la prise en charge d’une patiente "dépend du médecin ou du gynécologue qui la suit". "Si certains sont très à l’écoute, d’autres vont dire : ‘Vous en aurez d’autres’", remarque-t-elle. Selon la conseillère conjugale et familiale, le personnel soignant "manque de formation à l’accompagnement de la mort, de l’interruption de la vie". Pour palier à cette absence d’information, l’association où elle est accompagnante "va dans les maternités pour évoquer ces deuils avec l’équipe médicale. Souvent, les soignants sont surpris et nous disent : Je n’avais pas réalisé. C’est important d’entendre ça’".
Un congé payé pour les couples après une fausse-couche ?
Après avoir appris au cours d’une échographie que sa grossesse n’irait pas au bout, Diane Leonor se voit proposer deux solutions. La première est "un traitement abortif" qui provoque de fortes contactions douloureuses. La seconde, "un curetage", une opération qui ôte les fragments de tissu embryonnaire restés accrochés à la paroi utérine et/ou le contenu du l'utérus. Des interventions évoquées par les équipes médicales pour qui la fausse-couche est "presque un acte banal", mais qui n’en est pas moins difficile, voire violent, à vivre pour celle qui doit faire un choix. Sa sage-femme lui conseille alors la méthode naturelle qui permet au corps de se séparer de l’embryon sans aucune aide. Si les saignements peuvent survenir à tout moment sans prévenir, Diane Leonor peut vivre sa fausse-couche et l’appréhender. "Le temps qu'il y a eu entre l'annonce de ma fausse couche et quand je l'ai faite, m'a permis de me préparer psychologiquement à ce que j'allais vivre. Ma sage-femme m'a bien expliqué ce qui allait se passer ainsi que les cas d'urgence. Et j'avais confiance en mon corps", raconte-t-elle.
Si la première fois, c’est en vacances avec son compagnon qu’elle a vécu ce moment, la seconde fois, c’est au travail. En France, un arrêt maladie peut être prescrit à une femme après une fausse-couche. "Un arrêt maladie, mais on n’est pas malade. On perd un bébé. On est en deuil et on a besoin au contraire d'être entouré et soutenu", rappelle Diane Léonor. Ainsi, la mère de famille et Christine Krautter félicitent le Parlement néo-zélandais qui a adopté, le mercredi 24 mars 2021, un congé payé de trois jours en cas de fausse-couche ou après la naissance d’un bébé mort-né aussi bien pour la femme que son conjoint. "Le deuil qui accompagne une fausse couche n’est pas une maladie, c’est une perte, et il faut du temps pour se remettre physiquement et mentalement d’une telle perte", a plaidé Ginny Andersen, la députée travailliste, devant le Parlement.
"Fausse-couche", un terme inapproprié ?
"Trois jours, c’est déjà important pour accueillir cet événement, pour se reposer et prendre soin de soi", souligne l’ancienne sage-femme. Ainsi, elle déplore le terme de "fausse-couche" qui est "d’une certaine manière inapproprié". "Il minimise l’événement. C’est comme si ce n’était pas vrai alors que la femme voit vraiment du sang, elle était vraiment enceinte, elle avait vraiment ce projet de famille. C’est un vrai deuil", rappelle-t-elle. Après ses deux grossesses qu’elle n’a pu mener à terme, la mère de famille invite les femmes à être accompagnées d’une sage-femme "avant, pendant et après sa fausse couche, de manière à pouvoir se projeter plus facilement dans la grossesse d'après".. La présence d’une accompagnante lui a permis de sentir "écouté" et l’a aidée à "prendre les bonnes décisions", les "plus adaptées" qui lui ont permis de "vivre les choses de la manière la moins traumatisante". Celle-ci lui a été d’autant plus précieuse lorsqu’elle attendait son fils : "Même si ma fille était née en bonne santé, au cours de ma quatrième grossesse, celle pour mon fils, j'ai à nouveau eu peur que cela recommence et j'ai ressenti le besoin d'être accompagnée".
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Depuis, Diane Leonor a lancé le podcast Gloria Mama dans lequel elle aborde le désir d’enfant, la maternité, mais aussi le deuil périnatal, l’interruption médicale de grossesse, sans oublier la PMA et la GPA, l’accouchement et le rôle du conjoint dans toutes ces étapes de la vie à travers des témoignages et avis d’expert. De son côté, Christine Krautter et l’association AGAPA propose aux couples devant surmonter un deuil périnatal de se rencontrer en visioconférence (en raisons des règles sanitaires) pour "échanger sur leur expérience et se soutenir". "Cela leur permet de ne pas se sentir seuls, notamment pour ceux qui n’ont rien autour d’eux. C’est un soutien énorme qui leur permet d’être entendus, compris et consolés".
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