Peut-on encore s'insulter sans être raciste, sexiste ou homophobe ?
On a beau essayer de faire son maximum pour rester poli·e, il est parfois facile de tomber dans la vulgarité, et d'insulter une personne avec laquelle on est en train de se disputer. Mais est-il possible d'insulter son interlocuteur sans pour autant tomber dans le racisme, le sexisme, l'homophobie, ou toutes les autres formes d'oppressions systémiques ? La réponse est oui, à condition de bien choisir ses insultes.
Avez-vous déjà réfléchi aux insultes que vous utilisez au quotidien ? Ces dernières ont tendance à sortir de façon très naturelle. Certaines personnes les utilisent même comme une forme de ponctuation. Après tout, qui n'a jamais prononcé "putain" pour réagir, aussi bien en cas de joie que de tristesse, de surprise que de déception ? Pourtant, lorsque l'on se penche sur l'étymologie de certaines insultes, ou sur leur origine, on constate vite que la plupart des mots vulgaires de notre vocabulaire permettent de banaliser de nombreuses formes d'oppressions systémiques.
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Les insultes attaquent tout le monde, sauf les hommes blancs, cis, hétéros et valides
Dans son livre Injuriez-vous ! aux éditions La Découverte, la philosophe et sociologue Julienne Flory décortique de nombreuses insultes pour permettre aux lecteurs d'en retrouver l'origine. Et elle permet de mettre le doigt sur un fait : la plupart des insultes utilisées couramment par les Français sont homophobes (pédé, tafiole, tapette, enculé, goui,e, travelo...), racistes (bougnoule, nègre...), validistes (autiste, triso, mongole, débile...), psychophobes (taré, fou/folle, bipolaire, psychopathe...), contre les travailleurs et travailleuses du sexe (putain, pute, fils de pute...), et bien souvent sexistes et misogynes (salope, con, conne, connasse, hystérique...).
En résumé, elles touchent de nombreuses catégories de personnes, à une exception près : les hommes blancs, cis, hétéros et valides. D'aucun prétendront que dans la bouche des féministes, "homme blanc cis het" est devenu une insulte. D'autres avanceront qu'ils ont déjà été traité de "babtou", mais ces cas de figure restent extrêmement rares, et ne possèdent pas de caractère systémique, ne sont pas liés à une forme d'oppression dans notre société patriarcale. D'autant que pour insulter les hommes, on a tendance soit à insulter sa famille (en le traitant par exemple de fils de pute), ou de s'en prendre à la masculinité et à sa virilité en laissant entendre qu'il pourrait être homosexuel. Or, il n'y a rien de mal à être gay, ni à être travailleur ou travailleuse du sexe.
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La signification derrière vos insultes préférées
Certains vont probablement tiquer à la lecture de cet article, curieux de savoir en quoi certaines insultes renforcent les oppressions. De nombreuses personnes réfutent notamment le fait que le terme "enculé" serait homophobe, puisque les hétérosexuels pratiquent également la sodomie. Toutefois, comme le précise Julienne Flory, le fait de se faire pénétrer est souvent vu comme le fait de "renier" sa virilité : "L’homme homosexuel sera toujours considéré comme sexuellement passif et donc assimilé aux femmes."
Derrière con, conne, et toutes les déclinaisons du genre. Étymologiquement, "con" est un substantif trivial qui désigne à l'origine la vulve humaine et qui possède donc un forme de sexisme. Il en va de même pour "salope", insulte la plus utilisée à l'encontre des femmes selon un rapport du Haut conseil à l'égalité, et qui fait référence à la à la huppe, un oiseau malodorant qui fait fuir ses prédateurs en s’enduisant de ses propres excréments, et qui permet d'exprimer le mépris que certaines personnes peuvent ressentir envers le genre féminin dans son ensemble.
S'insulter de manière non-oppressive, c'est possible ?
Si la plupart des insultes ont un caractère oppressif, doit-on pour autant purement et simplement renoncer à la vulgarité et arrêter de s'insulter ? Dans un monde idéal, la réponse serait peut-être oui. Mais si vraiment, vous avez l'insulte qui vous démange, sachez qu'il existe ce que l'on appelle des insultes "inclusives", ou "non-oppressives". Le compte Instagram C'est quoi cette insulte, qui recense les insultes et leurs origines pour déterminer si ces dernières sont oppressives ou non, explique notamment que tout le vocabulaire scatologique est généralement non seulement inclusif, mais en plus inépuisable, ou presque : trou du cul, sac à merde, balais à chiottes, ou même enfoiré, qui signifie "être souillé d'excréments". Imagé, non ?
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