Incontinence anale, saignements, IST... : la sodomie est-elle vraiment une pratique sexuelle plus dangereuse que les autres ?
C’est sans doute l’une des pratiques sexuelles qui suscite le plus de discussions. Connotée, critiquée, ou passée sous silence, la sodomie cristallise bien des avis. Il y a quelques semaines, en août 2022, deux chirurgiennes britanniques ont tiré la sonnette d'alarme, alertant sur les problèmes médicaux rencontrés par les femmes pratiquant des rapport anaux. Doit-on avoir peur ? Pour Yahoo, Laurent Abramowitz, proctologue et gastroentérologue à Paris, est revenu sur les idées reçues qui entourent le sujet. Une bonne dose de rappel.
D’après une vaste enquête menée par Statista Research Department, en 1970, seule une Française sur dix déclarait avoir déjà pratiqué la sodomie, contre 50% d’entre elles en 2021. En 2019, un sondage de l’IFOP pour Elle mettait pourtant en évidence le caractère minoritaire de la sodomie dans les pratiques sexuelles des Français : moins de 7% des femmes disaient la pratiquer "souvent", quand une femme sur cinq la pratiquait "occasionnellement". Souvent rangée dans le coin des pratiques sexuelles taboues, la sodomie fait l’objet de nombreuses idées reçues et clichés. Et ça commence souvent dès les premiers émois, avec la fameuse histoire de la connaissance d’une connaissance qui a déjà pratiqué la sodomie et qui s’est retrouvée dans une situation ubuesque. Le problème, comme pour tout sujet tabou, c’est que la méconnaissance et les clichés peuvent mener à des situations plus graves.
En août 2022, dans un rapport du British Medical Journal, deux chirurgiennes britanniques ont alerté sur les problèmes de santé provoqués par les rapports anaux sur les femmes. Pour Tabitha Gana et Lesley Hunt, le manque d'informations et de prévention autour du sexe anal mène "les femmes à des diagnostics manqués, à des traitements futiles et à d'autres préjudices résultant de l'absence de conseils médicaux"
Alors si vous aussi vous n’avez jamais vraiment su faire le tri entre le vrai et le faux, Laurent Abramowitz, proctologue et gastroentérologue à Paris, répond à toutes les questions.
"Non, il n’y a pas de risque d’incontinence anale après une sodomie"
La pénétration anale est, depuis toujours, entourée d’idées péjoratives, telles que la douleur, la violence, voire l’incontinence. À ce sujet, Laurent Abramowitz rassure, "non, il n’y a pas de risque d’incontinence anale après une sodomie", avant de nuancer : "Dès l’instant qu’il s’agit d’une sodomie consentie, en prenant le temps de se caresser avant, et en mettant du gel." Comme beaucoup d’autres pratiques sexuelles, la sodomie nécessite donc un tant soit peu de préparation. Et pour étayer ses propos, Laurent Abramowitz s’appuie sur une étude menée par Santé publique France, au cours de laquelle 21.000 hommes ayant des rapports anaux ont été interrogés. "Dans la catégorie rapport anaux de temps en temps, il y avait un taux d’incontinence anale qui était équivalent à la population générale."
Cette étude a mis en lumière un autre constat : il y a plus de risques d’incontinence anale chez les hommes s’adonnant au chemsex (une pratique sexuelle qui consiste à prendre des drogues de synthèse ou des produits psycho-actifs lors des rapports), et au fist-fucking (pratique qui consiste à introduire le bras d'un des partenaires sexuels dans un orifice, soit le vagin, soit l'anus). "Je pense que l’on peut extrapoler cette donnée chez les garçons aux femmes" avance Laurent Abramowitz.
Saignements, fissurations et déchirures : la grande crainte
Et puis il y a une autre crainte qui revient souvent lorsque l’on parle de sodomie, celle de la déchirure anale. Là encore, les mots ont un sens, comme nous l’explique le proctologue : "Lorsque l’on a un anus qui est un petit peu serré, qu’on est un petit peu tendu, qu’on a un peu peur, on peut avoir, lorsque le pénis va passer, une petite déchirure au niveau de la muqueuse anale. Ça s’appelle une fissure anale. La différence entre fissuration, déchirure, et fissure, c’est une question de profondeur. Fissuration c’est quelque chose de superficiel, c’est un peu plus profond." À ce compte-là, chacun vit les choses différemment, en fonction de son propre corps. Certain.e.s seront plus susceptibles d’avoir des "fissurations à répétition" : "Il y a des gens qui sont plus ou moins serrés au niveau de l’anus ou pas."
En cas de fissuration anale, vous pouvez souffrir pendant quelques jours, voire quelques semaines. Il arrive aussi, dans des cas rares selon Laurent Abramowitz, que cette fissuration se transforme en fissure, et s’infecte, devenant un abcès ou une fistule. Il faut alors une intervention chirurgicale.
Vidéo. Laurent Abramowitz : "Il ne faut pas négliger le risque de saignement anal après la sodomie"
L’important, c’est d’être à l’écoute de son corps. Avant, pendant et après la sodomie. Sur ce point, Laurent Abramowitz insiste : si vous observez des saignements anaux après l’acte sexuel, cela "doit motiver une consultation". "Ça peut être dû à la sodomie, mais aussi à plein d’autres choses. Comme une fissure qui serait chronique, des pathologies hémorroïdaires, voire des tumeurs de l’anus, du rectum ou du dessus." Il faut donc absolument consulter. Pour autant, un saignement après un rapport anal peut être dû à une petite fissuration, "une petite plaie qui peut saigner, notamment lorsque l’on va aux toilettes." Pour Laurent Abramowitz, le meilleur moyen pour qu’une sodomie se déroule dans les meilleures conditions, c’est bien d’être rassuré. "Parce que si on est angoissé, on se contracte, et quand le pénis passera, ça fera mal. Il faut prendre le temps de faire des caresses. En mettant le doigt, on va relâcher cette zone, et en utilisant du gel."
La sodomie augmente-t-elle vraiment les risques d’IST ?
Le dernier cliché à déconstruire tourne autour des infections sexuellement transmissibles. Puisque la sodomie est entourée de tabous, elle suscite des craintes populaires tenaces. Pourtant, le risque d’IST n’augmente pas lorsqu’il s’agit de cette pratique sexuelle. "Comme après n’importe quel rapport sexuel. C’est la multiplicité des rapports avec multiples partenaires qui augmente le risque d’IST" explique Laurent Abramowitz. Il existe néanmoins différentes IST auxquelles on peut être confronté, comme le papillomavirus.
Si le nom fait peur, il ne faut pas oublier qu’il peut s’agir de 200 génotypes différents, qui peuvent se transmettre de différentes façons. "Pratiquement tout le monde est infecté à un moment de sa vie par ce virus. Simplement, quelques fois ce virus peut provoquer des condylomes, des dysplasies de bas grade et haut grade, et parfois le cancer. Mais très rarement. On est tous infectés par ce virus, on va l’éliminer ou pas, et il y a 1000 nouveaux cancers de l’anus par an en France" précise le proctologue.
Et puis il y a "les infections bactériennes habituelles", comme la chlamydia, l'une des infections sexuellement transmissibles les plus fréquentes, qui, dans la majorité des cas, ne provoque aucun symptôme, le gonocoque, une infection des organes génitaux, ou la syphilis, une infection bactérienne. Mais que l’on ne s’y trompe pas : la sodomie n’augmente pas vos risques d’attraper une IST, pas plus que tout autre acte sexuel. "Si on multiplie les partenaires, on multiplie les risques d’avoir ces infections. Mais il n’y a pas de différences entre l’anus, le vagin ou la bouche" martèle Laurent Abramowitz.
Pour conclure, et comme vous l’aurez compris, la sodomie consentie, bien qu’elle soit encore rangée dans le rayon tabou des pratiques sexuelles, ne vous met pas plus (ou moins) en danger que les autres actes sexuels. L’important, comme toujours, c’est d’être dans les meilleures dispositions et de se protéger.
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