Le témoignage remuant de Valentine, 28 ans, violée à plusieurs reprises :"Il attendait que je m’endorme pour me pénétrer"

Valentine a été violée la première fois à l’âge de 16 ans, au cours d'une soirée. La jeune femme a ensuite été victime de viols conjugaux. Elle revient sur ses traumatismes et son chemin pour enfin découvrir le "sexe sans violence".

Le premier rapport sexuel est souvent considéré comme le plus marquant. Celui de Valentine a constitué un cataclysme dans sa vie sexuelle. C'était au cours d’une soirée "avec des amis et des amis d’amis". "Il m’a emmenée dans une chambre. J’ai essayé de partir, il m’a retenue. Il m’a giflée, il m’a frappée… Quand j’ai compris que je n’y couperais pas, j’ai un peu laissé faire le truc.". Valentine n'a que 16 ans lorsqu'elle est victime de son premier viol.

La honte d’en parler

"Toute mon adolescence, j’ai entendu ma mère qui, dès que je portais une jupe ou un vêtement qui ne lui convenait pas, me disait : "Tu vas sortir comme ça ? Il va t’arriver des bricoles et il ne faudra pas te plaindre.". Biberonnée aux remarques de sa mère sur ses tenues ou ses attitudes, Valentine a eu peur d’en parler à sa famille et à ses proches.

Comme de nombreuses victimes de viols, Valentine a ressenti de la honte et une forme de culpabilité. Les chiffres d’une enquête Ipsos de 2019 révèlent que 42% des Français.es estiment que si la victime a eu une attitude provocante en public, cela atténue la responsabilité du violeur. Un chiffre en augmentation de 2% par rapport à 2015. Des données inquiétantes attestant de l’empreinte considérable de la culture du viol dans notre société.

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"Je disais oui à tous les mecs"

Pour tenter d'oublier ce traumatisme, Valentine a préféré se taire et porter ce lourd bagage seule."Je me suis dit que le meilleur moyen de faire comme si de rien n’était, c’était aussi de me convaincre moi-même qu’il ne s’était rien passé.". Lorsqu’elle rencontre un garçon et qu’elle consent à un rapport sexuel avec lui, la jeune fille ne lui parle pas de son viol. "Pour lui, le stress qu’il voyait, c’était vraiment le stress de la première fois. Il a été super clean. Dans ma tête, ça, c’était la première fois qui collait beaucoup plus avec les standards des premières fois qu’on nous montre quand on est plus jeune" confie-t-elle.

Valentine se construit alors un "bouclier". En arrivant en prépa, elle est hantée par cette soirée au cours de laquelle elle a été violée. "Je me suis dit : "On va aller au plus simple pour ne pas que ça se reproduise, au lieu de dire non, je vais dire oui à tous les mecs qui me faisaient comprendre qu’ils avaient envie de moi"". De cette période destructrice, Valentine confie avoir très peu de souvenirs. L’alcool qu'elle ingurgitait à en perdre la raison lui permettait alors de mieux vivre "ce chaos total".

"Il attendait que je m’endorme pour me pénétrer"

À la fin de son année de prépa, Valentine rencontre un homme, qui deviendra par la suite son petit ami. C’est la première personne à qui elle confiera son viol. Ce compagnon compréhensif se révèle progressivement sous un nouveau jour. Il se sert de ses blessures pour abuser d’elle, moralement et physiquement. "J’étais incapable de le quitter. J’étais tellement bousillée que je me disais : "Il y a quelqu’un qui s’intéresse à moi, qui veut bien être avec moi, incroyable !"". En plus du harcèlement moral, Valentine sera victime de viols conjugaux. "Il attendait que je m’endorme pour me pénétrer. Par la suite, je faisais semblant de dormir et dès qu’il m’approchait, je le repoussais en lui donnant des coups de coude.Il continuait malgré les coups".

Le viol conjugal reste un grand tabou dans notre société. Le sondage Ipsos évoqué plus avant indique que 21% des Français estiment que forcer sa conjointe à avoir un rapport sexuel alors qu’elle le refuse n’est pas un viol. Dans son livre "Pas envie ce soir", publié en juin 2020, le sociologue Jean-Claude Kaufmann tente de démystifier ce qu’il appelle la "zone grise", qui correspond à"des situations où l’on se pose la question de savoir s’il y a eu consentement ou si c’est une agression sexuelle". Un phénomène qui illustre le silence autour du viol domestique et qui explique pourquoi ces viols au sein-même du lit conjugal sont encore moins entends que les autres. Selon une enquête IFOP, 31% des viols se déroulent dans le cadre conjugal. "Et ce chiffre est sans doute sous-évalué" ajoute Jean-Claude Kaufmann.

Vidéo. Le sociologue Jean-Claude Kaufmann évoque le tabou autour du viol conjugal

"Je pesais 43 kgs pour 1m73"

C’est un voyage à l’étranger qui permet à Valentine de se défaire des griffes de son bourreau. Un départ qui ne lui permet pas de se libérer de ses propres démons. Sa descente aux enfers continue. Elle tombe dans une forme d’anorexie sévère : "Je ne voulais tellement plus que les hommes aient un pied dans ma vie que je ne voulais même pas que leurs regards se posent sur moi. J’ai arrêté de manger. Je suis descendue jusqu’à 43Kgs alors que je fais 1m73".

Valentine reste 9 mois en clinique psychiatrique. Aujourd’hui, "ça va beaucoup mieux" reprend-t-elle. Accompagnée d’un partenaire bienveillant, la jeune femme de 28 ans parvient à verbaliser ses limites dans le sexe. Pendant plus de 10 ans, elle s’est terrée dans un mutisme destructeur dans le but de se protéger. Si elle est consciente qu’elle a encore des choses à apprendre, Valentine découvre enfin le sexe sans violence.

Le dernier rapport du ministère de l'Intérieur sur les violences sexuelles dresse un constat glaçant : le nombre de viols constatés en France a augmenté d'un tiers en deux ans, passant de 18 800 faits en 2018 à 24 800 aujourd'hui. Soit une moyenne de plus de 67 viols chaque jour dans le pays. Cela représente presque trois viols toutes les heures.

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