"Je vais mourir comme une chose insignifiante" : le témoignage glaçant de Delphine Leclerc, victime de violences obstétricales
"Comment on va recoudre ça ?" est le titre du livre de Delphine Leclerc, une maman de deux enfants et victime de violences gynécologiques et obstétricales. Dans ce témoignage glaçant à paraître aux éditions Flammarion, Delphine Leclerc retrace toute la violence physique et psychologique endurée à la suite de son second accouchement.
"Comment on va recoudre ça ?" déplore la sage-femme qui vient d'accoucher Delphine Leclerc. Le 16 juin 2019, la jeune femme est à la maternité d'un hôpital public parisien pour donner naissance à son deuxième enfant, une petite fille. Après de longues heures de travail en salle de maternité, la maman est prise en charge par l’équipe de nuit. C’est à ce moment-là que sa vie bascule. La Parisienne avait rédigé un plan de naissance en demandant explicitement au personnel soignant d’accoucher par voie basse et de n’être soumise à aucune épisiotomie, une incision du périnée pour faciliter la sortie du bébé.
Vidéo. "Je me retrouve avec les fesses dans le vide"
En France, en 2016, un tiers des femmes qui ont accouché de leur premier enfant ont subi une incision du périnée. Selon une enquête des Décodeurs du Monde, le nombre d’épisiotomies réalisées dans l'Hexagone diffère de région en région. L’île-de-France fait partie des régions où l’on pratique le plus l’incision du périnée. Face au recours accru de cette intervention chirurgicale dans les maternités, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande que l’épisiotomie ne soit pas réalisée comme pratique de routine au cours de l’accouchement.
"Je vais crever comme une chose insignifiante"
Malgré la formulation claire de sa volonté de ne pas subir une épisiotomie, préférant une déchirure, le souhait de Delphine Leclerc a été purement et simplement bafoué. "Mon mari a vu l’infirmière faire le geste du ciseau à la sage-femme pendant mon accouchement.".
Après avoir accouché, la maman ne se doute de rien et, anesthésiée de joie, annonce à son mari : "J’ai réussi à accoucher par voie basse." C’est la phrase "Comment on va recoudre ça ?" prononcée par une sage-femme totalement affolée qui sera le coup de massue.
Delphine Leclerc restera ensuite trois heures en salle de naissance. Durant ces trois heures, la jeune maman sera recousue à vif pendant 1h30 par un interne de l’hôpital. "Je suis capable de reconnaître l'aiguille... C'est pour dire le niveau de douleur que j'ai ressenti". Une douleur physique qu'elle pense même funeste : "Je vais mourir. Je vais crever comme une chose insignifiante" songe alors Delphine Leclerc.
Le calvaire de la maman continuera jusqu’à son retour à la maison. Et c’est la sage-femme libérale qui s’occupe d’elle qui lui annoncera l'ampleur des dégâts : "Elle regarde l’épisiotomie. Elle referme mes jambes et elle me dit : "C’est un carnage." Quarante-huit heures après avoir été recousue, Delphine Leclerc ressent d’atroces douleurs liées à la désunion des points de sa cicatrice. Elle se retrouve avec "un trou béant" au niveau du périnée.
Vidéo. "Si j'avais été un homme, on m'aurait enlevé un testicule"
"Je t’ai recousue bien serrée. Ton mari devrait apprécier"
Sur les conseils de la sage-femme libérale qui la suit, Delphine Leclerc se décide à consulter un chirurgien-gynécologue pour subir une périnéoplastie, une reconstruction de son périnée. Six mois après son accouchement, la patiente mutilée s’arme de courage pour retourner en salle d’opération et subir cette reconstruction. L’opération se déroule normalement. Même si elle trouve la nonchalance et les attitudes du chirurgien déplacées, Delphine Leclerc est à mille lieues de se douter qu'elle sera une nouvelle fois foudroyée par la violence du secteur médical. Lors du troisième rendez-vous post-opératoire, le praticien lui révèle qu’il l’a "recousue bien serrée". Delphine Leclerc comprend qu'elle a subi ce que l’on appelle "le point du mari". Un geste barbare et archaïque consistant à recoudre une épisiotomie par quelques points de suture supplémentaires, des points supposés accroître le plaisir de l'homme lors des rapports sexuels. Une technique aux résultats totalement infondés car la sexualité d’un couple ne peut se limiter à la taille de l’entrée dans le vagin. "Si j’avais été un homme, on m’aurait enlevé un testicule" s’hasarde à comparer Delphine Leclerc pour expliquer la barbarie de l’intervention auxquelles sont soumises certaines femmes.
Dénoncer des violences devenues trop courantes
Si l’AP-HP a reconnu les violences dont a été victime Delphine Leclerc (et a versé une compensation financière), la maman n’a pas pu aller jusqu’au bout des démarches judiciaires à l’encontre du gynécologue, faute de documents attestant toute les interventions réalisées sur la patiente.
A travers ce récit, Delphine Leclerc souhaite mettre en lumière les violences gynécologiques et obstétricales dont sont souvent confrontées de nombreuses femmes, si l'on s'en réfère aux témoignages toujours plus importants sur le sujet. Par le biais de ce livre, elle espère donner les clés aux patientes et futures maman de distinguer et dénoncer ces injustices.
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