Agathe Lecaron : "J'ai fait une fausse couche au bout d'un mois"

À la tête de La maison des Maternelles sur France 2, Agathe Lecaron contribue à faire tomber les tabous autour de la maternité, comme elle le fait chaque jour dans son émission. L'émission se décline en magazine, en kiosque depuis le 31 mars. Côté vie privée, l’animatrice de 48 ans est maman de deux enfants. Aujourd’hui pour Yahoo, Agathe Lecaron est revenue sur son rôle de présentatrice télé, mais aussi sur sa fausse couche et le douloureux post-partum qui a suivi la naissance de l’un de ses enfants.

À 48 ans, Agathe Lecaron est une femme comblée. Aux commandes de l’émission de France 4, Les Maternelles, depuis 6 ans maintenant, elle est mariée à François Pellissier, directeur général de TF1 Production, depuis 2014. Ensemble, ils ont eu deux fils : Gaspard, né en 2014, et Félix, né deux ans plus tard. La maternité, Agathe Lecaron l’a vécue pour la première fois alors qu’elle avait 40 ans. Un enfant sur le tard comme diraient certains. Mais pour la présentatrice, ce choix n’est pas dû "au hasard".

Vidéo. "Si on rendait obligatoire le congé paternité dans les entreprises, les femmes n’auraient plus peur de tomber enceintes"

"Il faut occuper le terrain parce que sinon on vous oublie vite"

Les injonctions qui pèsent sur les épaules des femmes lorsqu’il s’agit de parler maternité, Agathe Lecaron dit ne pas les avoir vraiment ressenties. Si elle estime que faire un enfant tard "est de plus en plus dans les moeurs" de nos sociétés, l’animatrice a évoqué pour Yahoo une autre réalité : "Les femmes travaillent, elles ont peur de perdre leur emploi." Elle-même a ressenti cette crainte d’être mise de côté le temps de son congé maternité. D’autant qu’elle exerce un métier d’image "un peu particulier". C’est précisément pour cette raison qu’elle est devenue maman à 40 ans. "Il faut occuper le terrain parce que sinon on vous oublie vite. Pendant très longtemps je me suis dit ‘Je ne peux pas partir, même 3 mois. Sinon, ils vont mettre quelqu’un d’autre à ma place, je n’aurais plus de travail, comment je vais faire ?’"

Comme beaucoup d’autres femmes, qu’elles travaillent dans l’univers des médias ou pas, Agathe Lecaron a craint que l’envie de fonder une famille soit un frein à sa carrière professionnelle. Alors, avec du recul, elle estime aujourd’hui que les entreprises doivent prendre leur part de responsabilité dans cet enjeu. Pour que les femmes n’aient plus à culpabiliser à l’idée de devenir mère. Pour que la maternité ne représente plus un obstacle à la réussite professionnelle : "Si on rendait obligatoire le congé paternité dans les entreprises, les femmes n’auraient plus peur de tomber enceintes" estime-t-elle.

Maman de deux garçons, Agathe Lecaron, 48 ans, est consciente que son âge peut soulever certaines questions quant à sa légitimité dans son rôle de présentatrice d’une émission qui parle de maternité. Elle-même avoue se poser cette question : "J’ai 48 ans, est-ce que je représente les jeunes mères de France ? Mais vous savez quoi ? J’ai décidé que les autres allaient se poser la question pour moi. Parce que j’aime tellement présenter cette émission. Je ressors en me disant que j’ai appris quelque chose. Ça a fait de moi depuis six ans une femme plus engagée et, je pense, une meilleure mère." C'est dit.

"C’est très difficile de faire le deuil de ce qu’on a projeté"

En effet, dans Les Maternelles, Agathe Lecaron et ses équipes explorent chaque jour divers sujets sur la maternité. En recevant Marlène Schiappa, l’émission avait d’ailleurs contribué à briser un peu plus les tabous autour des fausses couches, qui a déjà concerné une femme sur dix dans le monde. "C’est quelque chose de très intime, en même temps très fréquent. Et on en parle pas des fausses couches qui se font à un ou deux mois de grossesse" regrette Agathe Lecaron, qui pointe du doigt les remarques parfois indélicates d’un entourage pas assez sensibilisé. Comme celles et ceux qui pensent que "le corps est prêt" après un tel traumatisme, et qu’il sera aisé de faire un deuxième bébé. Sans même prendre en compte la dimension psychologique.

Agathe Lecaron sait de quoi elle parle. "J’ai vécu une fausse couche au bout d’un mois" nous a-t-elle confié. Un drame qui se joue trop souvent dans le silence : "En un mois j’avais déjà eu le temps de me projeter, d’imaginer ce que serait notre vie à 4. Donc c’est très difficile de faire le deuil de ce qu’on a projeté. Il y a quand même une dimension physique, c’est très compliqué. Après on est fatiguée, on a une chute d’hormones comme quand on accouche."

Autant de sujets qui ne sont toujours pas assez abordés, et sur lesquels de nombreuses voix s’élèvent pour bouger les lignes. C’est par exemple le cas de la députée Paula Forteza qui a récemment fait une proposition de loi pour, entre autres, la mise en place d’un congé spécial de 3 jours après une fausse couche, comme c’est déjà le cas en Nouvelle-Zélande. Pour Agathe Lecaron, ce projet de loi "n’est même pas discutable" : "C’est évident qu’une femme qui vient de vivre un événement aussi traumatisant puisse avoir quelques jours pour se remettre."

Vidéo. "Je me suis dit : 'À qui est ce bébé ?'" ?

"Je ne m’attendais pas à ce bébé-là"

L’animatrice a aussi traversé une période difficile après la naissance de son fils. "Quand j’ai eu mon bébé, je l’ai regardé et je me suis dit ‘À qui est-ce bébé ?’ Je ne m’attendais tellement pas à ce bébé-là, il était loin du bébé fantasmé" confie-t-elle. Toujours dans un but de sensibiliser et déconstruire les idées reçues sur la maternité, Agathe Lecaron explique comment le lien avec son enfant a mis "plus de temps" qu’elle ne l’espérait à se construire. Car là encore, la sacralisation de la grossesse et de l’accouchement n’aide pas. "Non, le lien, l’instinct maternel n’est pas automatique, donc attention à ne pas trop fantasmer sa maternité" martèle Agathe Lecaron, qui a elle-même vécu "un post-partum compliqué". Et si elle n’en a pas parlé, c’est à cause des injonctions au bonheur qui pesaient sur ses épaules de femme qui devient maman à 40 ans : "Il y avait une espèce de poids de devoir vivre un moment de bonheur."

Face aux remarques de son entourage, qui ne cessait de lui rappeler sa "chance" de pouvoir devenir maman, Agathe Lecaron a croulé sous les "questions existentielles", pensant qu’elle n’avait "pas le droit" de se plaindre. L’image de la jeune maman comblée de bonheur est si persistante dans nos sociétés qu’elle impose aux femmes un silence ravageur et une fatigue émotionnelle douloureuse. Par peur de parler de ses maux, Agathe Lecaron a même développé une "hypervigilance" à l’égard de son bébé : "Je ne dormais plus, j’étais tout le temps à l’affût."

Finalement, l’animatrice a franchi le cap en consultant un professionnel, pour se sortir de cette spirale infernale. Pour elle, devenir maman "c’est une naissance mais aussi une renaissance" qui peut "parfois passer par des moments de tempête. On ne sera plus jamais la personne qu’on était avant. Donc c’est une aventure qui est merveilleuse et en même temps c’est important de dire : attention, anticipez certains trucs." Un message ô combien important.

Article : Sarah Mannaa

Interviews : Carmen Barba

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