Fausse couche : bientôt un congé spécial de 3 jours comme en Nouvelle-Zélande ?
D’après une étude publiée dans la revue médicale britannique The Lancet, 23 millions de fausses couches surviennent chaque année dans le monde. Soit 15% des grossesses. Des chiffres conséquents. Pourtant, le sujet reste tabou. En France, la députée Europe Ecologie-Les Verts Paula Forteza monte au créneau pour éduquer les consciences et plaider pour un congé spécial après une fausse couche.
Une femme sur dix dans le monde a vécu une fausse couche. C’est ce qu’a révélé une étude publiée le 27 mars 2022 dans les colonnes de The Lancet. Les chercheurs ont ainsi établi qu’il s’agit au total de 130 millions de grossesses dans le monde. Des chiffres qui donnent le tournis, mais qui mettent en lumière une expérience douloureuse qui se joue encore dans le silence pour des millions de personnes. C’est pourquoi la députée Europe Ecologie-Les Verts Paula Forteza veut créer un congé spécial de 3 jours pour affronter le deuil périnatal. Le 30 mars dernier, elle a ainsi déposé une proposition de loi pour une meilleure prise en charge de la fausse couche.
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Fausses couches : la loi française au ralenti ?
Que se passe-t-il après une fausse couche ? A-t-on le droit de ne pas se rendre à son travail ? Peut-on prendre des congés payés ? Si vous n’avez aucunes réponses à ces questions, cela n’a malheureusement rien d’étonnant. Lorsqu’elle a été victime d’une fausse couche il y a trois ans, Paula Forteza s’est elle aussi retrouvée face à une montagne de questions sans réponses. "Je n’avais pas conscience de ce qu’impliquait une perte de grossesse avant d’en vivre une, a-t-elle confié à Rue89. En tant que femme, j’ai réalisé que je n’étais pas armée pour traverser cette épreuve. Je me suis sentie seule, isolée, sans information concrète. J’ignorais non seulement la cause de cette fausse couche mais aussi ce qui allait se passer."
Pour ce qui est des congés après une fausse couche, la loi française dresse de nombreuses conditions. Si une interruption de grossesse survient avant le début de la 20e semaine de grossesse, la travailleuse a le droit de s’absenter jusqu’à 3 semaines… mais sans salaire. Cette absence peut être prolongée si un certificat médical peut le justifier. Néanmoins, la loi ne prévoit aucun congé pour le ou la partenaire. L’Assurance Maladie précise d’autres conditions : "Vous bénéficiez du congé maternité pour la durée du repos observé si l’enfant n’est pas né vivant ou s’il est décédé alors qu’il était né à partir de la 22e semaine d’aménorrhée ou que le poids de l’enfant à la naissance est d’au moins 500 grammes." Un arrêt maladie peut aussi être prescrit par le médecin selon les mêmes conditions. Dans son livre, "Deux corbeaux et une cigogne" qui parle de ses deux fausses couches, Diane Léonor soulève d'ailleurs un point important à ce sujet : "Un arrêt maladie, mais on n’est pas malade. On perd un bébé. On est en deuil et on a besoin au contraire d'être entourée et soutenue."
La France est en retard. En 2021, en Nouvelle-Zélande, le Parlement a approuvé une législation donnant droit aux femmes faisant une fausse couche ou ayant donné naissance à un enfant mort-né un congé spécial de trois jours. Il en va de même pour leur partenaire. Dans le pays, les employeurs sont déjà tenus de prévoir un congé de deuil en cas de fausse couche après 20 semaines, ou plus, de grossesse. Dans l’Ontario, au Canada, la loi prévoit 17 semaines de congé sans solde pour les femmes ayant subi une fausse couche à 17 semaines ou moins du terme. En Australie, elles peuvent le demander si la fausse couche survient à au moins 12 semaines de grossesse.
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Chez nous, Paula Forteza propose "l’instauration d’un congé spécial de trois jours pour la survenue d’une fausse couche", comme en Nouvelle-Zélande. Pour la députée écologiste, "c’est un moyen de reconnaître officiellement et symboliquement l’existence de ce moment, et du deuil qu’il induit. La fausse couche n’est pas une maladie, mais c’est un événement marquant qui nécessite du temps pour s’en remettre. Tant pour la femme que pour le conjoint." Par ailleurs, Paula Forteza voudrait que les sages-femmes soient aussi habilité.e.s à prescrire un arrêt de travail.
Un terme qui pose problème
Le projet de loi de Paula Forteza s’axe sur plusieurs angles. Consciente du tabou que représente encore la fausse couche dans nos sociétés, la députée plaide pour l’éducation et la sensibilisation "dès l’école" : "Il est totalement incompréhensible que cela ne soit pas évoqué lors des cours d’éducation sexuelle. C’est un sujet qui mérite d’être compris et appréhendé des femmes, mais aussi des hommes." Paula Forteza propose également de limiter l’exposition au stress en permettant le télétravail lors de la grossesse. D’après une étude menée en 2017 par le département de l'University of London, les antécédents d'exposition au stress psychologique peuvent augmenter le risque de fausse couche jusqu'à 42%.
La députée ne s’arrête pas là. Pour elle, il y a urgence à communiquer autour de cette thématique. C’est pourquoi elle souhaite "améliorer la connaissance de la fausse couche et des risques qui l’entourent en créant une campagne d'information publique sur le sujet." Un combat que partage le collectif "Fausse couche, vrai vécu", qui va plus loin. Dans une tribune publiée en mars dernier dans les colonnes du Monde, les signataires demandent de remplacer l’expression "Fausse couche" par "arrêt naturel de grossesse". Et ce, pour démonter les tabous et croyances insidieuses autour de l’interruption précoce de la gestation. Le collectif dénonce ainsi les termes culpabilisants de cette expression "problématique", qui peuvent laisser penser qu’il s’agit d’un "acte volontaire" lorsque l’on parle de "fausse" couche. À cause de la sacralisation de la grossesse, l'accouchement et la maternité, certaines femmes peuvent se retrouver enfermées dans le deuil périnatal, contraintes au silence pour ne pas être jugées.
Qu'il s'agisse d'une remise en question du terme, ou du projet de loi de Paula Forteza, ces prises de position tendent toutes à déconstruire les tabous autour d'un sujet qui continue de toucher des millions de personnes dans le monde chaque année. Et si une fausse couche relève de maux intimes, celles et ceux qui y sont confronté.e.s ne devraient pas souffrir dans le silence, face à l'inconnu, l'indicible et l'errance, physique et psychologique.
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