Alice Belaïdi victime de racisme depuis l'enfance : "J'allais me battre contre les skinheads de ma ville"
Alice Belaïdi a grandi à Avignon, avec son père, maçon d'origine algérienne, et sa mère, directrice d'un centre culturel. Elle est la cadette d'une famille de trois enfants. La cité des Papes est réputée pour son festival de théâtre, l'un des plus reconnus. Un terreau fertile pour s'épanouir, à première vue.
Vidéo. "J'allais me bastonner !" : Alice Belaïdi confrontée au racisme à l'adolescence
"Qu'est-ce que ça peut te f*utre que je sois d'origine maghrébine ?"
Mais, adolescente, Alice Belaïdi sent déjà que ses origines arabes la différencient des autres. Elle commence le théâtre à l'âge de 12 ans, mais doit vite affronter un premier refus. "L'école a été terrible pour moi. (...) Au lycée Frédéric Mistral il y avait une section théâtre super dans laquelle on ne m'a jamais acceptée car j'étais, je peux le dire franchement, dans une classe d'arabes ! Je me suis retrouvée dans un autre lycée qui m'a finalement envoyée faire un CAP esthétique maquillage...", s'est-elle souvenue lors d'un entretien pour Le Figaro, en 2014. Rien à voir avec le théâtre. Alice Belaïdi a quitté le système scolaire à 15 ans, mais l'affirme : "Je ne regrette absolument pas".
La jeune femme a eu énormément de mal à ne pas se laisser atteindre par les comportements et les remarques racistes qui lui sont adressés. Au micro de France Inter, en mai 2021, elle a avoué avoir déjà fait usage de la violence, plus jeune : "J'ai grandi dans un bastion Front National dans le Vaucluse. On avait de petites villes comme Le Pontet, Orange qui étaient déjà Front National. Très jeune, c'était déjà un combat ! J'allais me battre contre les skinheads de ma ville. (...) Je me suis souvent sentie aussi bête qu'eux. À l'époque, j'étais aussi violente, aussi radicale parce que parfois dans mon antiracisme, je leur ressemblais, j'allais les chercher pour aller me bastonner ! J'ai encore ce feu en moi où je me dis : 'Qu'est-ce que ça peut te f*utre que je sois d'origine maghrébine ?' Je n'arrive toujours pas à comprendre."
"On me demande tous les jours d'où je viens"
Pour autant, Alice Belaïdi a continué à cultiver sa passion pour le théâtre. Bien lui en a pris : en 2010, elle a reçu le Molière de la révélation théâtrale pour son interprétation de Jbara dans l'adaptation théâtrale du premier roman de Saphia Azzeddine, "Confidences à Allah".
Au cours de sa carrière, Alice Belaïdi va être à nouveau victime de racisme, à plusieurs reprises. "Ça m'est arrivé souvent, de petites choses parfois gentilles, mais... On m'accueille au théâtre avec des carottes au cumin "comme chez moi au Maroc", alors que mon père est algérien ! Pourquoi ça plutôt qu'un paquet de bonbons et une bouteille de coca comme d'habitude dans les loges ? On nous rappelle à nos origines en permanence. On me demande tous les jours d'où je viens... À chaque fois, je dois expliquer : 'Mon père est algérien, ma mère est gitane... Et non, ma mère n'a pas de manège dans les fêtes foraines...' Ça me saoule ! Ça ne signifie pas que les gens sont racistes mais il faudrait faire attention à ces petites phrases", explique la comédienne, toujours dans Le Figaro.
"Pierre Ménès m'a aussi traitée de 'Sal*pe'"
En 2021, lorsque Pierre Ménès est accusé de harcèlement et d'agressions sexuelles, après la sortie du documentaire de Marie Portolano, "Je ne suis pas une salope, je suis journaliste", Alice Belaïdi confie avoir été elle aussi victime de racisme et de sexisme de la part du consultant.
"Comme la plupart des filles, j'ai déjà été agressée par des hommes et je n'ai pas su me défendre parce que j'ai eu peur. Moi aussi j'ai été victime de propos comme 'Sale bougnoule', ou 'Sal*pe' de la part de Pierre Ménès. Donc je me dis qu'heureusement la parole est libérée pour nous les femmes et maintenant ces gens-là tombent parce que ça suffit. (...) Je lui ai répondu une vanne sortie du tac au tac. (...) Je me suis mise à son niveau et je lui ai demandé s'il ne traînait qu'avec des gens gros puisque moi j'étais arabe mais je ne traînais pas qu'avec des arabes. J'ai joué la grossophobie basique, je l'ai attaqué à son niveau et il a très mal pris que j'ai de la répartie et que je lui réponde", a-t-elle révélé sur le plateau d'Europe 1, en avril 2021. Et d'ajouter : "Il m'a aussi traitée de 'Sal*pe', je crois que c'était son mot, ça devait représenter pour lui le regard qu'il avait sur les femmes. C'est grave et c'est important d'en parler, et je trouve ça très courageux que toutes ces filles du métier prennent enfin le micro et la parole pour parler de tout ça, parce que c'était indispensable."
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