Camélia Jordana : "Quand j'étais petite, j'avais hyper honte de mon identité arabe"
Révélée en 2009 dans "Nouvelle Star", Camélia Jordana revient sur M6 ce mercredi 15 février dans l'émission spéciale "Nouvelle Star, 20 ans". À 21h10, la chaîne fête l'anniversaire du télé-crochet en réunissant les candidats emblématiques de l'émission. Découverte à 16 ans, la chanteuse a continué à se construire, à forger ses convictions et ses opinions sous les yeux des caméras. Mais si elle semble, à 30 ans, être pleine d'assurance, il n'en a pas toujours été ainsi.
Camélia Jordana est une femme racisée exposée. Ces trois facteurs-là suffisent pour déclencher la haine, la misogynie, le cyberharcèlement et les remarques désobligeantes. Tout au long de sa carrière, et davantage après la polémique créée malgré elle sur le plateau d'"On n'est pas couché" en mai 2020 (elle a assuré ne pas "se sentir en sécurité face à un flic en France" quand elle "a les cheveux frisés"), la chanteuse s'est heurtée à la violence.
Invitée dans le podcast "La Poudre", en octobre 2022, Camélia Jordana a affirmé recevoir "des menaces de mort, des insultes de manière virtuelle, des gens qui [la] suivent, des royalistes qui [l'] agressent dans la rue, des boycotts de certains médias..."
Néanmoins, la chanteuse à expliqué être "habituée" d'une certaine manière, à être scrutée et critiquée. "Je ne vais pas dire que ce n'était pas dur, que je n'ai pas pleuré... Mais ce qui était le plus dur pour moi ce n'était pas la violence de ces propos-là. Depuis que j'ai 16 ans, les gens parlent de la taille de mon corps, de mes fesses, de mon nez, de mes lunettes, mes fringues, mes cheveux... Ce à quoi n'importe quelle femme médiatisée a droit", a-t-elle expliqué.
Et de préciser : "Ce qui est important pour moi, c'est que la violence ne soit pas dirigée vers mon art, vers une chose que je trouve juste (...) Mais une critique sur moi en tant que femme, de gens qui ne me connaissent pas, ça ne m'atteint absolument pas."
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"C'est une chose que je cachais"
En grandissant, Camélia Jordana s'est affirmée, et cela se ressent dans ses productions, notamment dans son album "Lost", sorti en 2018, dans lequel elle chante notamment en arabe. Cependant, l'artiste n'a pas toujours eu les armes pour affronter le racisme, subi depuis l'enfance, bien avant d'être exposée médiatiquement, quitte à rejeter qui elle était pour "s'intégrer".
Née à Toulon en 1992, Camélia Jordana est issue d'une famille bourgeoise d'immigrés algériens. "J'ai grandi dans le Var dans les années 90, dans un environnement, en dehors de la maison, assez raciste. Quand j'étais petite, j'avais hyper honte de mon identité arabe, liée à l'islam. (...) Toute cette partie-là de mon identité, j'en avais hyper honte. C'est une chose que je cachais, j'avais tout le temps les cheveux lisses. Il fallait que j'aie mon fer à lisser, que je me peigne les cheveux et qu'il n'y ai rien qui dépasse".
"Quand je parle de racisme et de sexisme, c'est parce que je les subis"
Ce racisme, elle estime l'avoir à nouveau ressenti davantage après les attentats de 2015 en France, commis par des terroristes islamistes. "Je passais devant le Bataclan tous les jours pour aller en studio, c'était anxiogène au possible cette période parisienne. Il y a eu la violence des ces événements, mais le regard que les gens ont porté sur moi en tant que personne a vraiment "switché" et c'était hyper violent", s'est-elle souvenue.
Un racisme latent qui s'est exprimé plusieurs fois dans le quotidien de la chanteuse : "Quand tu en vacances dans le Sud, chez toi, que tu es en claquettes, que tu sors de l'eau, que tu as les cheveux frisés, tu passes devant une voiture, trois voitures... Les trois elles ferment à clé quand tu passes devant", a-t-elle décrit.
Invitée sur France Inter en septembre 2020, Camélia Jordana est revenue sur sa légitimité à s'exprimer sur des sujets de société et sur les raisons qui la poussaient à prendre la parole : "Ce que tout le monde appelle cet engagement politique, c’est ce que j’appelle un engagement citoyen, quand je parle de racisme et de sexisme, c'est parce que je les subis". Très critiquée et observée, la chanteuse a finalement fait de sa notoriété et de son identité des forces pour porter les combats qui lui sont chers.
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