Les féministes polonaises et ukrainiennes s'unissent pour le droit à l'avortement

Le chemin pour les droits des femmes est encore long. Alors que les manifestations pour le droit à l’avortement se poursuivent depuis plusieurs semaines dans toute la Pologne, le combat des féministes polonaises pourrait bien prendre davantage d’ampleur grâce au soutien de leurs voisines ukrainiennes. Et ce, grâce à un outil qui compte bien mettre le dialogue au centre du débat et faire valser les tabous.

Le féminisme traverse les frontières, et le droit à l’avortement aussi. En Pologne et en Ukraine, le dialogue est établi entre les féministes via une initiative inédite. La mairie de Wroclaw a créé ce qu’elle appelle la “Féminative polono-ukrainienne”. Qu’est-ce que c’est au juste ? Tout simplement la première plateforme virtuelle pour que les féministes des deux pays puissent échanger. Conférences, discussions littéraires, prises de parole… Un programme a été élaboré afin de dialoguer et de briser les tabous sur la page Facebook de la ville. Et les vidéos diffusées en ligne, inaugurées en septembre dernier avec un débat “La guerre se soucie-t-elle des femmes ?”, ont connu un franc succès.

La parole des femmes contre le patriarcat

La femme derrière ce projet, c’est Olga Chrebor. Et au départ, l’idée lui est venu alors qu’elle devait organiser un événement commémoratif qui regroupait les deux nations, à savoir le centenaire du pacte entre Jozef Pilsudski - à qui on doit l’indépendance de la Pologne - et Symon Petlioura - considéré comme un héros national en Ukraine, rapporte Le Monde. “Comme toutes les commémorations historiques, elle nous imposait une sorte de ‘convention masculine’. Avec mes collègues, nous nous sommes dit : ‘Pourquoi ne pas faire cette commémoration sans les hommes !’ Et des idées sont venues à foison”, a-t-elle révélé avant d’ajouter : “Nous avons vraiment l’impression de créer un espace inédit de diplomatie culturelle. Un espace féminisé.”

Le droit à l’avortement remis en cause

L’un des débats est bien évidemment celui du droit à l’avortement, pour lequel les Polonaises manifestent depuis plusieurs semaines. Car, si en Ukraine, il est autorisé, il est remis en question chez leur voisin frontalier. En effet, en Pologne, l’IVG est en train d’être délégalisé suite à une une décision du Tribunal constitutionnel qui interdit désormais les avortements en cas de malformation du fœtus. Mais forcément, les deux pays n’ont pas le même contexte historique et culturel.

“Des deux côtés de la frontière, les luttes sont quelque peu différentes. Les femmes ukrainiennes luttent également contre une pression de la société qui leur impose une image de poupée infantile, dont le succès se mesure essentiellement au statut social du mari qu’elles auront réussi à séduire. Les Polonaises, de leur côté, luttent davantage pour leurs droits à l’avortement et à la contraception”, explique Olga Chrebor.

Pour cette dernière, les récents événements polonais ont fait émerger une solidarité hors du commun. “C’est la première fois que les Ukrainiennes sont sorties massivement dans la rue au côté des femmes polonaises. Elles souffrent historiquement du complexe de ‘l’invité’, ne se sentant pas légitimes pour s’exprimer dans le débat public. Mais, là, le phénomène de solidarité fut sans précédent.”, confie-t-elle à nos confères. Va-t-on vers une petite révolution ou une véritable coalition pour le droit des femmes à disposer de leur corps ? L’avenir nous le dira.

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