Journée mondiale du droit à l’avortement : enceintes, elles ont choisi d'avorter sans en parler à leur partenaire

Disappointed hispanic girl getting unexpected result from pregnancy test kit. Sad young latina woman sitting alone on her bed.
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Une femme enceinte qui décide de mettre un terme à sa grossesse a-t-elle l'obligation d'en parler à son partenaire ? Caroline* et Joséphine* se sont posé la question. Ces deux femmes aux parcours très différents ont fait le choix de se faire avorter, sans même confier à leur partenaire qu'elles étaient enceintes. Elles ont accepté de se confier sur les raisons de ce choix.

Légalisé en France dans les années 70, le droit à l'avortement est régulièrement remis en cause par certaines personnes, qui estiment qu'il s'agit d'un assassinat pur et simple. Résultat, même si l'IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) est une pratique autorisée en France, l'obtenir ressemble parfois au parcours du combattant. Les personnes qui décident de mettre un terme à une grossesse doivent en effet subir les critiques et les jugements de l'opinion publique, de leur entourage, et même parfois du corps médical, certains professionnels de santé ne cachant pas leur désapprobation. Résultat, de nombreuses femmes décident souvent de garder leur avortement le plus secret possible. Quitte parfois à ne même pas en parler à leur compagnon.

"Je savais qu'il ferait tout pour me convaincre de le garder"

Caroline* a 29 ans, et il y a deux ans de cela, elle a découvert qu'elle était enceinte. "C'était une vraie mauvaise surprise", explique cette jeune femme qui a toujours su qu'elle ne voulait pas d'enfants. "Je suis tombée enceinte en dépit de la pilule, que je prenais pourtant avec une rigueur absolue. J'ai très vite senti que quelque chose n'allait pas dans mon corps, et j'ai fait un test de grossesse immédiatement. J'étais enceinte de trois semaines." La principale intéressée ne s'est pas posé de questions : elle a immédiatement appelé sa gynécologue pour pouvoir se faire avorter, en utilisant la méthode de l'IVG par aspiration. "Plusieurs de mes amies ont eu des problèmes suite à des IVG médicamenteuses, alors j'ai préféré ne pas prendre de risque et passer directement par l'aspiration. J'ai embarqué ma meilleure amie pour le soutien moral, et pour qu'elle puisse me ramener chez moi une fois que tout serait terminé. Et j'ai dit à mon mec qu'on partait quelques jours en vacances entre filles, pour qu'il ne s'inquiète pas."

Car oui, Caroline* a fait le choix de ne pas partager sa situation avec son petit ami. "Nous étions ensemble depuis huit mois, et très amoureux. Nous avions déjà évoqué nos avis sur les enfants. Je n'en veux pas, mais je savais que lui, en voulait. J'avais peur qu'il voit cette grossesse non-désirée comme un signe du destin, et je savais qu'il ferait tout pour me convaincre de garder le bébé. Alors, très égoïstement, j'ai préféré ne rien lui dire." Un choix qui lui a valu de nombreuses réflexions culpabilisantes de la part du personnel soignant qui l'a prise en charge. "L'anesthésiste m'a demandé si ‘le papa’ serait présent pour l'IVG. Rien que ce commentaire m'a mise en boule, pour moi, il n'y avait pas de ‘papa’, puisque la grossesse ne serait pas menée à son terme. Sous le coup du stress, j'ai fait l'erreur de lui dire que non, il n'était pas au courant. J'ai eu droit à une leçon de morale où il m'a expliqué en long et en large que ce genre de décision se prenait à deux, que je trahissais mon compagnon. Le fait que ce soit mon corps, et donc mon choix, ne pesait d'un seul coup plus dans la balance."

Au final, la procédure s'est très bien passée, et la jeune femme a pu reprendre le cours normal de sa vie. Deux ans plus tard, elle est toujours aussi sûre d'avoir fait le bon choix, et d'avoir bien fait de ne pas en parler avec son partenaire de l'époque. "Nous nous sommes séparés après deux ans d'une très jolie relation. Il voulait des enfants, pas moi. Quand j'ai commencé à évoquer mon désir de me faire stériliser, il a compris à quel point je ne changerai pas d'avis, et il a préféré partir. Aujourd'hui, nous sommes toujours amis, et je suis heureuse de mon choix. S'il avait dû subir ma décision, je pense que ça lui aurait fait beaucoup de mal."

"Il était en couple avec une autre, alors j'ai choisi de ne rien lui dire"

La situation de Joséphine* est quelque peu différente. À l'époque de son IVG, la jeune femme avait 21 ans et traversait une période très difficile. "J'étais en plein stress post-traumatique d'un viol subi trois ans plus tôt, et j'avais tendance à noyer ça en couchant avec de nombreux partenaires, sans forcément faire attention à me protéger." Conséquence : elle est tombée enceinte d'un jeune homme qu'elle a fréquenté à une dizaine de reprises, et qui refusait de porter un préservatif lors de leurs rapports. "J'ai découvert ma grossesse au bout d'un mois, et quand je l'ai su, pour moi, il était hors de question de le garder. Mais je comptais tout de même mettre mon ancien partenaire au courant. Du moins, jusqu'à ce que je découvre que depuis notre nuit ensemble, il avait entamé une relation avec une autre femme."

Face à la situation, Joséphine* a longuement hésité. "Finalement, j'ai décidé de tout prendre sur moi et de ne rien lui dire, pour ne pas risquer de briser leur couple avec cette histoire. Par ailleurs, sa nouvelle copine connaissait des gens de mon école, et je n'avais pas envie de prendre le risque que tout le monde soit au courant..." La jeune femme préfère donc se faire entourer par les quelques amies à qui elle a confié sa situation. De son côté, elle n'a pas vraiment reçu de critiques sur le fait de ne pas lui avoir demandé son avis, mais plutôt de ne pas l'avoir tout simplement mis au courant : "Je dirais qu'on m'a reproché de l'avoir privé de son ‘droit de savoir’, plutôt que son ‘droit de choisir’", évoque-t-elle.

Un an et demi après son interruption volontaire de grossesse, elle a décidé de raconter son histoire en écrivant une nouvelle, qu'elle a transmise à son ex. "Je voulais qu'il comprenne ce que ça peut provoquer de refuser le préservatif. Je pense qu'il a compris la situation, parce que mon texte était très explicite." Et visiblement, le principal intéressé n'a pas bien vécu cette lecture : "Je ne l'ai jamais revu, mais des connaissances communes m'ont dit que ça l'avait énormément affecté", raconte Joséphine*. "Je pense qu'il a mal vécu le fait que je le prive d'une sorte de ‘devoir d'accompagnement’, car je ne pense pas qu'il aurait tenté de me convaincre de renoncer à mon choix."

Pour rappel, la loi est formelle à ce sujet : l'IVG est un droit des femmes, qu'elles peuvent exercer sans l'accord de leur partenaire.

* Pour des raisons d'anonymat, les prénoms ont été changés.

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